Nom: Maria Elena Moyano
Pays: Pérou
Occupation: Leader communautaire
Adage:… «La révolution est l’affirmation de la vie à la dignité individuelle et collective. La révolution est une nouvelle éthique. La révolution ne doit pas être ni la mort, ni l’assujettissement. La révolution n’est doit pas être ni l’imposition ni le fanatisme. La révolution est une vie nouvelle, elle s’agît de convaincre et de se battre pour une justice digne de compassion, à côté des organisations créées par notre peuple »
Lorsque j’ai lancé MujeresMundi, il visait à faire connaître des cas de femmes dont les exemples peuvent devenir des sources de changement pour une société. Ainsi, pendant des mois, j’ai interviewée et fait connaître les exemples de vie des gens – principalement des femmes – dans les quatre coins de la planète.
Depuis le début du projet, j’ai un nom et un exemple qui me suit comme une ombre depuis que je suis une adolescente: Maria Elena Moyano. J’avais 10 ans quand Maria Elena a été lâchement assassinée. Vingt ans plus tard, l’image de Maria Elena est encore dans ma tête … et dans le mur de mon bureau.
Alors que, jusqu’à présent MujeresMundi fait son travail pour transformer l’information en action, je sentais qu’il y avait un vide: il existe de nombreux exemples de femmes qui ne peuvent plus se joindre à nous. Elles sont des héroïnes immortelles, pas bien connues et, dans certains cas, les gens sont en train de les oublier. Ce vide dans le projet devait être comblé. Ainsi, de plus les entretiens hebdomadaires habituels, il sera ajouté chaque mois, un article en l’honneur d’un héros qui ne peut pas être avec nous, un in memoriam à un exemple qui ne doit pas être oublié. Commençons, donc, par Maria Elena Moyano.
Dans les années 70, environ un millier de familles pauvres qui avaient pris des terres de l’Etat pour construire leurs maisons, ont été réinstallés sur un grand terrain, à 26 km de Lima. C’est ainsi que Villa El Salvador, le plus grand bidonville du Pérou, a été créé. La famille Moyano arriva à Villa El Salvador, lorsqu’elle était qu’un grand terrain de sable sans eau courante ni électricité. A cette époque, Maria Elena Moyano (Lima, 1958-1992) avait douze ans et n’avait aucune idée que son nom allait devenir quelques années plus tard, synonyme de courage.
Maria Elena s’est impliquée dès très jeune avec le développement de sa communauté. Elle a collaboré avec le premier programme pour l’éducation enfantine (PRONEI) s’engageant dans des programmes d’alphabétisation. Elle a fait partie de la Fondation des mères et des Soupes Populaires Collectives étant l’une des fondatrices de la Fédération populaire des femmes de Villa El Salvador (FEPOMUDES), qu’elle a présidé en 1984. Dans cette fédération se sont réunis plus d’une centaine de Soupes Populaires Collectives qui nourrissent, dans les années 90, environ trente mille convives quotidiennement. Également, elle compté avec cinquante programmes de Verre-du-Lait gratuits qui ont servi plus de 60.000 enfants et personnes âgées.
En 1990, le groupe terroriste Sentier lumineux (Sendero Luminoso) avait réussi à étendre son activité de base dans l’intérieur du pays et avait commencé à renforcer sa présence à Lima, avec des attaques majeures entre 1990 et 1992. Le Sentier Lumineux a commencé à composer des plans d’élimination des leaders des groupes sociaux, y compris Maria Elena Moyano. Ils les considérant comme une autorité qui allait à l’encontre des objectifs du groupe armé et donc, représentaient un bouleversement pour ses plans d’expansion dans la capitale péruvienne. Dans le rapport final de la Commission de la Vérité[i], s’est indiqué qu’ «la force des leaders sociaux résidait dans leur pouvoir pour soutenir l’économie familiale dans les secteurs populaires. Ainsi qu’à leur travail social pendant la crise économique qui a vécu au Pérou » En 1991, le chef du Sentier Lumineux Abimael Guzman annonça que le groupe terroriste avait atteint un équilibre stratégique, en adoptant des campagnes de plus en plus agressives, en se concentrant sur les bidonvilles, des scénarios clés pour plan de Guzman. Selon ses projections, il serait là où il débarrasserait le «bataille décisive».Maria Elena Moyano ainsi que d’autres dirigeants populaires, constituent un obstacle évident pour le plan de Guzman. Cela dit, le Sentier Lumineux a lancé une stratégie visant à discréditer ces leaders communautaires, les accusant d’être des ennemis du peuple et de collaborer avec le gouvernement. Guzman a atteint Moyano la qualifiant comme «le fer de lance de l’impérialisme». Dans le rapport de la Commission Vérité, affirme que «cela faisait partie d’une campagne visant à discréditer les FEPOMUDES et en particulier Maria Elena Moyano. Pour ensuite, justifier son assassinat. »
En réponse à cette campagne de dénigrement, Maria Elena Moyano publia une lettre ouverte diffusée dans divers médias. Elle rejeta les accusations du groupe terroriste, dont elle était accusée d’être une alliée des forces armées et de profiter de sa position dans les FEPOMUDES pour l’enrichissement personnel. Dans sa lettre, Maria Elena a souligné son travail en faveur de la communauté et ses manifestations contre les violations des droits de l’homme. Dans un paragraphe Maria Elena Moyano met clairement son point de vue sur le rôle d’une véritable révolution dans une société « (…) La révolution est l’affirmation de la vie, à la dignité individuelle et collective. La révolution est une nouvelle éthique. La révolution ne doit pas être ni la mort, ni l’assujettissement. La révolution n’est doit pas être ni l’imposition ni le fanatisme. La révolution est une vie nouvelle, elle s’agît de convaincre et de se battre pour une justice digne de compassion, à côté des organisations créées par notre peuple, dans le respect de sa démocratie interne et le brassage des nouvelles semences pour un nouveau Pérou .Je vais continuer à côté de mon peuple, les femmes, les jeunes et les enfants. Je continuerai à me battre pour la paix avec une justice sociale».
Dans une interview avec le journal La Republica – Lima – en Septembre 1991, Maria Elena avoue qu’elle n’avait pas critiqué le groupe terroriste jusqu’à ce qu’ils commencent à attaquer des groupes communautaires « je pensais que le Sentier Lumineux était un groupe avec des idées erronées mais qu’en quelque sorte, ils essayaient de se battre pour une certaine justice. Mais quand ils ont tué le dirigeant syndical [Enrique] Castillo [en Octobre 1989], ils ont eu tout mon rejet, mais je n’ai pas osé condamner cette attitude. Maintenant, ils veulent faire disparaitre nos groupes communautaires où il y a les familles les plus pauvres ……. Je ne les considère pas comme un mouvement révolutionnaire, le Sentier lumineux est un groupe terroriste »
Maria Elena Moyano a été assassiné le 15 Février 1992 à Villa El Salvador. Le Sentier Lumineux avait planifié son assassinat pendant un an. Moyano a été tué d’une balle dans la tête et une autre dans la poitrine. Son corps a été explosé avec 5 kilos de dynamite. En 2002, à la quatrième session de l’audience publique de la Commission Vérité, Esther Flores dit « beaucoup de femmes sont venues, des nombreux collègues son venus désespérés, en larmes, d’autres s’évanouissaient, d’autres criaient. Et beaucoup ne savaient pas pourquoi tant de haine? Pourquoi une telle cruauté? Pourquoi une telle barbarie? Pourquoi la détruire? … Elle a été tuée, ils on tait sa voix. Mais ses paroles, son exemple, ils ne tueraient jamais cela. Pour nous, nous l’avons (Maria Elena) dans notre cœur, nous l’avons comme un idéal. L’idéal pour lequel elle s’est battue, pour lequel elle a donné sa vie et pour lequel elle mourut avec courage ».
Le journal La Republica, dans son édition du 16 Février 1992, a publié dans sa page de couverture le titre « Ils vont l’a criblér de balles, ils vont la faire dynamiter…mais ils n’arriveront jamais à la tuer ». Sentier Lumineux avait réussi à faire taire la mère courage, mais à son tour elle devint un héros immortel et un modèle pour des centaines de mères dans les zones plus pauvres du Pérou. Maria Elena Moyano bat au cœur de nombreux Péruviens et son exemple mérite d’être connu. Le travail de la Negra Moyano ne doit pas être oublié. Lors de son enterrement, les gens portaient des drapeaux blancs, en accompagnant le cercueil avec harangues « Il ne faut pas tuer ni de faim, ni avec des balles. Il faut pas tuer, point ! »
Article: XMA
Photos :
Diario La República
Alexia Vallenas
[i] La Commission de la Vérité et de Réconciliation était une commission péruvienne chargé de préparer un rapport sur la guerre civil armé vécue au Pérou pendant la période 1980-2000. Cette commission a été créé en Juin 2001 par le Président provisoire Valentin Paniagua, appelant les différents membres de la société civile. Les résultats ont été publiés en Août 2003.