HÉLÈNE CHARBONNIER, présidente de Racines Coréennes, et JEAN-VITAL DE MONLÉON, pédiatre, anthropologue, tous deux membres du Conseil supérieur de l’adoption, ont publié une tribune dans Libé vendredi dernier.
Sans véritablement se positionner sur le sujet de l'adoption par les homos, même si l'on sent une certaine réticence en filigrane, leur propos a surtout été de repositionner le sujet autour de trois points: l'intérêt de l'enfant adopté (point sur lequel je reviendrai dans un autre post, au vu des passionnants(és) débats générés sur ce point dans les commentaires de mon précédent post), le contexte plus large de l'adoption en général, aujourd'hui beaucoup plus difficile et plus complexe et sans beaucoup de réactions de nos gouvernants (les nouveaux comme les précédents), et enfin, l'appel à une "réflexion collective" sur le sujet, en faisant appel aux institutions en place et aux diverses associations. Un discours de la méthode , en quelque sorte.
Il est vrai que le sentiment à ce jour est celui d'une C. Taubira qui a fait une OPA sur le sujet, laissant la ministre de la famille, Dominique Bertinotti, un peu en retrait, pour le moins médiatique. Et laissant surtout apparaître ce sujet de l'adoption par les homos, fort médiatique et "hype", devenir l'arbre qui cache la forêt des problématiques réelles autour de l'évolution de l'adoption , notamment internationale, et de l'absence d'adaptation de la procédure française en la matière, que ce soit en "amont" (agrément et "formation" des parents adoptants) ou en "aval" (accompagnement post-adoption), contrairement à ce qui a été réalisé par certains de nos voisins, Italie et Espagne, notamment.
Et certaines associations, comme EFA , s'en étaient d'ailleurs également émues: "Le 24 septembre, Nathalie Parent, présidente d’EFA, Françoise Toletti et Odile Baubin, vice présidentes d’EFA, ont rencontré le conseiller technique de Dominique Bertinotti, la ministre chargée de la famille.(...) EFA a fait part de son inquiétude face au manque de sens et de coordination du parcours proposé aux adoptants français, plaidant en faveur d’une refonte globale de notre système. A l’occasion d’une discussion sur les débats en cours sur l’adoption par des couples homosexuels, EFA a souligné la nécessité de repartir du projet de vie de chaque enfant et a réaffirmé son attachement à la transparence du projet formé pour l’enfant et de l’histoire parentale dans laquelle il s’inscrit. EFA a ainsi sollicité la réunion du comité interministériel de l'adoption, afin que la réflexion ne demeure pas le fait d'un service mais englobe tous les acteurs du monde de l'adoption concernés, dans l'intérêt des familles et des enfants. EFA a aussi insisté sur la nécessité de réinstaller rapidement le Conseil supérieur de l’adoption, rejoignant ainsi une des demandes exprimées par l’association Racines coréennes dans un entretien publié dans le journal La Croix le 24 septembre. "
Je publie donc ici un large extrait de la tribune publiée dans Libé:
" (...) Nous pensons que l’adoption par des couples de même sexe doit faire l’objet d’une réflexion collective. Nous aimerions pouvoir en parler, sans polémique, en toute objectivité, et nourrir l’échange d’un diagnostic à jour sur l’adoption nationale et internationale.(...)
Nous avons aussi été surpris de voir combien l’adoption et ses problèmes sont actuellement occultés. Pour être très polémique, pour interroger sur les fondements de la famille, ce débat n’a finalement qu’une faible importance dans le quotidien des familles adoptives, des personnes adoptées, et de la plupart des postulants à l’adoption internationale.
La diminution de l’adoption internationale a pour conséquence de voir arriver des enfants plus âgés, ayant vécu plus de situations difficiles, en moins bonne santé, en fratrie, ce qui, plus que jamais, nécessite une meilleure préparation des professionnels, des futures familles adoptives, et un accueil adapté à leur arrivée. Le principe d’accompagnement post-adoption ne parvient pas à s’imposer. Les consultations d’adoption qui sont, pour les pays d’origine, le gage d’une qualité de l’adoption en France, ne bénéficient toujours d’aucune aide, d’aucune reconnaissance officielle alors que, malgré la chute du nombre d’adoptions, de plus en plus de familles et d’adoptés veulent faire appel à leurs compétences avant ou après l’adoption.
Nous sommes tous deux membres du Conseil supérieur de l’adoption (CSA). Cette instance, constituée d’experts, des différents intervenants et acteurs de l’adoption, et représentant le peuple par le biais de ses élus, semble en sommeil. Malgré les nombreux soucis et débats évoqués par l’adoption, cela fait trop longtemps qu’il n’a pas été réuni. Alors que le rapport Colombani déclarait la nécessité de lui donner une meilleure écoute, il a été constamment oublié ces dernières années. En 2007, la condamnation de l’Arche de Zoé, unanime et sans ambiguïté, par le CSA, n’a pas été diffusée. Fin 2009, lors d’une réunion consacrée aux différences entre les modes d’adoption plénière et simple, le CSA concluait que l’adoption plénière était la forme la mieux adaptée à l’adoption internationale, en terme d’obtention de la nationalité et de sécurité pour l’enfant qui arrive. Depuis, les tribunaux n’ont jamais autant délivré d’adoptions simples. En outre, d’autres débats, comme l’adoption individuelle, son évolution, son encadrement, restent toujours en chantier. En janvier 2010 a eu lieu le tremblement de terre en Haïti, qui fut un séisme pour ce pays mais aussi pour le monde de l’adoption. Des mesures allant à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’adopté ont été prises alors que le CSA n’était pas convoqué.
Au Conseil supérieur de l’adoption, il y a des adoptés, des familles adoptives, des psychologues et travailleurs sociaux des départements, ainsi que des soignants. Tous connaissent l’adoption, et plus encore, les enfants qui ont été adoptés et qui sont aujourd’hui vos concitoyens. Il serait dommage de l’oublier encore dans les débats actuels. Il serait dommage également de mettre le CSA au travail trop tardivement ou pour le principe."
Au-delà, prenant acte de l'absence de consultation des personnes adoptées dans les débats actuels, le 29 septembre dernier, trois présidents d'associations d'adoptés, Cécile Février, Ivann Lamy et Hélène Charbonnier, ont crée une nouvelle "organisation", le Conseil National des Adoptés (CNA). "Celle-ci a pour but de construire le dialogue nécessaire entre différents acteurs et parties prenantes de l’adoption en s’inscrivant dans la protection de l’enfance, née de la nécessité de protéger les enfants privés de parents, mais aussi de la nécessité de protéger la famille adoptive nouvellement constituée. Le CNA entend se placer aux côtés des professionnels, des associations d’adoptés et des associations de familles adoptives et/ou de postulants.Parce que le CNA fédère déjà une diversité d’opinions et de ressentis des personnes adoptées, il offre un nouvel appui consultatif, et il espère être associé aux travaux relatifs à l’adoption, simple et plénière, nationale et internationale. En effet, les échanges de réflexions et le partage d’expérience peuvent ainsi contribuer à éviter les non-dits et les malentendus qui sont parfois lourds de conséquences.
Il s’attachera à penser l’adoption, notamment dans la prévention des difficultés liées à l’abandon, au délaissement, à l’adoption et en faveur de mesures favorisant l’accompagnement post-adoption (ie création d’un service public post-adoption), et dans un souci de partage, d’égalité et de respect des autres acteurs de l’adoption. En tentant de toujours être impartiale et objective, le CNA vise à incarner un lieu de concertation participative et être une référence consultative en matière d’adoption du point de vue l’adopté. Le Conseil National des Adoptés, s’il abordera sans complexe et tabou toutes les problématiques qui sont celles des adoptés, veillera à donner une image positive de l’adopté.
L’axe fondamental du CNA est bien celui de l’intérêt supérieur de la personne adoptée !"
Reste maintenant au gouvernement à entendre ces messages et les prendre en compte dans le débat actuel...
Sources: Libération, EFA, EFA, LaCroix