Puis certains ont cru bon de faire remarquer que les
mesures annoncées ne portaient essentiellement “que” une augmentation de “3%” (en fait, nettement plus, nous le verrons)
des taux d’imposition du régime, et de nombreux commentateurs de
presse, y compris les plus estimables, ont alors jugé que les
protestations des auto-entrepreneurs étaient injustifiées. En outre,
nous avons eu le droit à la litanie des protestations “classiques”
contre les auto-entrepreneurs qui bénéficieraient “d’avantages
considérables” créant une “concurrence déloyale” contre les artisans.
Ces assauts contre les auto-entrepreneurs sont ils justifiés ? Pour le savoir, il convient de répondre à deux questions:
1) Le régime d’auto-entrepreneur est il si avantageux que ne le prétendent ses détracteurs ?
2) Les modifications du régime fiscal des auto-entrepreneurs prévues par le PLF 2013 sont elles bénignes ?
Pour
ce faire, nous allons d’abord revenir (longuement) sur le statut actuel
(“Novelli”) des AE, puis, en fin d’article, sur l’incidence réelle des
augmentations prévues par le PLF 2013.
Qu’est-ce que l’Auto-entrepreneur ?
Ce
régime a été créé à l’initiative de Hervé Novelli, Secrétaire d’Etat
aux Entreprises et au Commerce Extérieur dans le gouvernement Fillon,
dans le cadre de la Loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.
Le
but de ce statut est de simplifier considérablement la création, la vie
et la cessation d’une activité lucrative pour encourager la création
d’entreprises, offrir des nouvelles solutions aux demandeurs d’emploi,
offrir aux salariés, fonctionnaires, étudiants ou retraités la
possibilité de créer, dans des conditions favorables, une activité
complémentaire, soit dans le but d’augmenter leur revenu, soit pour
démarrer une activité indépendante sans prendre le risque d’abandonner
leur situation antérieure.
Naturellement,
dans un monde “idéal” au sens libéral du terme, c’est à dire sans
Urssaf, avec une fiscalité marginale faible et une administration quasi
furtive, une “niche” fiscale et administrative telle que
l’Auto-entrepreneur ne se justifierait pas. Mais dans la France hélas
réelle d’aujourd’hui, faite d’impôts élevés et de tracasseries
bureaucratiques de tous les instants, la création de M. Novelli
constituait une avancée remarquable, qu’il convient de détailler.
Un régime fiscal et social simple mais assorti de limitations
Question
simplification, l’objectif a été largement atteint: Il suffit de
s’inscrire par Internet, ou en se rendant à la Chambre de Commerce, ou
des Métiers, ou à l’URSSAF. On est immédiatement admis à exercer, et on
reçoit un numéro SIRET dans les jours qui suivent. Il n’y a pas
d’inscription au registre du commerce ou des métiers, ni publicité.
L’AE
dispose d’un seul interlocuteur pour payer l’impôt et les cotisations
sociales : le Régime Social des Indépendant (RSI) pour une activité
commerciale ou artisanale, l’URSSAF pour une activité libérale. L’AE
doit choisir, à la création, entre deux régimes :
- (1) Le versement libératoire de l’impôt et des charges sociales.
Ou
- (2) Le régime de droit commun adapté à la micro-entreprise.
Dans le second cas, vous ajoutez à votre déclaration annuelle de revenus vos bénéfices nés de votre activité d’auto-entrepreneur, ce qui vous impose la tenue d’une comptabilité. La grande majorité des entrepreneurs choisissent donc le versement libératoire.
L’auto-entrepreneur bénéficie de la franchise de TVA dévolue à la micro-entreprise (art 293B du CGI). En contrepartie, il ne peut pas récupérer la TVA payée sur ses achats.
Ce régime fiscal et social n’est accordé que sous condition d’une double limitation :
- Le chiffre d’affaires ne doit pas dépasser 81 500 € annuels pour une activité de vente de marchandises, ni 32 600 € annuels pour des prestations de service. Si ce chiffre d’affaires est dépassé au cours de la première année, l’auto-entrepreneur perd ses avantages et réintègre le cadre de droit commun. Il sera alors soumis à toutes les contraintes ordinaires s’appliquant à un commerçant, un artisan, ou une profession libérale. Un dépassement de 10% maximum de ces plafonds est toléré à partir du deuxième exercice, et pour un exercice seulement.
- Le revenu global imposable du foyer fiscal de l’auto-entrepreneur ne doit pas dépasser le montant imposable à la troisième tranche de revenus (imposable à 14%), soit 26 420 € par part. Cette condition est appréciée pour l’antépénultième exercice fiscal de l’année d’imposition (donc pour l’impôt 2011, payé en 2012, le revenu fiscal de 2009).
Le versement libératoire simplifié
Le revenu de l’auto-entrepreneur est forfaitairement estimé à 29% du montant des ventes de marchandises, 50% du montant des ventes de services artisanaux, 66% des recettes non commerciales. Il s’acquitte trimestriellement (ou mensuellement) de ses impôts et charges sociales en faisant une simple déclaration de chiffre d’affaires de la période (par voie postale ou en ligne), accompagnée d’un paiement ou d’un télé-règlement de :
- 13% de ses ventes de marchandises (12% représentent les charges sociales, 1% l’impôt sur le revenu), plus 0,15% de contribution à la formation professionnelle continue (qui ouvre droit à des formations agréées gratuites).
- 23% (21,3% de cotisations sociales et 1,7% d’impôt sur le revenu) pour ses prestations de service artisanales, plus 0,15% FPC
- 23,5% (21,3% de cotisations sociales et 2,2% d’impôt sur le revenu) pour ses recettes non commerciales, plus 0,15% FPC.
Le
choix du versement libératoire simplifié exonère l’entrepreneur du
paiement de la Cotisation Foncière de Entreprises pendant l’année de
création et les deux années suivantes.
Avantages par rapport à l’exercice d’une activité commerciale ou artisanale dans le cadre du droit commun
L’avantage
le plus apprécié est celui de la simplicité de fonctionnement, du moins
sous régime libératoire simplifié. L’auto-entrepreneur n’est tenu qu’à
remplir un registre chronologique de ses ventes et de ses achats. De
plus, il n’enregistre ses ventes qu’à réception du règlement. Il est
tenu toutefois de faire figurer certaines mentions sur ses factures et
devis (« auto-entrepreneur », numéro SIRET, dispense d’inscription au RC
ou RM, franchise de TVA - art. 293B CGI). Il doit émettre des factures
dans les cas où le CGI l’exige. Il doit enfin conserver ses relevés de
banque.
Le
régime social des auto-entrepreneurs sous l’option libératoire
simplifiée est à priori plus favorable que le régime de droit commun.
Ainsi, pour un vendeur de marchandises dont le bénéfice est
effectivement 29% du chiffre d’affaires, le prélèvement social global,
CSG incluse, est égal à 49,5% du bénéfice. Pour l’auto-entrepreneur, ce
prélèvement est de 12/29 = 41,4% du bénéfice forfaitaire et donne les
mêmes droits à assurance maladie, retraite, etc. Pour un prestataire de
services artisanaux auto-entrepreneur, c’est 21,3/50 = 42,6%.
Le
principal avantage réside surtout dans le fait que l’auto-entrepreneur
sous régime simplifié n’est pas soumis aux minimas imposés aux autres
catégories, qui est de 1680 € pour un commerçant ou artisan, ramené à
350 € pour ceux qui bénéficient du régime de la micro-entreprise. Cette
particularité est hautement appréciable en cas d’insuffisance de chiffre
d’affaires, et élimine le risque de payer plus de cotisations qu’on
n’encaisse de recettes.
Les contreparties: des avantages pas si avantageux !
Cela
dit, le forfait a pour contrepartie que, en cas d’insuffisance de
bénéfice, et encore plus en cas de perte, Les cotisations restent
immuablement calculées sur le chiffre d’affaires. Or tout professionnel
est soumis à des aléas pas toujours maîtrisables (difficulté pour
amortir les investissements, invendus, obligation de brader, défaillance
de créanciers...).
L’impôt
sur le revenu, quand à lui, correspond à un taux réel d’imposition de
3,45% du forfait de revenu (vente de marchandises et fourniture de
logement) ou 3,4% (prestations artisanales). Ces taux peuvent paraître
peu élevés, mais ils doivent être considérés en fonction du revenu
total. Un commerçant célibataire sans enfant qui réalise 80000 € de
ventes à 29% de bénéfices, soit 23000 € de revenu, aura un taux
d’imposition de 7,53%. Mais il peut diminuer considérablement ce taux,
voir l’annuler, grâce à des charges déductibles et crédits d’impôt, ou
versements de pensions alimentaire, etc… L’auto-entrepreneur ne dispose
pas de ces possibilités.
Mais
surtout, 90% des auto-entrepreneurs gagnent moins que le SMIC. Un
commerçant dont le revenu est de 12000 € par an ne paye pas d’impôt sur
le revenu, alors que l’auto-entrepreneur revendeur de 41379 € de
marchandises pour un bénéfice de 12000 € paye 414 € d’impôt, ce qui est
lourd pour une personne en dessous du SMIC.
Un
autre avantage prêté aux auto-entrepreneurs, l’absence de versement de
la TVA, mérite examen. Cet avantage n’est évident que dans le cas
d’auto-entrepreneurs vendant exclusivement à des particuliers des
produits ou des services taxés à 19,6%. Lorsqu’on vend des produits taxés à 5,5%
(alimentaire, restauration, rénovation et entretien bâtiments, taxi,
etc.), alors qu’on achète le matériel, les fournitures, le gazole, avec
un taux de TVA de 19,6% entièrement récupérables, avec éventuel
reversement du Trésor, pour le professionnel non auto-entrepreneur, la
franchise de TVA n’est plus recommandée, et le régime auto-entrepreneur devient financièrement défavorable.
Enfin,
dans tous les cas où l’auto-entrepreneur offre ses services à des
entreprises, la franchise de TVA se retourne contre lui,
puisque ses clients ne le trouvent compétitif que si ses prix sont d’au
moins 19,6% (ou 5,5%) inférieurs à celui de ses concurrents, et qu’il
ne bénéficie pas de la récupération sur ses achats. Il en est de même
pour l’auto-entrepreneur vendant largement à l’étranger (vente par
Internet, notamment), ses clients étant le plus souvent astreints à
payer une TVA à leurs douaniers, alors que lui ne peut déduire la TVA de
ses fournisseurs.
Surprise ! Une grosse “peau de banane” de Bercy
Le
cas de ceux qui cumulent un revenu salarial ou une pension et une
activité d’auto-entrepreneur mérite une analyse particulière, d’autant
que c’est le cas d’une majorité d’entrepreneurs. C’est en effet celui de
l’auto-entrepreneur à temps complet dont le conjoint a une activité
salariée, et également celui du salarié ou du retraité qui se fait un
complément de revenu avec une activité d’auto-entrepreneur.
D’abord,
il faut considérer que l’auto-entreprise n’est accessible qu’aux foyers
fiscaux dont le revenu fiscal de référence n’excède pas 26 420 € par
part, y compris le bénéfice forfaitaire d’auto-entrepreneur. Ainsi, un
célibataire ayant eu un revenu salarial imposable de 24 000 € en 2010
peut s’établir auto-entrepreneur. Mais si son bénéfice
d’auto-entrepreneur dépasse 2 420€, il sera obligé de renoncer au statut
en fin 2013.
En second lieu, le régime auto-entrepreneur s’avère fiscalement défavorable dans un certain nombre de cas.
Prenons le cas d’un ménage où l’homme a un salaire annuel de 18000€.
Son épouse, sans emploi ni indemnités de chômage décide de se lancer
dans l’auto-entreprise, et se fait coiffeuse à domicile. Elle compte
faire un chiffre d’affaire annuel de 30000 €. Le couple ne paye pas
l’impôt sur le revenu, du fait de la faiblesse de celui-ci. Ils tiennent
le raisonnement suivant : sur les 30 00 €, ils ne paieront qu’un impôt
forfaitaire de 1,7%, soit 510 €. Comme le salaire de l’homme est
inchangé, ils pensent que ces 510 € seront leur seule imposition. Les
naïfs !
La
femme atteint effectivement le chiffre d’affaires de 30 000 €, et paye
ses 510 € d’impôt forfaitaire. Ils ont alors la mauvaise surprise
d’apprendre toutefois que leur revenu fiscal de référence a bondi à
29700 €, que leur taux moyen d’imposition est passé de 0% à 5%, et qu’il
y a lieu de taxer à ce nouveau taux le revenu du mari, soit 900€ supplémentaires
! Ceci provient du fait que le taux qui s’applique au revenu du mari
n’est plus le taux zéro qui s’appliquait auparavant, mais le taux qui se
serait appliqué si les revenus de l’épouse avaient été taxés dans les
conditions classiques. Cette règle, à l’origine, s’appliquait au cas des
contribuables qui avaient une partie de leur revenu dans un pays lié à
la France par une convention de non double-imposition, et appliquait un
taux majoré aux revenus national de ces contribuables. Le législateur a
introduit subrepticement une petite ligne au CGI pour assimiler les
revenus d’auto-entrepreneur aux revenus de ces contribuables
transfrontaliers, et ce sans publicité, et sans
qu’on attire l’attention des candidats auto-entrepreneurs sur cette
disposition qui détruit l’avantage fiscal de l’auto-entreprise pour des contribuables ayant une autre source de revenus.
Pas
sûr que même les promoteurs du statut (MM. Novelli et Hurel) aient été
tenus au fait de cette entourloupe de Bercy. Pourtant, c’est une
constante : Bercy récupère toujours d’une main les “cadeaux” que les
politiques lui forcent à faire de l’autre. Sale mentalité...
Démontage des critiques et attaques contre les auto-entrepreneurs
L’auto-entreprise
a été violemment attaquée par certaines corporations d’artisans et de
commerçants. Les auto-entrepreneurs leur feraient une concurrence
déloyale parce qu’ils ne payent que peu d’impôts et pas de TVA, et qu’il
en résulte une inégalité de droits importante, en faveur de ce nouveau
type d’entreprise. En fait, le statut d’auto-entrepreneur n’est
financièrement favorable que lorsque certaines conditions sont réunies.
Comme nous l’avons vu plus haut, pour la vente de marchandises, ce n’est
vrai que dans le cas de vente à des particuliers, de produits sur
lesquels il y a des possibilités de marge importante et où les
investissements sont limités. Encore faut-il qu’il ne s’agisse pas de
ventes au taux réduit de TVA de 5,5%, alors que les investissements et
les achats sont taxés à 19,6%.
Reste
le léger différentiel de charges sociales de 7% en faveur des
auto-entrepreneurs. Mais où se situe le scandale, dans un pays qui
prélève pratiquement la moitié du revenu des commerçants et artisans
pour assurer une protection sociale qui est loin d’égaler celle des
salariés, et encore moins celle des fonctionnaires, et ne leur assure
même pas un revenu de remplacement en cas de maladie ou de chômage ? D’ailleurs,
les auto-entrepreneurs financent souvent des prestations sociales dont
ils ne bénéficient pas. C’est le cas notamment des nombreux retraités
auto-entrepreneurs qui payent des cotisations qui n’améliorent ni leur retraite, ni le remboursement de leurs soins.
La conclusion de tout ceci est claire: ce ne sont pas des allègements de prélèvements sociaux et fiscaux qui justifient le succès de l’auto-entreprise.
L’avantage déterminant, c’est qu’on a enfin supprimé à une catégorie
d’entrepreneurs les contraintes administratives qui pénalisent
lourdement la petite entreprise de ce pays : une gestion lourde et
complexe, qui impose des frais de recours à des experts, et un temps de
travail qui s’ajoute à celui de la production et de la vente. On a
également limité le risque inhérent à la création d’entreprise, en
supprimant les frais administratifs de création et les planchers de
taxation qui ne sont amortissables qu’à partir d’un niveau suffisant
d’activité.
Les “effets de bord”
Les
griefs des commerçants et artisans sous-entendent également que les
auto-entrepreneurs, dans certains créneaux d’activité, auraient la
partie belle pour dissimuler une partie de leurs recettes. Il est vrai
que la comptabilité très simplifiée à laquelle les auto-entrepreneurs
sont assujettis peut donner lieu à des perceptions d’argent liquide non
déclarées, auxquelles des entreprises d’une certaine importance ont
moins aisément recours. Il est moins choquant d’avoir affaire à un
“petit gars” à qui vous avez confié l’élagage de vos arbres et qui
demande si vous ne pourriez pas le payer en liquide, que d’acquiescer à
la sollicitation d’une entreprise ayant pignon sur rue et employant de
multiples salariés, et qui ferait le même type de demande. L’argument
est toutefois faible, car l’administration possède les mêmes droits de
contrôle et de sanction sur les uns et les autres, et qu’on ne peut
arguer d’une inégalité intrinsèque en la matière.
Le
dernier grief vient plutôt des syndicats de salariés et des
fonctionnaires de l’administration du travail. Des entreprises
recourraient à des auto-entrepreneurs pour remplacer des salariés. Les
entreprises tendent à se recentrer sur leur cœur de métier, et à
externaliser les activités pour lesquelles leur savoir-faire propre
n’est pas déterminant. Certaine entreprises proposeraient à des salariés
de s’installer à leur compte, en leur garantissant une aide au
démarrage et un minimum de commandes. D’autres publieraient des offres
d’emploi, puis révèleraient aux candidats retenus qu’elles ne souhaitent
recourir à leurs services que s’ils acceptent d’être travailleurs
indépendants. Aucune enquête sérieuse n’a été faite sur ce phénomène,
qui, selon toute vraisemblance, reste marginal, et qui peut de toute
façon conduire à des requalifications en contrat de travail selon le
droit français en vigueur. Symétriquement, il faudrait d’ailleurs se
demander si cette souplesse ne cannibalise pas aussi la part de marché
du travail “au noir”. Mais les détracteurs de l’auto-entreprise se
gardent bien, en toute mauvaise foi, de poser cette question.
Au
reste, il convient de se demander pourquoi des entreprises ont recours à
de tels expédients, plutôt que de vilipender à tout bout de champ les
“patrons vampires”. Les barrières à la rupture d’un contrat de travail
normal sont aujourd’hui telles que nombre de petits chefs d’entreprise
n’ont guère le choix, pour ajuster leur force de travail, que d’utiliser
toutes les ficelles du droit du travail, quitte à détourner certains
dispositifs de leur philosophie initiale. Nombre d’entrepreneurs se
passeraient volontiers d’avoir à gérer leur personnel de cette façon, si
le législateur comprenait enfin que la possibilité de rupture d’un
contrat, fut il de travail, est une clause indispensable à la conclusion
de tout contrat, et que parfois, malheureusement, il faut l’utiliser
sans que cela ne devienne une sorte de “crime contre la société”
perpétré par une classe de patrons exploiteurs ne pensant qu’au vil
profit. Ramener un peu de souplesse dans le contrat de travail CDI
“classique” réduirait fortement les incitations à recourir à ces
expédients... Autre débat, pour d’autres articles.
Le PLF 2013 et l’auto-entreprise: simple coup de matraque, ou début de la mise à mort ?
L’auto-entreprenariat
est une mesure promue sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Est-ce
pour cela qu’elle ne semble pas avoir bonne presse auprès de l’actuel
gouvernement ? En tout cas, celui prête une oreille attentive aux
lobbies de corporations qui dénigrent ces auto-entrepreneurs, dont la
fédération semble peu influente auprès du pouvoir. La Ministre déléguée à
l’Artisanat, au Commerce et au Tourisme, Sylvia Pinel, a déclaré que “Ce
régime a conduit à créer dans certains secteurs, notamment le commerce
et l'artisanat, une concurrence déloyale avec les professionnels qui
sont soumis à des règles sociales et fiscales et des normes
différentes”. Nous
avons vu que ces assertions relevaient de l’exagération pure et simple,
mais la recherche de la vérité est rarement la motivation essentielle
des déclarations gouvernementales, quelle que soit la couleur politique
des dirigeants.
L’
intention de la ministre était donc de soumettre les auto-entrepreneurs
à des obligations comptables et de contrôle identiques à celles des
commerçants et artisans classiques - ce qui signifiait la fin de la simplicité de gestion, argument premier du régime -,
et d’aligner les deux régimes sociaux, avec notamment la création d’une
imposition forfaitaire minimale. Il s’agissait, ni plus, ni moins, de
signer l’acte de mort du régime d’auto-entrepreneur. Apparemment, Bercy
évoque désormais une “réforme concertée”, ce qui écarterait cette menace
pour le PLF 2013. Mais les craintes des auto-entrepreneurs pour la survie de ce statut n’en restent pas moins très vives. Le président de l’Union de Auto-Entrepreneurs, François Hurel, appelle à rester vigilant, notamment sur les conclusions de la “mission d’évaluation” commandée par la Ministre.
Il
reste aujourd’hui le projet, qui sera vraisemblablement voté,
d’augmenter de 2 à 3,3% les cotisations actuelles relatives aux charges
sociales, imposé unilatéralement par Bercy sans autre forme de procès.
“2 à 3%, ce n’est pas si terrible”, entend-on partout. Mais si le taux
augmente peu, le prélèvement subi, lui, augmentera bien plus.
Ainsi, les prélèvements sur chiffre d’affaire passeraient de 13% à 15% sur les ventes de marchandises, ce qui correspond à une augmentation de 15% du prélèvement subi par l’auto-entrepreneur. Sur les prestations de service, les prélèvements passeraient de 23% à 26,3%, soit 14% d’augmentation.
De telles majorations pesant sur les revenus de travailleurs aux
conditions des plus modestes sont profondément iniques, de la part d’un
gouvernement dont le premier ministre ose prétendre que les français
modestes échapperont aux hausses d’impôt. Elles le sont d’autant plus
qu’elles ne correspondent à aucune amélioration de leur régime de
protection sociale.
Et
il semble bien, au vu de la hargne des déclarations initiales de
certains membres du gouvernement tels que Madame Pinel, qu’il ne
s’agisse là que du premier coup porté à cette catégorie d’entrepreneurs,
et que la prochaine étape consistera à resserrer le carcan de règles
et d’obligations insoutenables qui les étouffera, vu la modicité de
leurs revenus et la fragilité de leurs entreprises.
Rappelons
que 70 000 auto-entrepreneurs ont franchi l’an dernier les barrières
qui leur étaient fixées et ont transformé leur affaire en PME, ce qui
est tout bénéfice pour l’emploi... et les rentrées fiscales. Tuer ce
dispositif par un acharnement à trouver des recettes fiscales “de fond
de tiroirs” immédiates aura des répercussions de long terme bien plus
néfastes. Certains pragmatiques, au gouvernement, le savent bien. Mais
seront-ils assez forts et mobilisés pour faire valoir contre l’autre
aile du gouvernement, au discours volontiers anti-entreprise, voire
marxisant, le message de raison des auto-entrepreneurs ?
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Plus values: au delà de la fronde des #Geonpi, un combat pour l'entreprise
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