La Suède offre un exemple de ce que pourrait être une politique économique saine, à l'opposé des choix français.
Par Jean-Yves Naudet.
Article publié en collaboration avec l'Aleps.
Rigueur à la française ? C’est celle de la hausse des impôts (24 milliards d’impôts en plus pour 2013) plutôt que celle de la baisse des dépenses (10 milliards à peine). Aux yeux des libéraux c’est une mauvaise rigueur, puisque la hausse des impôts aggravera la récession, donc le déficit. Tant mieux, disent au contraire les keynésiens qui, à l’image de Madame Lagarde et des gens du FMI, persistent à recommander des déficits.
Rigueur à la suédoise ? C’est celle qui impose la rigueur non pas aux contribuables, mais à l’Etat : réduire les impôts. Mais n’est-ce pas renoncer, tout comme les keynésiens, à l’équilibre budgétaire et accepter les déficits ? Il n’en est rien.
30 ans de crises de la social-démocratie
La Suède est un vieux pays de tradition social-démocrate, refusant certes le marxisme primaire, mais poussant très loin l’Etat providence : jadis le taux marginal d’impôt sur le revenu a atteint jusqu’à 85% et les dépenses publiques ont dépassé 50% du PIB.
Cependant, après avoir poussé jusqu’au bout la logique de l’État providence, la Suède a été confrontée à une crise majeure dès les années 80, ce qui l’a amenée à des réformes radicales. En outre, tout en étant membre de l’Union européenne à 27, la Suède a refusé d’adhérer à la zone euro, donc elle mène la politique de son choix et non celle imposée par les gestionnaires de la monnaie unique.
Tout comme l’Allemagne, qui craint l’inflation car elle en a connu les conséquences dramatiques pendant la République de Weimar, la Suède craint l’étatisme car elle en a connu les excès et les ravages. Elle a compris que les vraies solutions passent par des réformes structurelles et non par les politiques conjoncturelles. Nous avons déjà eu l’occasion de parler des réformes des « services publics » intervenues dans ce pays. Les Suédois ont compris que le « service » passait avant le « public » et que rendre service aux gens n’impliquait pas de confier un monopole à une administration publique, ni de faire distribuer le courrier par des fonctionnaires. Aujourd’hui les points postes (commerces, stations service) se sont multipliés pour le plus grand bien de la population.
Moins de dépenses publiques, moins d’impôts
Dans les années 90, beaucoup d’entreprises publiques ont été privatisées : électricité, télécommunications, transports en communs, postes, vente d’alcool…. Mais la libéralisation a concerné également les marchés du crédit et des capitaux et la concurrence a été introduite dans l’éducation et dans la santé.
Ainsi les dépenses publiques ont-elles fortement diminué, ce qui a permis de réduire de 38% le nombre de fonctionnaires. Quant aux fonctionnaires restants, leur rémunération dépend désormais plus de leur performance que de leur ancienneté.
Pourtant, le changement le plus impressionnant porte sur les budgets publics, les impôts et la dette. Du côté des dépenses publiques, la Suède, en champion de la social-démocratie, a été longtemps en tête des pays européens ; les privatisations et la diminution du nombre de fonctionnaires ont permis de réduire drastiquement les dépenses publiques et c’est la France qui désormais dispute la première place aux Danois, avec un taux de 48,2 % du PIB pour 2013 (le taux était de 44 % il y a quatre ans).
Non seulement la charge globale des impôts a été réduite, mais leur progressivité a été diminuée. Le taux marginal d’impôt sur le revenu des ménages, dont on a vu qu’il avait culminé à plus de 85% dans les années 80, a été réduit aux environs de 55%, taux certes considérable, mais en recul sensible. Le taux d’imposition sur le bénéfice des entreprises est passé de 53% à 30%; voilà de quoi inciter à entreprendre, investir, épargner, travailler plus...
Des budgets en excédent et une faible dette publique
Les résultats suivent-ils ? La Suède est dans les premiers pays du monde pour le PIB par habitant. Certes, ces derniers temps, elle a été touchée, comme les autres, par la crise. Mais il s’est passé la même chose que dans tous les pays qui ont allégé leurs systèmes publics : la chute du PIB y a été plus forte en 2009 (-5%), alors qu’en France le poids du secteur public a amorti la chute et limité la dégradation statistique, mais dès l’année suivante, la Suède a redémarré en trombe (+6,1% de croissance) alors que les pays alourdis par le secteur public peinaient à dépasser la croissance zéro. Puis la crise a frappé à nouveau (3,9% de croissance du PIB en 2011 et à peine 0,3% en 2012), mais les prévisions pour 2013 sont plus optimistes (2,1% de croissance, contre bien moins de 1% en France).
Moins de dépenses publiques, des taux d’imposition plus faibles, plus de croissance, il n’en fallait pas plus pour assainir les finances publiques. Le déficit public, qui était de 2,5% du PIB en 2009, a été réduit à 1,1% en 2010, puis à 0% en 2011 et à peine 0,3% en 2012 : on annonce même un excédent de 0,4% en 2014 ; une observation de la règle d’or respectée sans qu’il ait été besoin de la voter. Quant à la dette publique, elle a de quoi faire rêver les plus orthodoxes : 42,6% du PIB en 2009, puis 39,4% (2010), 38,4% (2011) 35,6% (2012) et on prévoit 34,2% pour 2013. Il est ainsi prouvé que l’on réduit mieux les déficits en diminuant dépenses et impôts qu’en augmentant les impôts.
Relance ou libération ?
C’est là que se situe le dernier épisode : la dette publique va encore diminuer en 2013, alors que le gouvernement libéral suédois propose une nouvelle baisse d’impôts. En France, alors que les impôts vont massivement augmenter, la dette va aussi augmenter. Chez nous, la hausse des impôts va concerner les entreprises et les ménages (théoriquement pour 24 milliards) ; en Suède la baisse va concerner les entreprises (le taux d’impôt sur les sociétés, qui avait déjà massivement reculé, va passer de 26,3% à 22%, bien au-dessous de la moyenne européenne), mais aussi les ménages, en particulier les revenus des retraités. Quant aux dépenses publiques, elles seront par priorité orientées vers les infrastructures et la recherche.
Pourtant beaucoup de nos confrères s’obstinent à opposer la relance suédoise et la rigueur française. Amalgame trompeur : la relance suédoise n’est qu’une libération, elle n’a pas pour effet d’accroître les dépenses publiques « à la keynésienne », loin de là. Et en France il n’y a pas de rigueur, mais un étouffement de l’économie par l’impôt.
Mais nos commentateurs ne cessent d’associer rigueur et libéralisme, pour mieux vanter les mérites des dépenses et de l’étatisme. Pourquoi cet obstination, alors que la Suède libérale a réduit et les dépenses et les impôts ?
En fait, ils n’ont pas compris qu’il existe un choix décisif en matière de politique : une politique conjoncturelle consistant à stimuler la dépense par tous moyens, ou une politique structurelle consistant à libérer l’offre par tous moyens. Le choix n’est pas entre rigueur et relance, mais entre rigueur apparente (hausse des impôts) et libération réelle (baisse des impôts). La liberté fait toujours des miracles.
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