« L’élite au pouvoir est composée d’hommes dont la position leur permet de transcender l’univers quotidien des hommes et des femmes ordinaires » C. Wright Mills dans « The Power Elite » (1956)
C’est plus simple sous la droite. Parce qu’elle capte grâce à ses réflexes reptiliens l’essence du moment. Elle absorbe toutes les turpitudes de l’époque par sa seule existence. D’être de droite. Après cinq longues années sous la férule de N. Sarkozy, l’exercice de la critique était quasiment devenu une seconde nature. Elle s’est exprimée dans les moindres recoins de la vie politique française. C’est une génération de « politologues » naît sous ce quinquennat loufoque, réactionnaire et droitier comme jamais. Ce besoin de limites claires, ce tropisme du bien et du mal, a peut-être aveuglé une bonne partie des observateurs. Parce qu’au-delà de se situer d’un côté ou de l’autre de l’échiquier politique, cette géométrie largement virtualisée par le scrutin et son bipartisme final, un pouvoir de gauche ou de droite, reste surtout et avant tout, un pouvoir. Dont la principale préoccupation réside dans sa perpétuation par-delà ses impérities.
Christopher Dombres
C’était plus simple sous N. Sarkozy. Les évacuations d’étrangers avaient une connotation droitière, un vieux relent faschistoïde, que de manière entendue beaucoup pouvaient comprendre sans qu’il fut besoin que quoi que ce soit fut prononcé. Le simple fait que cela soit exécuté par la droite décuplait l’abjection des actes. Dont les auteurs du moment, martiaux, caricaturaux, enfilaient sans grande résistance l’uniforme.
Si les folies économiques de la mandature Fillon laissent un si mauvais souvenir, c’est qu’elles avaient une empreinte de classe, largement vivifiée par les souvenirs du Fouquet’s et les escapades en Yacht. C’était plus simple, car cela se percevait. Et souvent se subodorait, par l’habitus des protagonistes, en dépit de leurs théâtres si bien réglés par la communication, mais qui finissaient trahis par leur être. Par ce qu’ils étaient dans leurs tréfonds. Des gens de pouvoirs et de clans mus par la volonté de se maintenir, quel qu’en soit le prix.
C’est que l’on oublie le b a ba du pouvoir, qui n’a ni amis, ni sympathie, mais seulement des instruments. Mobilisé au service de causes plus ou moins louables, mais dont la spécifié tient essentiellement à se maintenir en vie. On notera toutefois que ce maintien passe par des projets plus ou moins estimables. Selon les clientèles visées. Par exemple : Qu’est-ce qui pousse un gouvernement élu sous l’étiquette de gauche à administrer l’austérité à la majorité de ses électeurs, quand dans le même mouvement il déguerpit ventre à terre sous la pression d’une poignée d’entrepreneurs dont la rhétorique tient davantage du chantage affectif que de la rationalité économique ? Traitrise, gestion, pensée unique, cynisme viennent à l’esprit.
À la fin des fins, rien ne change réellement sauf, peut-être, que c’était plus simple sous la droite. Que l’on distinguait nettement le noir et le blanc. Qui permettait de se glisser avec assurance dans la défense des dominés. Une défense qui allait de soi. On découvre avec agacement les limites grisâtres de la domination de l’autre bord (la gauche ?). Un pouvoir tout aussi instrumental dont la spécificité comme pour le précédent, sera de survivre à ses trahisons et ses espoirs déçus. Or cette génération spontanée de politologues, qui a crucifié le régime précédent gagnerait à appliquer le même filtre ultra critique avec le nouveau.
C’est surement l’une des leçons des plus mal apprises des démocraties d’alternance. Que le pouvoir persistant ne se modifie jamais de bonne grâce. Et que la critique des dominants attifés de n’importe quel costume reste salutaire.
Vogelsong – 9 octobre 2012 – Paris