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Huiles de schiste : non, le prix du pétrole ne baissera pas !

Publié le 08 octobre 2012 par Pguillery

Un débat s'engage : la production d'hydrocarbures de schiste est-elle susceptible de faire baisser le prix du pétrole ? Certains experts le pensent, Thomas Porcher explique ici pourquoi il n'y croit pas.

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(L'Expansion) Avec l'augmentation de la production de pétrole de schiste (aux Etats-Unis et au niveau mondial), certains observateurs pensent que le prix du pétrole pourrait baisser fortement (Voir l'article d'Alexandre Andlauer sur "la chaîne Energie"). C'est une erreur car le marché du pétrole n'est pas un marché comme les autres : la présence d'un cartel (l'OPEP), l'absence d'élasticité de la demande au prix et les différences de coût d'extraction en font un marché particulier.

1) Le marché pétrolier n'est pas un marché concurrentiel

Le marché pétrolier n'est pas un marché concurrentiel car il existe un cartel : l'OPEP. En 2011, l'offre mondiale de pétrole a atteint plus de 90 millions de barils par jour contre 85,2 millions en 2010. La production de l'OPEP représente 40% et la capacité de production de l'OPEP est estimée à 35,45 millions de barils par jour. La raison d'être d'un cartel est d'agir sur les prix et l'OPEP agit sur les prix du pétrole en ajustant ses quotas de production, de sorte que l'offre égale tout juste la demande, ce qui engendre des tensions sur les prix.

Or actuellement, les pays du Golfe (principaux producteurs de pétrole de l'OPEP) ont besoin de dégager des excédents budgétaires énormes car, avec le « printemps arabes », ils ont multiplié les dépenses à caractère social : l'Arabie Saoudite aurait augmenté ses dépenses de 130 milliards de dollars pour l'éducation, la santé et les affaires sociales.

Dans ce contexte, peut-on penser sérieusement que les équilibres budgétaires des pays du Golfe pourraient supporter durablement un prix du pétrole à 50$ ?  Probablement non, d'ailleurs de nombreux pays de l'OPEP affirment avoir besoin d'un prix autour de 100$ pour couvrir leurs besoins économiques et sociaux. Ainsi, si une hausse de l'offre de pétrole due à l'exploitation des huiles de schiste entraînait une baisse du prix du pétrole, l'OPEP baisserait ses quotas de production pour faire remonter le prix.

2) Au niveau mondial, la demande de pétrole en fonction des prix est inélastique

C'est-à-dire qu'une hausse des prix du pétrole n'entraîne pas de baisse de la demande. Ces dernières années, la demande a même augmenté corrélativement au prix. Ainsi, alors que le prix moyen du Brent a atteint un record de 112 dollars en 2011 contre 79 dollars en 2010, la demande est passée de 87,4 millions en 2010 à 90 millions de barils par jour en 2011. Malgré la hausse des prix, le taux de croissance de la demande s'élève à 4% par an contre une moyenne de 1,4% de 1983 à 2000 lorsque le prix était autour de 20 dollars.

Dans la décennie 1990-2000, le monde consommait chaque jour 1 million de barils de plus qu'un an auparavant, désormais ce chiffre est passé à 3,3 millions de barils. Pour que l'augmentation de la production de pétrole de schiste fasse baisser le prix, il faudrait qu'elle permette à l'offre mondiale d'augmenter plus vite que la demande. Au regard des conditions actuelles d'exploitation du pétrole de schiste et de l'évolution de la demande (augmentation de la population mondiale, croissance des pays émergents), c'est peu probable. Et même si c'était le cas, la production du pétrole de schiste, comme les premiers pétroles non-conventionnels, n'entraînerait que provisoirement des pressions à la baisse sur les prix notamment parce que le prix du pétrole dépend des coûts d'extraction des gisements les moins rentables (en mer très profondes).

3) Le coût d'extraction du pétrole varie en fonction de l'endroit où on le puise

Le pétrole n'est pas un produit standard et son coût de fabrication varie en fonction de l'endroit où on le puise. Alors que dans une industrie standard, les coûts de fabrication ont tendance à baisser avec le progrès technique - entraînant mécaniquement une baisse des prix -, dans l'industrie pétrolière, les coûts de production (coûts d'extraction) augmentent avec le progrès technique, car les compagnies pétrolières mettent en production des gisements dans des zones de plus en plus difficiles d'accès.

 Or, pour exploiter ces gisements au coût d'extraction élevé, les compagnies nécessitent un prix du pétrole suffisamment élevé pour réaliser un profit (c'est-à-dire supérieur au coût d'extraction). Aujourd'hui, avec un prix du pétrole supérieur à 110 dollars, les pétroles de schiste ou les pétroles en mer très profonde (comme en Guyane) deviennent rentables mais une hausse de l'offre ne pourrait pas faire baisser le prix plus bas que le coût d'extraction de ces pétroles, faute de quoi ils ne seraient plus rentables.

Force est de constater que même si les techniques d'extraction du pétrole de schiste venait à progresser, que même si le coût d'extraction du pétrole de schiste venait à baisser, le prix du pétrole au niveau mondial ne baisserait pas. Car s'il venait à baisser alors un certain nombre de pétrole (en mer très profonde, arctique,...) ne serait plus rentable ce qui compresserait l'offre et ferait augmenter le prix à nouveau. L'augmentation tendancielle des coûts d'extraction agit donc comme un « stabilisateur » du prix du pétrole.

En résumé, les fondamentaux poussent le prix du pétrole à la hausse avec une augmentation de la demande et une offre qui s'ajuste volontairement à cette demande grâce aux quotas de production de l'OPEP. A cela, il faut ajouter l'augmentation des coûts d'extraction qui agissent comme des « stabilisateurs » du prix. Cet argument de l'exploitation des pétroles de schiste pour faire baisser les prix du pétrole ne tient donc pas.

(c) L'Expansion L'express / Th. Porcher


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