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Huit ans après son précédent roman, le remarqué et remarquable Johnny chien méchant – qui a donné le film Johnny Mad Dog –, Emmanuel Dongala a fourni une nouvelle raison de s’enthousiasmer : Photo de groupe au bord du fleuve, livre de lutte, livre de femmes, livre chargé d’émotion, d’affection et de colère est, pour faire court, indispensable.Avec d’autres femmes, Méréana casse des rochers au bord du fleuve, pour vendre le gravier qu’elles obtiennent. Un aéroport international est en construction, le prix des matériaux a considérablement augmenté mais les sacs sont toujours achetés 10.000 francs CFA et il est de plus en plus difficile de manger. La révolte gronde. Ce sera désormais 20.000 francs ou rien, décident les casseuses de cailloux en espérant un peu moins. La discussion avec les acheteurs tourne à l’altercation, les forces de l’ordre interviennent, tirent. Une des femmes est gravement blessée, dans le coma. Ce n’est plus une révolte, c’est une révolution…Alors commence la valse des autorités, carotte et bâton maniés par un député qui fut le mari de Méréana, par la ministre de la Femme et des Handicapés, par l’épouse du président qui ne veut pas voir gâchée la réunion de femmes de chefs d’États africains qu’elle organise.Pendant qu’il met en place des rapports de force où le pouvoir politique joue la partie avec ses règles que ne connaissent pas les femmes du fleuve, Emmanuel Dongala nous présente chacune d’entre elles par le biais des histoires qu’elles ont confiées à Méréana. Celle-ci fait figure de personnage principal et de chef de file, bombardée porte-parole ou présidente, selon les moments. Mais aucune n’est anonyme. Le roman devient choral. Pas une voix n’est perdue dans la masse. Au contraire : c’est la plus inattendue des membres du groupe qui fera une déclaration à la presse.Photo de groupe au bord du fleuve n’est pas un portrait figé. C’est une image qui bouge avec une énergie que rien ne peut contenir, ni la force, ni la corruption. Et c’est une très belle image.