"Tenir !
On n'a que ce mot à la bouche depuis deux ans. Ou faire comme si. [...] Tenir en suspension dans une parenthèse, entrer dans les critères de Pôle emploi, se faufiler dans leurs procédures, avancer dents serrées sur le fil de leurs formations. [...] On tient comme les boxeurs, K.-O. debout.
On tient sans avoir l'impression de tenir, on a oublié qu'on tient. D'avoir décroché tous les deux un contrat, d'entrevoir le renouvellement nous paie de tout."
Eva et Manuel sont des exilés de l'intérieur, de ceux qui voyagent au coeur de l'hexagone pour fuir la perte de leur emploi et trouver "autre chose", le CDI étant le St Graal convoité, si hypothétique et si difficile à obtenir.
Eux, après avoir lutté dans le Sud contre le pouvoir d'actionnaires anonymes qui ont fermé leur usine, sont partis dans le Nord pluvieux avec leur trois enfants. Tandis que Manuel s'enferme dans sa passion pour la vidéo, Eva, devenue aide soignante s'attache aux patients abîmés du centre de rééducation dans lequel elle travaille. Elle tombe plus particulièrement sous le charme de Gabriel qui a la beauté des anges mais l'immobilité du tétraplégique qu'il est devenu après son accident.
Voici un roman dont l'écriture, et le thème, m'ont profondément touchée. Virginie Lou-Nony sait trouver des mots sensibles pour exprimer la souffrance, elle sait effleurer l'émotion sans y tomber lourdement. J'ai aimé son langage, de grande qualité, et j'étais toute prête à faire à ce livre une petite place à côté de mes coups de coeur. Mais la fin de Décharges, en pirouette, m'a un peu trop désarçonnée...
Malgré cela, ce récit à la voix élégante est une belle lecture, forte, l'histoire d'un amour impossible, décrit comme une lumière au milieu du chaos.
Editions Actes Sud - 18€ - Février 2012 - Merci ma bibli !!
http://lou-nony.litteratures.fr/