A ma gauche, Les Affranchis ; à ma droite, Heat ; entre les deux, Bonnie & Clyde, soit la programmation tonitruante de Flagey lors de sa Gangster movie night ce 26 septembre. Une programmation qui dépote, donc, avec en toile de fond des gangsters, des gangsters, des gangsters, incarnés notamment par Robert De Niro, Ray Liotta, Joe Pesci, Faye Dunaway, Warren Beatty, Gene Hackman, Al Pacino, re-Robert De Niro et Val Kilmer. Moi, j’y étais et je me suis fait la totale, soit plus de six heures de films sans réelle pause, si ce n’est le roulement de spectateurs entre deux séances.
18H00 : Démarrage en trombes avec Les Affranchis, ce film de Martin Scorsese tourné en 1990 et qui raconte l’ascension d’Henri Hill (Ray Liotta) dans le royaume du mal, entendez dans la mafia italienne. Henri a « toujours rêvé d’être un gangster » et sa carrière dans le clan Lucchese va très vite lui donner raison. Commençant comme petit commis de l’école buissonnière, il monte progressivement les échelons de la reconnaissance, jusqu’à se faire adouber par le père Lucchese et par la même occasion se faire du fric, énormément de fric. En compagnie de son ami de jeunesse, l’incontrôlable Tommy (Joe Pesci, Oscar du Meilleur second rôle masculin) et de son acolyte plus tardif, le charismatique Jimmy Conway (Robert De Niro). De petites combines en plans plus sérieux, le trio se fait une place de choix au sommet de la pyramide, jusqu’à ce que tout dérape, bien entendu. Dans ces cas-là, Icare n’est jamais loin.
La mise en scène est géniale, et permet des plans séquences impressionnants avec une caméra hyper agile qui louvoie entre des dizaines d’acteurs et figurants. Plusieurs fois, Scorsese fait le coup de la caméra anguille qui virevolte entre les protagonistes d’un lieu encombré et enfumé. Plusieurs fois, il démontre sa maestria de réalisateur. Ajoutez à cela une bande-son qui revisite les musiques des années 50 à 80 de manière quasi documentaire, fil conducteur de choix pour une déchéance historique prenant pied dans ces mêmes années. Les Affranchis reste un film culte dont les citations postérieures ne se comptent plus. Qu’il me suffise de rappeler le clin d’œil des Sopranos au pétage de plombs de Tommy ou encore le titre du film de Samuel Benchettrit, J’ai toujours rêvé d’être un gangster. Bref, du cultissime dont il est impossible de se lasser.
20H30 : Rendez-vous plus qu’attendu avec le couple de bandits le plus glamour de l’histoire, Bonnie & Clyde. Le Studio 5 de Flagey est plein. Ca se serre dans les rangées pour voir le chef d’œuvre qu’Arthur Penn tourna dans les années 60. Une pure tuerie (dans tous les sens du terme) que l’histoire de ces braqueurs de banque associés parce que le hasard met un jour Clyde sur le chemin de Bonnie. La jeune femme le prend la main dans le sac, ou plutôt la main dans la voiture de sa mère, prêt à commettre un vol. Comme elle s’ennuie et que Clyde a l’air d’un type décoiffant, elle le suit de braquage en braquage, ou, bien souvent, d’essai de braquage en essai de braquage. Poursuivis furieusement par la police, encombrés du frère de Clyde et de son insupportable femme, Bonnie et Clyde ne peuvent que finir pris, et d’une manière dégoûtante qui plus est.Tout le monde connaît bien sûr les méfaits du duo Parker/Barrow. Mais Arthur Penn leur donne un visage nouveau, grâce d’abord à la sublime Faye Dunaway et au séduisant Warren Beatty ; mais surtout à une construction des personnages osée qui pose par exemple Clyde Barrow en contre-pied total de l’homme à femmes. Le couple étrangement assorti donne du tonnerre, alors que paraît-il sur le plateau de tournage Dunaway et Beatty ne s’entendaient guère. Le rôle de Blanche, la femme de Buch Barrow, est bien trop insupportablement tenu par Estelle Parsons et contribue à alimenter les envies de meurtre du spectateur. Etrangement, sur les dix nominations aux Oscars en 68, seul le jeu d’Estelle Parsons fût récompensé. Il n’empêche, cela reste un beau film du genre. Le couple de gangsters le plus célèbre de l’histoire américaine est croqué magnifiquement par Arthur Penn, aussi magnifiquement que Serge Gainsbourg la même année.
22H30 : Dernière ligne droite avec l’ami De Niro, que l’on récupère vieilli pour le film de Michael Mann, Heat. Sortie en 1995, cette histoire de voyous des temps modernes se propose de réunir sur la même pellicule rien moins que Robert De Niro et Al Pacino, deux géants du film de genre, jamais apparus ensemble à l’écran auparavant. Autant dire que tous les amateurs étaient au rendez-vous pour suivre l’enquête du lieutenant Vincent Hanna (Al Pacino) sur les traces du braqueur Neil McCauley (Robert De Niro).Grâce à un montage parallèle bien pensé, Michael Mann parvient à dérouler deux tranches de vie qui s’entrecroisent sans le savoir, jusqu’à la confrontation finale, LA scène du film où Pacino et De Niro se causent enfin. Parce qu’avant, évidemment, le réalisateur fait mousser le spectateur, le tenant en haleine par un imbroglio de péripéties, sans que jamais les deux héros ne se retrouvent face à face. Le jeu du chat et de la souris, encore et toujours, mais cette fois-ci avec une attention toute particulière pour le point de vue du flic incarné par Pacino. Et quelle incarnation ! Les deux monstres du cinéma américain remplissent excellemment leur rôle. Clairement, même si le talent de Mann n’est plus à démontrer, ici le film tient avant tout à ses têtes d’affiche capables de revêtir à la perfection, qui le blouson de flic, qui le manteau de gangster. Quand c’est fini, on en redemande.
Espérons que Flagey réitérera l’expérience de la Gangster movie night, car mes amis, ce fut une apothéose visuelle.
Retrouvez le blog de S.