A qui, entre autres? Aux entrepreneurs de PME de croissance. Le gouvernement n'a rien trouvé de mieux que d'aligner les revenus du capital sur ceux du travail, par ... équité fiscale.
Dans La Tribune, le même jour, Jean-David Chamboredon, qui est co-fondateur d'un fonds de capital-risque, ISAI, pousse un coup de gueule:
"Je voudrais [...] parler ici de l'alignement de l'imposition des revenus du capital avec ceux du travail qui conduira, par exemple, un entrepreneur cédant son entreprise après 10 ans de labeur, d'incertitudes, de hauts et de bas, de semaines de 70 heures... à payer 45% (taux marginal de l'IRPP) +15,5% (CSD/CRDS) soit plus de 60% sur la plus-value de cession. Nous sommes ici dans le dogme anti-capitaliste, l'anti-économique, le "brisage de rêve", la démotivation quasi-sadique, le "je-ne-sais-quoi-qui-donne-la nausée""...
Ce coup de gueule est répercuté sur les réseaux sociaux. Le Mouvement des pigeons est né, lancé par des entrepreneurs du Web, auquel Jean-David Chamboredon apporte son soutien. Il fait un véritable buzz sur Facebook . Il compte aujourd'hui près de 65'000 amis sur le réseau social, qui se mobiliseront jusqu'au vote final du projet de loi de finances 2013 au Parlement.
Entre-temps le gouvernement recule d'un pas pour mieux plumer les pigeons:
"Les cessions réalisées en 2012 (la mesure est rétroactive), 2013 et 2014 pourront bénéficier d'un système de quotient variable en fonction de la durée de détention. Après 2015, les entrepreneurs pourront aussi bénéficier d'un abattement (à l'assiette de l'IR) indexée sur le temps de détention des parts. Il ira jusqu'à 40% pour une durée de détention de douze ans.", explique Solenn Poullennec sur agefi.fr du 4.10.2012.
Dans La Tribune du 5.10.2012, Sandrine Cassini précise:
"Il y aura trois natures d'évolution", a indiqué Pierre Moscovici. Tout d'abord, il y aura une amélioration du système d'exonération des entrepreneurs qui réinvestissent les plus-values de cession dans des nouvelles activités. L'exonération sera calculée à la hauteur de son investissement, "soit 100% s'il réinvestit la totalité", a précisé le ministre. Autre aménagement: s'il ne réinvestit pas sa participation, l'entrepreneur qui cède ses parts sera taxé au niveau actuel, soit 19% sur les plus-values (hors CSG-CRDS). Reste maintenant à donner une définition exacte de la notion d'entrepreneur."
Le Point du 9.10.2012 note:
"Pour en profiter, la participation dans l'entreprise devra dépasser un certain seuil (par exemple 15 %) pendant une période minimale. Ceux qui détiendront moins de 10 à 15 % du capital seront donc bien imposés au barème de l'impôt sur le revenu selon Les Echos."
Dans un entretien accordé au Figaro du samedi 6 - dimanche 7 octobre 2012, Jean-David Chamboredon résume la rectification de tir très partielle du gouvernement:
"Pour reprendre l'image des pigeons, c'est comme s'il avait dit "je vais vous plumer entièrement" et après qu'il concédait, "non, tout sauf la tête".
Il explique pourquoi l'écosystème des PME de croissance reste menacé. Celui-ci repose sur les quatre piliers que sont les créateurs, les salariés "qui doivent être associés au capital", les business angels "qui mettent leur argent personnel" et les fonds de capital-risque "qui accompagnent la croissance".
Or si le gouvernement a fait un geste envers les créateurs, sans d'ailleurs définir fiscalement ce qu'est un créateur, Jean-David Chamboredon remarque que "le jeu n'en vaut plus la chandelle pour les business angels, qui ont une chance sur deux de perdre de l'argent et vont désormais subir un prélèvement marginal de 60% en cas de succès":
"Le gouvernement a proposé d'accélérer le planning d'abattement en fonction de la durée de détention des parts: 12 ans c'est deux siècles Internet!"
Quant aux gens qui gèrent des fonds de capital-risque, ils "sont susceptibles dans le projet actuel d'être taxés entre 80% et 95%" alors qu'ils investissent leur propre argent dans un secteur très risqué...
Pierre Moscovici prétend vouloir protéger les entrepreneurs. Jean-David Chamboredon lui répond comme tout entrepreneur digne de ce nom:
"Nous ne voulons pas être protégés!"
Le fonds ISAI, dont il est co-fondateur, investit depuis 13 ans dans l'Internet en France. Après l'éclatement de la bulle de 2001, les investisseurs comme lui ont été traités comme des lépreux, mais ils ont tenu bon, tout seuls, et aujourd'hui les start-up de ce secteur créent chaque année des dizaines de milliers d'emplois en France:
"C'est le dernier ascenseur social qui fonctionne en France. Cela explique ma tribune assez "lyrique" le 28 septembre. Je vais continuer à me battre pour cela!", conclut Jean-David Chamboredon.
C'est évidemment une attitude incompréhensible pour un ministre socialiste qui n'a jamais créé ni dirigé une entreprise de sa vie...
Francis Richard