Pressé par ma compagne, vendredi soir, d’aller découvrir avec elle le film « A.L.F. » de Jérôme Lescure en avant-première, j’y suis
allé, je dois avouer, à reculons.
Non pas que le sujet de la libération des animaux d’élevages et de laboratoires de vivisections
ne me rebute –au contraire- mais, car après une journée de merde (personnellement) voir ces mêmes animaux souffrir sous les tortures prétendument médicales de scientifiques de l’horreur –en me
référant à l’un des premiers trailers, coup de poing visuel et idéologique, diffusé sur la toile- ne me tentait guère pour m’aérer l’esprit.
Et je dois avouer que la réalisation de ce Stéphanois de 38 ans m’a, heureusement, permis de souffler, tout en gardant à l’esprit le message de la protection animale.
« A.L.F. : ANIMAL LIBERATION FRONT » (2012) de Jérôme Lescure
Maintenant que ceux et celles qui espéraient que j’aborde ici la série de notre adolescence mettant en scène cet alien poilu aux sept estomacs amoureux des chats, crus ou bien cuits, rebroussent tout de suite chemin ou restent s’ils veulent découvrir d’autres amoureux des chats mais des animaux en général et des chiens ou singes plus particulièrement.
JEROME LESCURE, L’HOMME QUI ENTENDAIT LES PLEURS DES ANIMAUX
Dès son plus jeune âge, Jérôme Lescure manifeste une profonde empathie envers les êtres sensibles que sont les animaux, ne supportant pas de les voir
souffrir et réagissant comme il le peut (alors) en fonction de chaque situation, tout en se passionnant (comme beaucoup d’adolescents, serai-je tenté de dire) pour le cinéma.
Mais d’abord ce jeune sportif va s’initier dès ses onze ans au karaté, puis la boxe américaine et le full contact –trouvant dans ces entrainements assidus et hebdomadaires une
voie et une philosophie proche de celle du samouraï (haggakure) et du bushido et respectant déjà la nature : son professeur, José Champavert, arrêtant les exercices
lorsqu’il apercevait une araignée sur le tatami pour la récupérer avec un papier et aller la déposer dehors, par exemple.
Et en 1989, alors que l’Etat commémore en grandes pompes le bicentenaire de sa Nation et que certains défilent dans les rues en hurlant qu’ils emmerdent le
Front National, le majeur dressé, et arborant une main jaune pour pin’s pour demander qu’on arrête de toucher à nos potes –et ce qu’ils soient blacks, blancs, beurs pour reprendre le slogan de
SOS Racisme, le jeune Stéphanois de quinze ans, Jérôme Lescure, se lance dans la protection animale avant de monter plus tard sa propre
association. Et de devenir, même, plus tard, enquêteur pendant deux ans dans les abattoirs et marchés aux « bestiaux » pour diverses associations tout en faisant plusieurs sauvetages…
C’est l’année suivante, en 1990, à seize ans, qu’il commence ses formations théâtrales : diplômé de cours
d'art dramatique divers (Beaulieu 1991, Richelandière 1994,
Thomas Briad 2001, Cours Florent 2002).
Végétalien (ne consommant aucune viande animale, mais aucun produit ni dérivés d’origine animale également)-puisqu’on ne peut pas dénoncer une souffrance et se
rendre responsable d’une autre, dixit Jérôme Lescure- celui-ci va réussir faire
du cinéma son métier, après ces années de formation à la réalisation et au montage (ainsi qu’à la création web).
Professionnel doublé d’un militant, engagé bénévolement dans la protection animale et les actions de sauvetages, s’il débute devant la caméra d’Alain Carville comme cascadeur et
dans le rôle d’un leader skinhead (surement parce qu’il est devenu ceinture noire de karaté, même s’il a du arrêter lui aussi suite à des blessures ses
ambitions sportives, et à cause de son physique imposant, qui prouve qu’on peut être maousse costaud –et pas comme un cassis- sans manger obligatoirement de cadavres) aux cotés de Paul
Belmondo dans cette « Rue des Sans-papiers », l’année 2004 reste surtout pour lui l’année où il produit et réalise à partir d’images tournées dans
cinq arènes françaises cette même année son premier court-métrage : « Alinéa 3 » (qu’il monte également).
Parce qu’en France, ce putain d’alinéa 3 à la con de l’article 521-1 du Code Pénal (ainsi que les articles R 654-1 et R 655-1 tout aussi débiles) introduit une tolérance en faveur de la pratique de la tauromachie sous prétexte de tradition locale ininterrompue en opposition totale à la condamnation formelle des
actes de cruauté et des sévices graves envers les animaux mentionnée à l’alinéa 1 de ce même article, comme aiment à le rappeler les amateurs et organisateurs de ces mises à mort
et tortures tauromachistes (même si oui, une femme comme Marie Sara en a été aussi l’une des tristes stars triomphantes) et comme l’ont confirmé dernièrement les prétendus sages du Conseil
Constitutionnel, notre jeune militant de 30 ans, qui manifeste pour l’abrogation de cet alinéa, intitule donc ironiquement son court-métrage coup de poing de 17 minutes ainsi :
« Alinéa 3 ».
Documentaire aux images insoutenables de cruauté mais de vérité dénonçant la barbarie de la corrida, ce film va faire rapidement le tour du
monde, via la toile entre autres (Internet permettant de montrer ce que les médias ou le CSA censurent), et susciter de nombreuses réactions de soutien à la lutte anti-corrida, acquérant un
statut de kult pour les militants de l'anti torturomachie.
Diffusé à des milliers de politiques et personnalités, « Alinéa 3 » jouira également et heureusement d’une diffusion télévisée (M6, France 2, France 3,…) permettant au commun de mortels
de peut-être enfin prendre conscience de l’horrible réalité du monde de la corrida –plutôt que de continuer à encenser et glorifier ces danseuses en sang et or, qui non ne semblent pas soutenir
RC Lens mais aiment se prendre pour des bouchers de pacotilles.
Mais, pourtant et en revenant encore sur cette exception culturelle à la con française qui veut que des centaines de crétins avinés acclament le prétendu courage d’une drag-queen
de cabaret face à un animal déjà meurtri et stressé, malgré des sélections officielles dans des festivals et récompenses, l’hypocrisie à l’égard de ces séances de torture perdure et va sembler
perdurer : des parents fiers de leurs prétendues traditions pouvant continuer à y emmener gratuitement leurs progénitures quand les médias s’accordent à ne pas parler de tout cela et encore
moins à en montrer quelques images que ce soit à la télévision.
Faisant, entre autres, de
la lutte contre la tauromachie et l’interdiction des arènes pour les mineurs de moins de seize ans son cheval de bataille (si je peux me
permettre ce mauvais jeu de mots), et en quête d’autonomie, il va fonder en juin 2006, avec quelques amies, sa propre association : Minotaure
Films, qui au-delà de cette image mythologique d’homme au faciès taurin (et un superbe visuel) doit lui permettre de produire, réaliser et distribuer des films qui lui
tiennent à cœur et lui permettent de continuer à dénoncer toute forme d’exploitation animale : « Si j’ai souhaité créer
cette association, le rappelle en interview Jérôme Lescure, c’est pour mettre l’accent sur le pouvoir de l’image, car j’ai l’intime
conviction que dénoncer les maltraitances animales par la voie de films, de spots, de documentaires sera l’une des principales armes pour parvenir à la victoire dans la lutte pour la libération
animale.
« Alerter le grand public, lui dévoiler la vérité, jusqu’à l’écœurer s’il le faut… afin d’éveiller en lui l’étincelle de rébellion nécessaire pour
qu’il ne puisse plus fermer les yeux ».
Ainsi, s’associe-t-il au chanteur Renaud (et non Francis Cabrel pourraient le croire certains) pour dénoncer encore et toujours ces mises à morts dans des arènes du sud de la
France dans trois spots TV anti-corrida… que refusera, bien évidement, le Bureau de Vérification de la Publicité mais qui seront,
heureusement, très médiatisés par la suite (est-il nécessaire de revenir sur le pouvoir de communication du Net ?).
Ses spots TV pour les adoptions de chiens et de chats de refuges de la SPA (dont une visite filmée du ministre Michel Barnier au refuge de
Gennevilliers ou un Noël des animaux que sauve la célèbre société protectrice -parrainé par Florence Foresti) connaîtront plus de « succès » médiatiques, tout en
continuant à nourrir son réseau de contacts -parmi lesquels Jean-Pierre Foucault, Raphael Mezrahi ou Jean-Marc Morandini, qui lorsqu’il n’exhibe pas des grosses loches ou de jeunes éphèbes à moitiés nus
dans ses émissions télévisées soutient heureusement la cause animale et vient, comme ici, poser sa voix comme narrateur.
Son engagement incluant également des animaux moins hexagonaux et communs, il est aussi à l’origine du documentaire retraçant le sauvetage et rapatriement en
Afrique du Sud du lion Brutus d’un cirque, parrainé par le Comissaire Moul... heu, l’acteur Yves Renier et diffusé dans la cultissime émission animalière
« 30 Millions d’Amis » (que France 3 a sauvé de la disparition télévisuelle)…
A.L.F. : ANIMAL LIBERATION FRONT
Né au milieu des années 1960 dans une Angleterre monarchique qui aime se pavoiser dans l’horrible distraction de la chasse à courre, activité sacro
sainte dans ces milieux de la noblesse anglaise depuis des décennies, le futur
Front de
Libération des Animaux (en français) a d’abord été un mouvement idéologique et théorique pratiquant du lobbying espérant modifier les lois de son pays ou en proposer de nouvelles protégeant les
animaux quand ses premiers membres se décidèrent, enfin, à passer à l’acte sur le terrain, venant perturber ces immondes chasses à courre (durant lesquelles des animaux sont exploités par cruauté
humaine pour en poursuivre d’autres tandis que d’autres servent de montures à ces mêmes saloperies de chasseurs de prétendues bonnes familles aux lignées irréprochables dans ces costumes aux prix
scandaleux) en se plaçant devant les fusils ou en faisant fuir le gibier.
Mais si ces Saboteurs de la Chasse remportèrent du succès, des groupes se multipliant à travers le Royaume, aux débuts des seventies, un étudiant en Droit et
protecteur des animaux, Ronnie Lee, considéra que même si elles visaient à sauver des animaux leurs actions bruyantes et perturbantes pouvaient également troubler ceux-ci, allant
in facto en contradiction avec leur idéologie et but recherché : il leur fallait plutôt s’attaquer directement aux chasseurs, tout en continuant à protéger les animaux et tâcher à ne blesser
aucun humain ou non-humain, sabotant leurs grosses Jeeps et autres Ranges destinées à les transporter sur ces terres de terreur !
Nos saboteurs étendant leur champ d’action une nuit de novembre 1973 (bientôt 40 ans) en détruisant par le feu la construction d’un laboratoire de tests sur des animaux et détruisant en juin 1974
deux bateaux destinés à la chasse aux phoques : des actions illégales et clandestines, décriées par les intellectuels théoristes et légalistes du mouvement (qui font toujours le meilleur
choix de donner de bonnes leçons sans jamais oser se sortir les doigts du cul pour oser prendre leurs couilles en mains et passer à l’action concrète et éventuellement illégales), mais qui
allaient sauver bien plus d’animaux et avoir de « tristes » répercussions médiatiques.
Tristes, car il faudra que ce « Robin des bois des animaux » végétalien de Ronnie Lee passe par la case prison, après l’échec de la libération d’animaux
d’un laboratoire, et médiatise son combat, celui des animaux, en faisant une grève de la faim. Sorti de prison, Ronnie, qui n’avait pas perdu la flamme et la
passion de la survie de nos frères animaux, rassembla les membres de son groupe et le radicalisa, parce qu'il ne supporte plus cette violation du droit de vivre des animaux dans un monde où le
Vivant est soi-disant respecté, en lui trouvant un nouveau nom plus approprié, qui hanterait les agresseurs d'animaux et qui pourrait symboliser toute
l'idéologie d'un mouvement révolutionnaire : Animal Liberation Front (A.L.F.) !
Se basant sur de nombreux courants philosophiques qui rejettent la monstrueuse exploitation animale (hindous, bouddhistes, pythagorisme, disciples grecs d'Empédocle, les mouvements juifs
esséniens ou et soufistes musulmans) et avec pour objectif de sauver le plus d'animaux possible, interrompre les abus en tout genre sur ceux-ci avant de réussir à abolir la souffrance des animaux
en réussissant à faire fermer définitivement toutes ces entreprises –et leurs succursales et prestataires- qui jouissent (principalement et uniquement financièrement) de ces tortures,
les membres du groupe devront respecter cinq principes majeurs :
- libérer les animaux de tous les lieux où ils sont victimes d'abus (laboratoires soi-disant médicaux et scientifiques, fermes qu’elles servent à
l’agroalimentaire ou pour l’immonde marché vestimentaire de la fourrure) pour qu’ils vivent de façon naturelle et loin de toute souffrance,
- prendre toutes les précautions nécessaires pour qu’aucun animal, humain ou non-humain ne soient blessés,
- révéler l'horreur et les atrocités commises envers ces animaux derrière ces lourdes portes que la majorité des personnes préfèrent voir fermées pour
pouvoir continuer à l’ignorer et se dire qu’elles ne savaient pas,
- infliger des dommages financiers à ceux qui profitent de la misère et de l'exploitation des animaux en passant effectivement par le vandalisme voire la
destruction de matériaux, locaux, etc.
Sans oublier d’analyser les conséquences de toutes les actions proposées…
Ainsi se réclamant plus comme un mouvement idéologique sans véritable leader désigné et dont n’importe qui pourrait se revendiquer et agir en son
nom, A.L.F. va devenir le symbole derrière laquelle chaque activiste qui respecte les principes énumérés au-dessus peut se
ranger, qu’il travaille toujours de façon anonyme (allant prendre l’apparence cagoulée et les battle-dress sombres de terroristes, hors-la-loi, pour certains, et groupes d’élites
des polices et commandos militaires à travers le monde, pour d’autres) individuellement ou en petits groupes.
En marge de cette société qui ne veut rien voir et encore moins savoir, ces activistes révolutionnaires -qui tentent également de briser cette foutue notion de merde de propriété privée de
quelqu’un envers un autre être vivant (et ce que ce soit un animal ou un être humain : non à l’esclavagisme sous toutes ces formes !) qui permet, entre autres, à ces laboratoires de se
livrer à leurs monstrueuses expériences gratuites mais si mercantiles- vont se multiplier à travers le monde dès l’apparition du mouvement A.L.F. en 1976, libérant des dizaines de milliers
d’animaux torturés et mutilés, sans jamais tuer qui que ce soit mais causant des millions de dégâts comme convenus dans les principes fondateurs du mouvement. Leurs actions contre des
laboratoires et universités médiatisées (et relayées, entre autres, à travers les documentaires de la PETA), les membres du mouvement et le mouvement en
lui-même seront très rapidement catalogués comme « éco-terroristes » par les autorités anglo-saxonnes et américaines, qui n’hésiteront pas à poursuivre les conspirateurs
de cette « famille » pour différents chefs d’accusations comme incendies criminels, complots, utilisation d'engins explosifs ou destruction d’installation énergétique ces dernières
années.
Mais rien ne devra arrêter la lutte, les pays rejoignant la cause se multipliant en dix ans quand les images de ces Beagles ou macaques
libres devant être réconfort et espoir d’un avenir meilleur pour une planète partagée en toute quiétude avec nos frères (et sœurs) animaux !
« A.L.F. », UN FILM, UN MYTHE
Et c’est alors que la France renoue
en 2007 avec la seconde vague d’actions directes du mouvement que sa sensibilité au sort des animaux dans notre société et sa maitrise de l’outil cinématographique destinent Jérôme Lescure à
rendre hommage aux militants et activistes dans un premier
long métrage tout simplement intitulé « A.L.F. ».
Projet lui trottant dans la tête depuis longtemps, le jeune réalisateur de 33 ans, qui en connait
suffisamment sur le sujet par ses lectures et ce qu’il en a vu en tant qu’activiste, va pourtant devoir au début le porter, seul d’abord, et se battre pour le mener à terme.
Puis entouré par une équipe solide et véritablement investie, tant sur le plan cinématographique que sur le plan humain.
Fou de cinéma depuis qu’il a été émerveillé à l’âge de quatre ans par « E.T. » de Steven Spielberg dans cette salle obscure du centre commercial Rosny 2 en 1982, mais sachant aussi
apprécier le bon son rock d’Elvis et des Beatles comme de Led Zep’ ou Motorhead, Jordi Avalos collabore pour la première fois avec Jérôme Lescure
cette même année 2007 sur « Racines », les deux passionnés
coréalisant ce court-métrage avec l’acteur Français
russo-polonais Feodor Atkine (vu dans le « Projet Gamma », fanfilm de David Sarrio) et l’actrice Néerlandaise francophone Maruschka Detmers (célèbre pour son rôle dans l’adaptation de
1986 du « DIABLE AU CORPS » de Marco Bellochio).
Intervenant sur l’écriture du projet « A.L.F. » de Jérôme au niveau des dialogues, Jordi doit avoir eu la même surprise que le
futur réalisateur lorsqu’encore au stade d’ébauche ils sont contactés par le compositeur René-Marc Bini -dont les notes de piano et la
partition sur l’unique long-métrage du doublement césarisé Cyril Collard, « LES NUITS FAUVES » en 1992, ont peut-être marqué plus que cette génération sida et les
amoureux de cinéma. Personnellement, en ce qui me concerne, ce film est une autre histoire –peut-être intime- sur laquelle je ne reviendrai pas. Pas maintenant.
Ayant entendu parler du projet, le compositeur cinquantenaire (du thriller horrifique « ILS » de David Moreau et Xavier Palud également) accepte en trois jours de prendre en charge à ses propres frais l’écriture et la mis en musique du futur film : alors que rien n’a encore filtré concernant la véritable tournure du film, par amour des animaux et par passion, le buzz autour du film va commencer et une certaine mythologie va
naître autour de celui-ci…Jeune producteur de 23 ans, avec la société de productions qu’il vient juste de co-créer en 2008, Gomme
Films, Gauthier Lamothe, qui est intervenu aussi bien sur des plateaux d’émissions télévisées (C dans l’air, +Clair,
On ne peut pas plaire à tout le monde,…) que sur des films (le court de 8 000€ « Claddagh » de Sylvain Donnier ou le premier long-métrage et comédie de Katja Dubrovnak
« HAYL 2 THE QUEEN » sur lequel il a multiplié les postes :
producteur exécutif,
opérateur camera, coordinateur transport et un rôle de Space Rabbi), rencontre en avril 2009 Jérôme Lescure sur
le tournage du court-métrage « Bittersweet Symphony » de Jordi Avalos avec Alyson Paradis (rencontrée –personnellement- sur le tournage de « Survivant(s) » de Vincent Lecrocq qui refusait l’utilisation de tripailles et
abats pour son film de zombies), Jean-Pierre Loustau et Philippe Laudenbach, entre autres, qu’il produit pour 10 000€ : Jérôme y intervenant comme assistant caméraman.Les trois hommes s’entendent pour monter le film, mais Gauthier qui, aime à dire qu’il produit presque tous les films qu’on lui
présente, envoie et lit, veut d’abord s’assurer que leur scénario ne sombrait pas dans un délire idéologique rigide au sujet de la cause animale.
Après une première lecture d’un scénario qu’il qualifiera en interview de « nuancé, sombre, et qui, surtout, avait le mérite de ne pas être primairement
idéologique », loin de tout prosélithysme (comme il l’a rappelé à l’avant-première), il lui faudra un très court laps de temps de réflexion pour donner sa réponse et accepter
de produire ce film, malgré le ressentiment de certains de ses collaborateurs : sensible à la question du traitement des animaux, le jeune Lyonnais est excité par cette idée de faire
découvrir que ceux qui agissent, dans l'ombre, pour faire cesser les tortures animales ne sont pas cette bande d'illuminés à la limite du sectarisme et ayant perdu tout sens commun comme on
aimerait le faire croire.
Si les fictions américaines (séries TV comme des films, « ALERTE » voire « L’ARMEE DES DOUZE SINGES ») peuvent les présenter comme d’inconscients criminels masqués qui
pourraient libérer un virus sur l’humanité à travers un animal porteur sain ou non qui leur échappent presque à chaque fois, Gauthier sait que dans le cas de ce projet naissant le réalisateur par
son passé militantiste sait, lui, de quoi il parle : le scénario de « A.L.F. » bien que fictionnel, transpirant le vécu, est inspiré de faits
réels et sera là, dans l’avenir, une pierre angulaire de l’action de Jérôme Lescure, véhiculer ses idées et la protection animale.
Un appel aux dons est effectué par le réalisateur et ses partenaires avant le tournage auprès de leurs contacts dans la protection animale et d’autres
donateurs (dont le cuisinier et diététicien heavy-metal Gilles Lartigot, si j’ai bien lu, et le producteur associé des courts de
Gauthier Lamothe, « Rien à Perde » et « La Porte », et « Bittersweet Symphony », Constantin Nicolae), permettant à
force de chèques et petits ou grands dons (qui seront tous remerciés en fin du générique avec les associations qui se défoncent pour la défense animale) de lever la moitié du budget du film,
Gauthier Lamothe reconnaissant que s’il a du « mettre le banquier devant le fait accompli, que les comptes bancaires [allant être] mal en point (deux fois interdit bancaire avouera-t-il à
l’avant-première) » et qu’il allait devoir s'investir corps et âme dans ce projet pendant un an pour pouvoir le mener jusqu’au bout, passer de l’autre coté du ravin pour reprendre son
image.
Autonomes financièrement (même s’il leur faudra compter sur un support de dernières minutes pour en compléter la postproduction), Jérôme, Jordi et Gauthier peuvent réunir autour d’eux –avant et
pendant les castings- des personnes sensibles à cette cause, tous les acteurs du
film ayant plus ou moins entendu parler des actions médiatisées et des méthodes polémiques utilisées par les militants des groupes se revendiquant d’A.L.F.
Et n’oubliez pas d’insister sur ses points séparatifs.
En préparation et quelques semaines avant le tournage, le réalisateur a l'idée de projeter le superbe film « EARTHLINGS » de Shaun Monson
(sorti en 2005, avec la voix-off de Joaquin Phoenix et la musique de Moby, tous deux vegans), qui traite de l’exploitation animale sous toutes ses
formes,
pour faire comprendre aux acteurs principaux les motivations animant les personnages qu'ils allaient interpréter. Les techniciens du film étant également invités à cette projection pour voir
l'aventure humaine que représentait ce film, au delà d'un simple tournage… et qui allait s’avérer être éprouvant et chaotique pour reprendre
les qualificatifs de Jérôme et Gauthier.
Lancé le 15 février 2010 en Normandie et prévu pour un mois, le tournage de « A.L.F. »
qui jouit déjà, avant le premier tour de manivelle, d’un statut attendu de kult auprès des défenseurs et sympathisants de la cause
animale, va donc être une expérience et aventure humaine pour toute l’équipe –ou presque.
Et pas seulement en ce qui concerne le gathering et la restauration : les repas y étant préparés logiquement et en cohérence par un cuisinier
végétalien (François Thévenon), mettant brusquement une partie omnivore pour ne pas dire carnassiers (ou cadavrovores) de l’équipe à ce régime alimentaire strictement différent
pour un mois (tout le monde l’acceptant et certains mêmes allant rester végétariens ou en prenaient la voie, soit après avoir découvert le film de Shaun Monson ou ce tournage : merci, M.
Laignier, Lecluyse ou l’étalonneur Emmanuel Frey), mais aussi car les produits de maquillage de la marque Couleur Caramel utilisés allaient être également et
uniquement des produits non testés sur des animaux, les accessoires ou décors ne devant pas être construits à partir de produits issus de la mort d'animaux (tels que du cuir,
ou de la fourrure), etc. Ce qui rappelait quel était le combat de facto du film.
Près de 150 personnes acceptant, au-delà de manger végétarien, de travailler bénévolement (ne devant être payées que si le film marche)
pendant près de 18 heures par jour ou plutôt par nuit pour ce tournage essentiellement nocturne -puisque les actions sont clandestines- dans
des conditions parfois rocambolesques entre les intempéries (la pluie, la boue qui embourbent les camions), les nombreux imprévus et soucis
liés à des prestataires (lignée électrique qui saute, technicien électro qui claque la porte, toilettes de chantier qui débordent, etc), aux animaux (un
cheval détruisant en partie un décor construit pour le lendemain ou un chien qui ne semble pas apprécier son partenaire à l’écran) ou à la logistique (trouver des chauffages
supplémentaires à 2 heures du matin car l'humidité a bousillé les autres, palier aux départs accidentels, crise d’épilepsie et blessures
malvenues).
Et bien sûr, des soucis d'ordre financier allant repousser d’un an sa sortie sur la date prévisionnelle.
Pourtant, malgré toutes ces galères, tous les techniciens et comédiens ont tenu bon, restant professionnels et ce malgré un bénévolat et pour une cause qui n’était pas forcément et totalement la
leur au départ : la condition animale.
Un tournage miraculeux, comme dirait Gauthier Lamothe, en lequel ses donateurs, l’équipe et les coproducteurs contactés, ont eu confiance et
se sont engagés pour que le message du film soit transmis au plus grand monde : au-delà de médiatiser la cause animale, il s’agissait pour le réalisateur et activiste Jérôme Lescure de
faire comprendre aux spectateurs pourquoi les femmes et les hommes du mouvement A.L.F. décrié sont prêts à se mettre hors la loi pour sauver des
vies. Ce que l’il considère important de retenir de ce mouvement plutôt que d’en critiquer les agissements.
Mais, le film, oui, le film, qu’en est-il ?
« A.L.F. », LE FILM, LE COMBAT
Achevé, avec du retard d’un an sur
son planning initial, en octobre 2011, après un montage à quatre mains par Jérôme et Jordi pendant dix mois, « A.L.F. : ANIMAL
LIBERATION FRONT » va commencer à être confronté à ses premières difficultés : trouver des distributeurs !
En quête du bon distributeur qui se battra pour voir le film sortir dans un maximum de salles, Jérôme Lescure et son producteur Gauthier Lamothe auront la chance de trouver le couillu
Franck Llopis des Films à Fleur de Peau (producteur et réalisateur de films avec
Aurélien Recoing comme « L’ETRANGER » avec Jean-Pierre Martins de Silmarils et Jo Prestia ou « PARIS NORD SUD » avec Laurent Ournac qui a su
sortir de son camping récurrent), qui s’il pouvait être sceptique devant la viabilité du projet pourra être rassuré en voyant l'ampleur que le film prenait sur le net (le groupe Facebook y dédié
dépassant alors les 6000 fans alors qu’aucun buzz médiatique n’était officiellement lancé) et va lui aussi les sortir et les poser sur la table pour le vendre et le distribuer –et ce que ce soit
en France ou à l’international (Jérôme Lescure devant expurger son second teaser de tous plans violents pour être plus commercial aux Etats-Unis quand il découvre que des fans et partisans
espagnols avaient monté une page promotionnelle sur le réseau social dans la langue de Cervantes sans aucune source officielle !).
Mais si, comme je l’ai mentionné plus en avant que le mouvement avait essaimé partout à travers le monde, cette fiction, car oui il s’agit d’une fiction et non d’un documentaire brut de
décoffrage comme me laissait croire cet ancien teaser diffusé il y a déjà quelques temps, cette fiction sera-t-elle diffusée partout dans le monde ? Et déjà à travers l’hexagone ?
Durant les quarante-huit heures de sa garde à vue visant à savoir où il était et ce qu’il faisait le soir du réveillon de Noël, le professeur de théâtre Franck Kovick va se souvenir des
événements et des raisons, motivations et convictions qui l’ont poussé à ne pas fêter Noël comme tout le monde.
Mais quel peut bien être son crime ?
Maintenant si vous n’avez (toujours) pas compris qu’il va être soupçonné et accusé d’avoir libéré des animaux d’un élevage destiné à la vivisection, je vous demanderai de relire les paragraphes
précédents, d’apprendre à lire ou retourner regarder cette grosse peluche marron d’extraterrestre pourrir la vie des Tanner...
Car, oui, sans spoiler le film, Franck Kovick qu’interprète Alexandre Laigner (qui a
débuté dans « LE PHARMACIEN DE GARDE » avant de passer comme figurant dans de policiers récurrents télévisés : « Avocats & Associés » ou « La
Crim’ ») a été de ce groupe d’activistes plus que de commandos du mouvement de libération des animaux A.L.F. « coupables » aux yeux de certains d’être entré par effraction dans cet
élevage en question et d’avoir ouvert les cages des chiens.
Mais est-ce le seul crime que va chercher à lui faire avouer le Capitaine Chartier ?
Pour le savoir, je vous inviterai à vous précipiter dès le 7 novembre prochain dans les salles pour avoir la réponse et éventuellement en
parler autour de vous (que ce soit sur Allo Ciné comme le recommande Franck Llopis ou de bouche à oreilles).
Constitué de sept personnes sensibles aux souffrances des animaux abattus dans des conditions industrielles qui forment ce groupe
d’activistes, la distribution ne se limite pas heureusement à sept acteurs, qui si elles ne sont pas des débutantes (Alice
Pehlivanyan, récompensée à Cannes pour sa participation au film de François Desagnat, "Qui ne saute pas", et la comédienne Lucie
Rébéré, à l’affiche l’an prochain à Lyon) ne sont pas encore des vedettes du petit ou du grand écran : Maxime Lecluyse,
venant du one-man-show (Mash), l’imposant cascadeur Stéphane Rouabah (au générique des « LYONNAIS » d’Olivier
Marchal) pouvant trouver dans ce rôle de boxeur un départ à une nouvelle carrière d’acteur, Dorothée Brière-Méritte, qui interprète
le rôle de cette vétérinaire confrontée à soigner des animaux et en sauvant illégalement tout en commandant des produits vétérinaires testés
sur ces mêmes animaux, semble avoir réussi à s’éloigner de ces années où elle débutait comme assistante manager de production sur la sitcom « Les Vacances de l’Amour » avant de passer
devant la caméra en hôtesse de l’air dans « WASABI » et « NE LE DIS A PERSONNE » et de participer à des succès comme « MESRINE, L’INSTINCT DE
MORT » ou « INTOUCHABLES » et « Bittersweet Symphony » de Jordi Avalos comme
d’autres membres de ce casting.
Ophélie Koering, élève de Philippe Torreton au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique, qui semble jouer souvent pour les mêmes
réalisateurs : Rémi Bezançon (« UN HEUREUX EVENEMENT », « LE PREMIER JOUR DU RESTE DE TA VIE » et « MA VIE EN L’AIR »), Jérôme
Le Gris (son long « REQUIEM POUR UNE TUEUSE » et ses précédents courts « La Guigue » et « Les Brigands ») ou le journaliste et écrivain aujourd’hui
décédé Michel Vianey (« Mademoiselle » et « Le Matador »), a peut-être trouvé en Jérôme Lescure un réalisateur pour qui elle retravaillera encore une fois… sur sa prochaine
comédie ?
Jean-Pierre Loustau, dont je vous rappelais la présence dans le court « Bittersweet Symphony » de Jordi Avalos,
héritant encore une fois du rôle d’un flic (au passé tortueux à la limite, malheureusement, d’un stéréotype très Marchalien) après « Quai n°1 », « Les Enquêtes d’Eloïse
Rome », « Navarro », « Avocats & Associés », « Central Nuit » ou « R.I.S. Police Scientifique » en incarnant ce Capitaine de police qui mène la garde à vue et aimerait entendre Franck lui cracher des aveux plutôt que de réussir par lui-même à retrouver la trace des
chiens libérés…
Son second, le Lieutenant Belvaux, qui ne veut qu’une chose - résoudre cette foutue enquête sans pouvoir distribuer quelques claques
administratives- héritant de la moustache de Laurent Jumeaucourt : vu dans des Bessonneries comme « LE TRANSPORTEUR »,
« LES CHEVALIERS DU CIEL » mais aussi le film de Franck Llopis « FRACASSES » avec Vincent Desagnat, Edouard Montoute, Olivier Sitruk, Filip Nikolic, Alysson
Paradis, Salomé Lelouch et Armelle Deutsch (pour finir ce name dropping).
Patrick Mimoun, que vous avez pu découvrir dans la série de Canal « Reporters » et peut-être revoir dans le court
« La Main dans le Sac » de Yannick Privat qui date de 2011 (à ne pas confondre avec le court homonyme de 2007 de mon pote Alexis Wawerka, chez
qui je me souviens avoir mangé mon premier steak végétarien), y tenant le rôle de Lionel, le mec de la journaliste Sarah (Alice
Pehlivanyan).
La présence du Chevalier des Arts et Lettres et Chevalier de l'Ordre National du Mérite, récompensé d’un Molière à cinquante ans pour son rôle de Lord Arthur Goring dans « Un mari idéal » d'Oscar Wilde en 1996, Didier Sandre pouvant surprendre si on ignore que le scénario lui ayant été
transmis par relation l’a séduit et lui a donné une occasion de trouver un autre registre que ses grandes aventures du théâtre subventionné (Maurice Béjart ou Patrice Chéreau) ou privé (Anouilh ou Lambert Wilson).
Acteur vu chez Eric Rohmer (« LE CONTE D’AUTOMNE » en 1998) ou Ninaa Companeez,
pour qui il fut Louis XIV dans son adaptation de « L’Allée du Roi », il est vrai que le voir dans ce rôle de thérapeute surprendra
peut-être moins.
L’autre Chevalier de l'Ordre National du Mérite Philippe Laudenbach (vu récemment dans « Inquisitio », « Braquo » ou en
François Mitterrand dans ces « Prédateurs » concernant l’affaire Elf après des films comme « ARSENE LUPIN » ou « MALEFIQUE » d’Eric Valette) venant du
haut de ses 76 ans et sa formation au Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique confirmer cette amitié professionnelle qui le lie à Jordi Avalos et Jérôme Lescure depuis
« Bittersweet Symphony » en interprétant le très beau rôle du père du boxeur Yann (Stéphane Rouabah qui m’a
définitivement séduit dans son rôle).
Le trublion interviewer foireux Hugues Delatte, personnage fétiche de Raphaël Mezrahi venant discrètement confirmer combien il préfère les
animaux et encule ces connards de chasseurs dans sa propriété de Troyes, après des participations aux spots publicitaires de Jérôme Lescure, dans son petit rôle comique de loueur de fourgon.
Quand la blonde bécasse sexy Jeanne de « Caméra Café », Jeanne Savary (la secrétaire Hélène du «Nestor Burma » de Guy
Marchand) traversant subrepticement la nuit du réveillon de Chartier dans ce rôle de gentille prostituée quarantenaire et que le plus
discret acteur et metteur en scène (avant d’être le père de Clovis Cornillac) Roger Cornillac interprète ce fermier Victor chez qui les membres du groupe passeront ce réveillon.
Et s’il est composé d’une distribution de « quidams », parsemée de visages connus proches du réalisateur mais surtout de la cause, et bien que jouissant d’une très belle technique (la
maîtrise de la caméra pour filmer et mettre en scène cette fiction-et non un documentaire- étant l’un des atouts du jeune réalisateur pour convaincre autour de lui) et d’une très belle
photographie et d’un étalonnage maitrisé qui atténue le coté sombre du projet et d’une tournage nocturne (bravo à Antoine Carpentier -qui a travaillé avec Gauthier Lamothe sur plusieurs courts de
Paul Doucet, contact de "tête de livre" prometteur- et Emmanuel Frey, encore), « A.L.F. » présente tout de même, selon moi et
je le répète bien selon moi et mes yeux de cinéphage, quelques scories.
Si les premières secondes et images d’introduction du film laissent présager un documentaire à la violence et force communicative aussi exceptionnelle et dure que ce « EARTHLINGS » cité en référence et renvoient au montage d’extraits de rushes et
de documentaires (filmés en caméras cachées ou directement par ces prétendus scientifiques ou des enquêteurs du monde animal) qui composaient ce trailer évoqué au début de mon article et qui
pouvait mettre à l’aise, le réalisateur et scénariste a totalement raison d’avoir fait le choix d’une fiction : « une fiction a un impact différent parce qu’elle propose une
identification aux personnages. Elle permet aussi de contourner certains obstacles (…) » et d’être diffusée à la télévision –en espérant que dans les prochains jours le CNC ne le
sanctionne pas trop durement d’une interdiction qui en relayerai la future diffusion en seconde voire troisième partie de soirée plutôt qu’à 21 :00.
« En racontant une histoire, toutefois basée sur des faits réels et étoffée de quelques images d’archive, il est permis [avec cette fiction] d’espérer toucher un autre public »
le répète Jérôme Lescure, en rappelant combien la fiction permet de jouer sur la sensibilité de celui-ci, « de le rendre toujours actif, afin qu'il puisse s'approprier le récit,
l'interpréter et s’y retrouver » à travers une éventuelle identification de certains des différents personnages présentés : la fiction étant la seule selon lui qui permette de
tenter de rétablir une vérité.
Une vérité qu’il rappelle par l’insertion de ces rushes et extraits d’horribles documentaires comme souvenirs ou visions des protagonistes,
mais qu’étonnement je trouve trop clairsemées et pas assez présente ou apparaissant trop furtivement pour vraiment frapper les esprits des spectateurs non convaincus et n’éprouvant peut-être
encore que de la sympathie pour le mouvement.
La fiction suivant hélas le travers, à mon sens, d’une inévitable esquisse d’histoire amoureuse et romantique dont le même spectateur pourrait, je crois, aussi se passer, sans chercher à
sanctifier certains des militants au détriment de l’action pure et simple et ne rappeler que ces hommes et ces femmes ne sont, en fait, que « des personnes comme vous et moi, qui vivent
avant tout d’amour, contre vents et marées, parfois submergés par des peurs auxquelles ils cherchent à échapper [mais qui] ont une capacité de rébellion contre un système corrompu autorisant
l’exploitation des plus faibles » comme le rappelle le réalisateur et activiste.
Et avant d’aborder une courte partie technique du film, je terminerai sur le coté fictionnel et l’option scénaristique qu’a choisi Jérôme Lescure en intellectualisant (un peu) trop le combat de
ces personnes et son film, au-delà du professeur de théâtre ou de l’investigation journalistique qui nous fait suivre les pas de leur action clandestine, à travers les citations qui parsèment ces
96 minutes : « Les Contemplations » (me semble-t-il) de Victor Hugo ou
Henry David Thoreau, opposant du XIXème siècle à l’esclavagisme et naturaliste considéré comme l’un des pionniers de l’écologie, auteur de « La Désobéissance Civile » à
l'origine du concept contemporain de non-violence.
Pouvant également regretter que les personnages dessinés dans ce film soient un peu trop clichés ou conventionnels : les fêlures du flic trouvant inévitablement leurs origines dans un drame
personnel qu’il noie aussi inévitablement dans l’alcool, quand même si le physique de Stéphane Rouabah peut paraitre « typé » son nom reste typiquement « françois » (Yann) et
que le patronyme slave du personnage principal (Franck Kovick) ne fait pas oublier son physique de « bon Français », ces combattants de la libération animale ne semblent pas assez
diversifiés, comme limitant la préoccupation de cette question à une population –pour ne pas dire classe socioprofessionnelle, sans les cataloguer tout de même aux bons enfants de bourgeois à
l’instar de l’étudiante en théâtre Chloé (Lucie Rébéré).
La protection animale acceptant, in jure, tout le monde, sans distinction d’origine ethnique ou de nationalité plus que selon leurs obédiences politiques ou cultuelles, puisqu’il est préférable
d’être unis et solidaires pour se préoccuper de la défense des animaux et leur libération d’une exploitation anti-spéciste. Oui, l’amour des animaux peut
rendre misanthrope, mais non la protection animale ne doit pas rendre et choisir la facilité de la xénophobie.
Si ce mouvement cinématographique « A.L.F. » souffre, à mes yeux, de facilités scénaristiques mais aussi d’oublis (comme de préciser que le dîner que les activistes partagent le soir du
réveillon devait être végétarien) ou d’incohérences (pourquoi graver sur le mur de sa cellule de détention les initiales du mouvement, A.L.F., plutôt qu’un
chien grossièrement dessiné comme sur l’affiche lorsqu’on chercher à ne pas avouer avoir été membre de ce commando qui a libéré des chiens destinés à la vivisection la nuit du 24
au 25 décembre ?), je pense que son message aurait pu être accentué en évitant quelques effets purement cinématographiques et fictionnels : comme la violence du cauchemar que fait
Franck Kovick dans sa cellule, un montage temporel perdu entre le présent, les flashbacks et ces flashforwards en thérapie chez le psy (dont je crois on pourrait se passer, malgré le jeu de
Didier Sandre) ou l’illustration musicale de certaines scènes.
Aussi belle soit la partition de René-Marc Bini, je pense que la scène de l’audition de Chloé avec cet extrait de Victor Hugo mentionné avant peut être bien plus efficace juste par
l’interprétation et la diction très juste et émotionnellement puissante de Lucie Rébéré.
Le débat ayant suivi cette avant-première expliquant une absence visuelle qui me taraudait à la fin de la projection : ne pas voir la pénétration de force ou plutôt intimidante, armés de ce
fusil à pompes décrié, des membres du commando dans ce chenil sous surveillance pour insister sur la force ou la virulence de leur acte. Filmer des animaux
en cage n’étant pas un désir du réalisateur et une difficulté logistique pour les producteurs plus que de l’anthropocentrisme comme certains peuvent accuser le film. Car si
l’image est « une arme ultra-mega-efficace » pour le réalisateur et peut changer, selon lui, beaucoup de mentalités, une telle vision aurait peut-être desservie la cause en
associant définitivement ces activistes cagoulés à de violents criminels et terroristes, et ce que l’arme non chargée soit juste utilisée de manière dissuasive.
Pourtant il ne faut pas oublier que les véritables actions coups de poings de certains groupuscules se réclamant du mouvement (qui rappelons-le condamne
toute utilisation d’une violence purement gratuite et pouvant blesser animaux et/ou humains ou non-humains) tombent sous le coup de la législation antiterroriste dans certains
pays et qu’entrer ainsi dans l’action directe, anonyme et politiquement radicale n’est pas un geste idéaliste voire romantique ou romancée.
Le personnage de Yann, ce silencieux boxeur, qui en fait pourrait être plus le leader du groupe que le charismatique Franck en organisant l’assaut, étant pour moi ce qui pourrait être un portrait
plus proche de la réalité de l’activiste qui se dissimule sous ces cagoules. Faisant passer la cause avant tout, quitte à sacrifier plus qu’un réveillon à la con et survivre hors-champ à la
douleur d’un drame personnel.
Mais, je ferais quand même la promotion de ce film et ce au-delà de mon choix alimentaire et de mon engagement indépendant dans la protection animale, car si des techniciens et des comédiens (et
comédiennes) ont vécu ce tournage comme un changement, il faut espérer que parmi le public (les amis des sympathisants pouvant les accompagner ou des curieux) il y en aura aussi.
Forcément ?
Car oui, même si idéologiquement et politiquement je regrette et condamne, comme certains détracteurs, la présence dans les soutiens du film de l’inévitable et institutionnelle Fondation Brigitte
Bardot, du politicien à la démagogie alternative Jean-Marc Governatori et du Klan du Loup, personnalités affiliés aux opinions politiques de droite et de son extrémité nationaliste et frontiste
et groupuscule néo-nazi qui sous prétexte de défendre le loup enrôle de nouvelles brebis, je n’irai tout de même pas pousser au boycott de ce film, car j’ose espérer –comme Jérôme Lescure- qu’en
allant le voir les spectateurs éventuellement préoccupés par les questions de la défense et protection animale vont sortir de la projection avec la réflexion qu’effectivement il y a un problème,
quelque chose qui ne va pas et qu’en cherchant à se renseigner, ils vont peut-être se dire qu’ils ou elles peuvent faire un minimum et, apporter leur petite contribution, ne serait ce qu’une
adhésion par an à une association de protection animale sans pour autant s’enrôler dans l’action directe et clandestine.
Comme l’a dit le réalisateur :
« ce film ne révolutionnera pas la planète entière mais [s’il peut] faire changer certaines mentalités (...). Ca c’est déjà une
victoire ».
Des victoires que le film a déjà connu dans les nombreux festivals internationaux où il a été présenté : notamment américains (Los Angeles Reel Film Festival, Naperville Independent Film
Festival, Cincinnati Film Festival, Harlem International Film Festival, Las Vegas Film Festival, Twin Rivers Media Festival et Blue Whiskey Independent Film Festival où il a été doublement primé)
mais pas que, puisque primé au Salento International Film Festival italien, à l’Ionian International Digital Film Festival grec ou au Lucerne International Film Festival de nos voisins
helvètes...
La page officielle du film
La page IMDB du film
Minotaure Films (de Jérôme Lescure)
Gomme Films (de Gauthier Lamothe)
Les Films à Fleur de Peau (de Franck Llopis)
Animal Liberation Front