La série des Tales of semble impossible à stopper. Chaque support ou presque a droit à son épisode mais, hélas, beaucoup restent exclusifs aux joueurs japonais. Cette règle admet heureusement quelques exceptions comme avec l'excellent Tales of Graces F. Initialement sorti sur Wii, Namco Bandai a entrepris un portage sur PS3 et l'a finalement localisé dans nos contrées. Si la Xbox 360 a eu son Tales of Vesperia, la PlayStation 3 a désormais son Tales of Graces F. Parviendra-t-il à égaler, voire surpasser son aîné ? Réponse manette en main.
La force de la jeunesse
L'histoire de Tales of Graces F débute avec le périple d'un petit groupe d'enfants, composé du rebelle Asbel, de son frère intello Hubert et de la serviable Cheria. Ils seront malgré eux rejoints par une parfaite inconnue amnésique ainsi que par un jeune prince en visite et découvriront ensemble la dure réalité d'un royaume aux frontières de la guerre. Bien des années et quelques conflits plus tard, la donne n'a toujours pas changé. Chaque nation fait face à de sérieux problèmes et tout est prétexte à la violence. Mais pour un jeune chevalier sortant de l'instruction, il y a maintenant une chance de faire évoluer les choses et d'ouvrir la voie vers la paix.
N'allons tout de même pas trop vite en besogne, car l'aventure commencera d'abord avec la découverte de ces gamins insouciants et courageux. Le jeu se décompose en fait en trois arcs: Enfant, Adulte et Futur (d'où le F du titre). L'arc Enfant peut être considéré comme une sorte de long didacticiel, car la situation n'évoluera pas grandement. Cela permettra d'assimiler les bases du gameplay et toutes ses facettes à votre rythme, c'est-à-dire sans contrainte de temps, ce qui en fait une particularité appréciable de Tales of Graces F. Durant les arcs Adulte et Futur, qui occuperont 90% du temps de jeu, vous constaterez que Namco Bandai se permettra de pousser plus loin les mécanismes de jeu, dont la plupart ont déjà été approuvés dans les opus précédents.
Le groupe ne sera totalement constitué que durant l'arc Adulte et notre équipe de choc restera comme toujours très stéréotypée. Asbel se veut par exemple l'épéiste fringuant qui protégera tout le monde, dont la pauvre Sophie amnésique ignorant tout de la vie qui est couvée par la belle Chéria, une magicienne ultra protectrice. Le frangin premier de la classe Hubert à double lames n'est pas loin, suivi du maître d'arme boomerangesque Malik, qui se trouve être l'ancien prof d'Asbel à l'Académie. Sans compter la surdouée space et délurée Pascal aux dons d'invocation et le prince Richard, unique héritier du trône et perdu dans ses tourments familiaux. Une équipe relativement bien équilibrée que nous avons là. Chaque protagoniste a son caractère bien à lui et sa propre spécialité au combat. Et Tales of oblige, les traditionnelles saynètes sous forme de vignettes témoigneront de situations autant sérieuses (passé douloureux) qu'humoristiques (concours de drague), et permettront de cerner d'avantage nos larrons et d'en apprendre plus sur le background du jeu. Si, bien évidemment, il s'agira encore de sauver le monde, on sera régulièrement surpris de la tournure des évènements, et cela fait plaisir !
Présentez armes !
Nos protagonistes auront fort à faire pour arriver à leurs fins. Et cela commence par des luttes acharnées et nerveuses, ce qui caractérise d'ailleurs la série des Tales of dans son ensemble. Vue plongeante sur la zone de combat, une équipe de quatre vaillants combattants, une horde d'ennemis en tous genres et c'est parti. Comme d'habitude, on peut attaquer simplement avec X ou utiliser des Artes (techniques ou sorts) via certaines combinaisons de boutons. Les Artes englobent les techniques de corps à corps et les sorts, ces derniers nécessitent comme d'habitude un temps de lancement. Il est également conseillé d'attribuer différents Artes au bouton O et au joystick droit pour disposer d'un panel d'attaques complet de neuf techniques. Ceci dit, on ne pourra attaquer à volonté. A la manière de Tales of Destiny ou Star Ocean, une petite jauge indique la quantité de Points d'Enchaînement (ou PE) dont vous disposez. Celle-ci se rempli très vite quand on reste immobile ou en se mettant en garde et se vide de 1 à 4 PE selon les attaques/Artes lancés. Vos PE max dépendent de l'arme portée, mais il est souvent possible d’enchaîner 3 à 5 Artes d'affilée. L'avantage de ce système de PE est qu'on ne peut tomber à court de MP (s'il y en avait) et il est donc toujours possible de tenter quelque chose. L'inconvénient est de devoir parfois attendre quelques précieuses secondes pour lancer l'attaque voulue. Mais c'est le jeu !
Bien entendu, c'est aussi valable pour l'ennemi, il faut toujours s'attendre au pire et parfois, la seule à chose à faire est de poser la manette, de déguster et d'apprécier le spectacle. Au cas où, les attaques peuvent être changées en cours de combat, via le même menu que pour l'utilisation des objets ou la gestion de l'IA du groupe. On retrouvera également les classiques altérations d'état dont peuvent être affectés les deux camps comme la lenteur, l'empoisonnement, l'incapacité d'attaquer ou le gel. Namco Bandai a ajouté un système de limite sympathique symbolisé par deux jauges d'Eleth à gauche de l'écran en combat. Une bleue pour le(s) joueur(s) et une rouge pour l'ennemi. Les coups subis (voire donnés) par un camp feront augmenter la jauge adverse. Lorsque celle-ci est pleine, elle explose et l'équipe chanceuse disposera de quelques secondes pour attaquer sans limite de PE et même lancer un Arte surpuissant uniquement disponible pour l'occasion. Inutile de dire que quand des ennemis disposent d'une explosion d'Eleth, il vaut mieux ne pas rester à coté. Et si c'est un boss, vous pourriez être en très mauvaise posture. D'où la nécessité d'assurer ses arrières avec un bon équipement. Comme toujours, vous contrôlerez à votre guise n'importe lequel des personnages, que ce soit en déplacement ou en combat. Cerise sur le gâteau, trois joueurs peuvent compléter le quatuor pour des batailles plus intéressantes, en remplaçant l'IA. Laquelle soit dit en passant fait très bien son boulot.
Tout est dans le Titre
Aller au combat, c'est bien beau. Mais aller au combat avec un bon bagage d'améliorations et de techniques, c'est quand même mieux. Si d'ordinaire, les héros apprennent de nouvelles capacités en découvrant des équipements encore inconnus pour eux, les développeurs ont voulu changer la donne et ont pour cela mis à contribution les fameux Titres. Ces qualificatifs tels "Fils de héros", "Esprit Libre" ou "Expert en récurage" améliorent le plus souvent différentes statistiques du personnage concerné sans autre forme de procès. Mais ici, il convient de gagner ces améliorations via le gain de PCs (points de compétences), lesquels sont obtenus en combattant ou en récompense de quêtes secondaires. Chaque Titre dispose de 5 améliorations précises, du type "Dégâts + 5%", "Chances de voler un objet" ou "Résistance à Dragons". Certains Titres précis permettent même d'apprendre un nouvel Arte ou de changer de costume.
Les Titres se gagnent naturellement en avançant dans le jeu. La plupart en combat avec des situations bien particulières (KOs multiples, guérison, bataille rapide…) sans explications précises hélas et d'autres après certains pans du scénario. Les derniers devront par contre être durement gagnés en quêtes secondaires et en visionnant certaines saynètes. Chaque héros dispose d'une petite "deuxcentaine" de Titres (oui sans rire…) donc même après 60h de jeu, vous ne serez pas à court de choses à découvrir. Si on peut saluer la diversité certaine des Titres, cela peut devenir assez lourd à gérer, heureusement que l'on peut charger la console de s'en occuper tout seule. Mais il peut être bénéfique de garder un œil dessus, car selon la situation, changer de Titre peut s'avérer profitable.
Synthèse, conclusion, plan
Encore une fois, et c'est très bien, nous n'échapperons pas à la synthèse d'objets. Comme à l'accoutumée, il sera question de fabriquer des équipements et items inédits. Chaque commerçant et marchand Tortuz (marchand fan de tortues) sera en mesure de synthétiser des objets. Pas besoin de plans ou de formules, toutes les possibilités sont listées pour les ingrédients présents. Ainsi, vous pourrez fabriquer des centaines d'objets, dont des armes, des armures, des remèdes de toutes sortes ou de beaux bibelots, à revendre très cher voire à donner à certaines personnes pour réussir une quête. Mais pas seulement, car nous pouvons maintenant améliorer l'équipement comme bon nous semble.
Il est en effet possible d'améliorer leurs stats avec des fragments récupérés au combat. Il existe plusieurs types de fragments, chacun accompagné d'une qualité (super, froide, vieille, etc) et d'un avantage précis, comme une santé maximale plus élevée, la régénération automatique des PVs, une récupération rapide de PE et j'en passe. Ainsi, par exemple, fusionner une épée avec un fragment de récupération permettra à Asbel de récupérer des HPs à chaque coup porté, tout en augmentant les dégâts de la lame. Fusionner deux équipements améliorés permet de récupérer les deux meilleurs avantages dans une gemme, qu'il est possible d'attribuer à un héros en tant qu'accessoire. Ainsi, les équipements peuvent être augmentés à nouveau et le cycle peut continuer tant que vous avez des Galds (monnaie du jeu) à dépenser. Notez qu'une arme augmentée doit être "trempée" (traduire étrennée durant x combats) pour pouvoir extraire ses avantages. Et les gemmes peuvent également être améliorées et fusionnées entre elles, il y a donc à boire et à manger et chacun pourra parfaire ses armements comme il l'entend. Indépendamment de la difficulté, plus vous approchez de la fin, plus la qualité des fragments est susceptible d'être intéressante. Notez que dans la version française de Tales of Graces F, plus le nom de la qualité est long, meilleurs seront les avantages à en tirer.
Cuisine ? Page jaune 351
On ne peut évidemment pas passer à coté de l'art culinaire. Chaque Tales of explore l'art de la cuisine à sa manière et en ce qui nous concerne, la cuisine va s'apparenter à la synthèse d'objet. Un choix certes curieux, mais cela évite d'alourdir les menus. Il n'y a donc pas d'action "Cuisiner" au menu et vous devrez préparer vos repas de la même manière que vous fabriquez des items, c'est-à-dire chez les commerçants. Fusionner deux ingrédients donnera un plat (bœuf + vin rouge = Bourguignon, Pâtes + Viande = Bolognaise), ajouter un ingrédient à un plat ou fusionner deux plats donnera un nouveau plat (Bolognaise + Gratin = Gratin de Pâtes) et ainsi de suite. Chaque plat consommé via le menu redonne une certaine quantité de santé, pour peu que le héros en question ait faim. Mais les plats disposent également d'effets intéressants quand ils sont consommés en combat.
En fait, en regardant bien, on trouve une option "Mixeur" dans le menu général. Ce Mixeur peut contenir un certain nombre de plats et fonctionne avec de l'Eleth. Si le mixeur dispose d'assez d'Eleth, il cuisinera automatiquement un plat si l'une des conditions définies par ledit plat est vérifiée. Exemple avec une Tarte aux pommes. Le Mixeur en cuisinera une si les HPs d'un allié baissent sous les 20%, lui redonnant un peu de tonus. Dans le même ordre d'idée, un Curry ressuscitera un héros KO, les Crevettes au Chili boosteront l'EXP, etc. Notez que certains plats ne se cuisinent qu'à la fin d'un combat, par exemple si celui-ci dure moins de 20 secondes ou si un combo de + de 50 coups est réalisé. A voir ce qui vous convient le mieux, sachez tout de même que le Mixeur ne peut cuisiner qu'un plat par bataille (sinon ce serait trop facile).
Mais il dispose d'une autre utilité intéressante. En plaçant à l'intérieur un matériau ou un item, il y a un certain pourcentage de chance que celui-ci soit cloné à chaque minute de jeu. Les pourcentages varient en fonction de la rareté du matériau, une glace aura ainsi 40% de chance d'être reproduite alors qu'un Elixir ira chercher dans les 1%. Bien sûr, si un objet est généré, de l'Eleth sera consommé et il sera régulièrement nécessaire de remplir le Mixeur, moyennant monnaie sonnante et trébuchante. Le meilleur reste que le Mixeur sait aussi créer de cette façon un objet que vous avez déjà eu dans l'inventaire sans en avoir un exemplaire sous la main. Avec de la chance, vous serez en mesure de récupérer des items rares sans avoir besoin de revisiter les donjons. Bref, le Mixeur allège nettement le fardeau de la recherche de matériaux tout en facilitant un peu le combat, vous apprendrez très vite à l'aimer !
Le tour du satellite... à pied
Tales of Graces F se déroule sur la planète d'Ephinea. Laquelle n'est pas excessivement grande, mais il faudra tout de même quelques dizaines d'heures pour en faire le tour. Les trois royaumes composant Ephinea disposent chacun d'un climat différent : Windor fait la part belle à l'ambiance tempérée avec sa verdure luxuriante, tandis que Stratha croule sous le sable brûlant d'un immense désert et Fendel ne supporte plus les basses températures de sa région montagneuse. Chaque royaume sera bien sûr parcouru en long, en large et en travers, à pied ou à dos de Tortuz (une tortue aménagée). Chaque ville comprend au moins un commerçant, un armurier et une auberge. Les deux premiers peuvent se charger de la synthèse d'items ainsi que de remplir le Mixeur. Concernant l'auberge, le gérant proposera naturellement de vous reposer contre quelques deniers, mais il se chargera aussi de rassembler toutes les requêtes soumises par les habitants. C'est bien entendu orienté quêtes secondaires car les objets demandés ne sont pas importants pour le scénario principal, mais il sera nécessaire d'explorer ou de ré-explorer certains donjons. Les récompenses sont multiples, elles vont du gain de PC immédiats à de belles sommes de Galds, voire des objets rares.
Et en parlant de donjons, il y en a pour tous les goûts. Cela va de la forêt vierge à la caverne inondée, en passant par des ruines désertiques, des laboratoires futuristes, des forteresses et même un estomac ou le noyau d'une planète. Toutefois, on ne trouvera que peu d'originalité dans les topologies des-dits donjons (dont la plupart ne font pas dans la complexité) mais plutôt dans les longs couloirs. Heureusement, les "petites" énigmes (jeu des couleurs, logique) et les combats inévitables mais nécessaires compensent la balance. En particulier quand la difficulté est réglée au delà de "Normal", car le bestiaire se voudra nettement plus coriace (et le butin plus intéressant), on peut déjà ressentir le changement en mode "Modéré". Que ce soit la faune locale furieuse, les esprits démoniaques, les machines à quatre pattes, les faux légumes ou les méchants dragons, chaque nouveau type d'ennemi trouvera un moyen de vous faire du tort (et faire durer le combat plus d'une minute). La plupart n'hésiteront pas à s'en prendre aux plus faibles ou encercler les plus téméraires d'entre vous. L'IA fait encore du travail remarquable car certains combats sont loin d'être gagnés d'avance. Bref, si parfois l'exploration parait laborieuse et difficile, sachez que les trésors à dénicher en valent la chandelle.
Remake réussi !
Le jeu avait reçu des éloges à sa sortie japonaise sur Wii, il ne fallait donc pas louper le portage PS3. Fort heureusement, celui-ci n'a pas du tout été pris à la légère. Les personnages sont bien détaillés, les saynètes style comic book sont convaincantes. Cela dit, on voit évidement que ce n'était pas un jeu PS3 à la base, ne serait-ce que dans le niveau de détail où seules les textures ont été rehaussées. Sinon c'est lisse, coloré et agréable à l'œil, la pilule passe tout de même bien. On regrettera par contre que les développeurs n'aient pas beaucoup poussé l'exploration hors-piste car des zones apparemment accessibles ne le sont pas et d'autres, accessibles elles, ne sont pas toujours identifiables. De ce fait, on se "cognera" souvent à ces murs invisibles en ronchonnant, que ce soit pendant l'exploration sur la carte ou dans certains donjons. Coté sonore, il n'y a pas grand chose à redire. On appréciera le doublage anglais de qualité, présent dans les combats, les cinématiques et les nombreuses saynètes mais point de japonais à l'horizon hélas. La bande son est également de bonne facture, elle est d'ailleurs livrée dans la version collector du jeu. Si certaines musiques d'ambiance deviennent parfois lourdes, on sera néanmoins rassuré par d'excellents morceaux.
Terminer un jeu Tales of à 100% demande de la patience et de la jugeote. Tales of Graces F n'échappe pas à la règle. Outre la quête principale qui occupera au moins 50h, il en faudra bien quelques dizaines de plus pour retrouver toutes les saynètes, synthétiser tous les plats et équipements, découvrir toutes les qualités, terminer les donjons cachés, vaincre l'ensemble des boss, découvrir toute la beauté du monde, obtenir la totalité des Titres et satisfaire toutes les requêtes du jeu. Et on ne comptera même plus le nombre d'heures nécessaires pour passer tous ses personnages au level 200 ou faire grimper le Mixeur d'Eleth au maximum autorisé ! Namco Bandai ajoute à l'addition un chapitre supplémentaire inédit "Lignée et Héritage", dans lequel nos héros se retrouvent un an après les évènements de l'arc principal pour une nouvelle expédition. Regorgeant de bonus en tout genre, ce chapitre suit naturellement l'arc principal et peut être répété (+ 10h de jeu). Plus le classique New Game +, qui offre de recommencer l'aventure avec moult bénéfices (garder les objets, les Titres, EXP x2). Et comptez encore le mode Défis qui promet des affrontements épiques aux plus courageux d'entre vous. Bref, Tales of Graces F offre une durée de vie plus que satisfaisante ! Mention spéciale au changement de difficulté sur demande (idéal pour le level up et le challenge) et mauvais point par contre pour ce qui est des DLCs, car les costumes supplémentaires (et pas toujours beaux) et l'EXP facile se paient cher.