J’étais devant le théâtre où je travaille en train d’accrocher des affiches.
Parfois, les panneaux où l’on met ces mêmes affiches sont un peu capricieux. Ils peuvent s’ouvrir dans la seconde ou 3 à 5 bonnes minutes après que j’ai mis la petite clé dans la serrure et que je sois en train de lu-tter pour l’ouvrir.
Autre variante, quand j’en ai vraiment marre, je vais chercher un collègue qui l’ouvre en disons…1sec et demie, même que des fois le temps que j’aille chercher le collègue le panneau s’ouvre tout seul.
Ha, Ha, Ha saleté de panneau
Bref, je m’égare.
Donc hier, je luttais avec le panneau. Dans la rue, un gros camion se gare. Un mec, seul, commence à décharger des chariots pour les amener à l’hôtel hype qui se trouve en face de notre théâtre. Je tourne la tête pour éventuellement dire bonjour. Je vois juste une silhouette affairée. Bon, le moment de politesse ce sera pour plus tard, je continue à installer mes affiches et flyers.
Le mec commence à décharger des trucs, puis il repart à l’arrière de son camion. D’un coup j’entends : BONG !!!!
Là je m’arrête quand même, histoire de me rassurer sur l’état du mec. Et puis j’entends un : MAIS MERDE!!!!! lancé très distinctement et avec beaucoup de retenue n’est ce pas.
Je suis rassurée, le gars semble toujours en forme. Je continue mes petites affaires.
Quelques instants plus tard, j’entends du bruit genre : PING, PANG, BOUM !!!!. Le genre de bruit que ferait un chariot qui tomberait sur le sol d’un camion tout en étant accompagné dans sa chute par les objets se trouvant sur ledit charriot.
Je tends l’oreille et là j’entends : non, mais, non, mais, non, MAIS ME DIS PAS QUE C’EST PAS VRAI, Y A TOUT QUI SE CASSE LA GUEULE LA ET JE SUIS TOUT SEUL. Tout seul, putain. JE SUIS TOUT SEUL COMME UN GROS CON LA PUTAIN !!!!!!!!!! MERDEEE, j’y crois pas. J’Y CROIS PAS.
Un moment de silence, suivi de quelques ruminations-jurons du même acabit que le dialogue précédent, mais avec un volume sonore moindre.
Moi je continue mon affichage. Le silence revient. Pas pour longtemps puisqu’un gros : CHBAM !!! se fait entendre.
Et ensuite mes ami(e)s, ça a été un festival de (avant toute chose, éloignez les enfants) : « PUTAIN », « BORDEL DE MERDE et de MERDE et DE PUTAIN (oui les quatre dans la même phrase), « FAIT CHIER, PUTAIN, FAIIIIIT CHIIIIER », « C’est pas VRAI, je te le dis, mais c’est pas VRAI », « MAIS J’y crois pas, MERDE !!!!!!, J’Y CROIS PAS », « QUEL BORDEL, quel puTAIN de BORDEL ».
Par moment, il disait : « je te le dis ». J’ai eu un doute, j’ai regardé à gauche et à droite, je me suis même demandée si le gars était pas par hasard en train de me parler, mais non. J’étais là avec mes affiches à la main, d’autres sous le bras et tout ce que je voyais c’était l’arrière ouvert de ce camion. d’où s’échappaient des nuées d’insultes en veux-tu, en voilà avec tous les gros mots que la terre a porté. Tout ça sans jamais voir le type.
C’était trop pour moi.
Je suis partie dans un fou-rire. J’avais beau me dire qu’il s’était peut-être fait mal et que le pauvre, il vivait un moment difficile, j’ai ri. Cette bordée d’injures sortant comme par enchantement sans qu’à aucun moment, je ne vois le mec, c’était bizarre et comique à la fois. Je sais, je sais, c’est pas beau de se moquer.
J’ai fini tant bien que mal mon affichage. J’essayais d’être discrète tout de même car j’imaginais la tête du gars s’il m’avait entendue ou vue rire. Mais bon, toi même tu sais, le meilleur moyen pour raviver un fou-rire c’est d’essayer de le cacher n’est ce pas.
Toujours est-il que quand j’ai refermé la porte du théâtre, il était encore en train de jurer comme un charretier. En remontant dans nos bureaux, je me suis surprise à avoir une pensée genre bonjour, je me la joue mamie qui fait la morale, me disant qu’il avait un comportement tout de même assez inconvenant en se défoulant ainsi avec autant de mots grossiers. Et puis, mon esprit retors m’a rappelée ces doux moments où je me cogne le pied sur le coin de mon lit et que le temps que la douleur arrive à mon cerveau, ma bouche a déjà eu le temps de prononcer au moins 5 fois un mot commençant par PU et se terminant par TAIN. Il m’a aussi rappelée la fois où il y a quelques semaines, une dame a malencontreusement marché sur mon pied dans le métro m’arrachant un malencontreux « MAIS AÏE MERDE ENFIN !!!! » qui nous a valu à toutes les deux un petit moment de gêne.
Arrivée dans mon bureau, je me suis dit que ouais, d’accord, le juron c’est peut-être bien une réaction réflexe bien crue, mais ça possède au moins le mérite de faire du bien. Eh là dessus, mouais, définitivement, je suis mal placée pour me la jouer mamie fait la morale à ton prochain
…hum.