Le meilleur moyen d’oublier ce qui vous tracasse, c’est encore de lire, ou d’écrire. J’ai tendance à l’oublier, et j’ai été tellement prise par les aléas de ma petite vie que j’ai laissé passer un temps infini entre ma dernière chronique et celle-ci, je m’en excuse. C’est que mon félin et moi, on se cherche un nouveau toit, encore. En ce moment je change de boulot une à deux fois par an, et c’est pareil pour mes appart’, je peux vous dire que mes livres ont à peine le temps de prendre une bonne poussière résiduelle qu’ils sont remis en carton et baladés d’appartements en appartements…
Bref. Je n’ai pas pour autant arrêté de lire ces derniers
jours, en cette période de rentrée qui tire vers Noël (oui sachez qu’en
librairie on commence déjà à recevoir nos quantités de Noël, Jingle Bells…), il
n’est pas possible de se laisser aller ! Entre un petit Western et un
roman historique j’ai avalé le dernier tome de Fables, et j’ai commencé le
dernier titre des éditions La Volte. J’essaye de garder un certain rythme, ce
qui n’est pas facile quand on a constamment l’esprit occupé par autre chose.
Oui, clairement, il est plus facile et plus agréable de lire l’esprit reposé,
la conscience tranquille.
Ma lecture la plus détente de ces derniers jours à été le
tome 16 de Fables. Ahhhh quelle délice, quelle explosion de loufoquerie !
Ca fait du bien de mettre son nez dans un univers déjanté, délicieusement
halluciné, ça vous change les idées !
Parce que le livre dont je vais vous parler aujourd’hui
n’est pas tout à fait aussi folichon que Fables. Je me suis embarquée dans la
lecture d’un gros pavé intitulé Les fidélités successives, de Nicolas
d’Estienne d’Orves, aux éditions Albin Michel. J’avais des à priori défavorables
concernant cet auteur sans aucune raison valable, excepté qu’il écrivait avant
des polars édités par Pocket. Qu’on s’entende, tous les polars édités par
Pocket ne sont pas mauvais, loin de là, mais les couv’ n’était pas terribles,
ni les résumés, et bon… voilà quoi, vous voyez je vous avais dit que c’était basé
sur du vent.
M’enfin l’histoire des Fidélités successives, qui n’est pas
un polar, me faisait des clins d’œil langoureux, me balançant des Cocteau,
Picasso, Jean Marais et une histoire tragique de Seconde Guerre mondiale à la
figure. Et puis, sans aucune raison non plus autre que psychologique, je suis
irrémédiablement attirés par les gros pavés qui dans mon esprit sont toujours
gage de qualité.
Allemands sous l'occupation, qui se prennent un p'tit kawa.
Un cheminement en demi-teinte, puisqu’il est à la fois collaborateur et résistant, entraîné malgré lui dans les combines les plus louches et les faits les plus héroïques. La particularité du parcours du Guillaume est surtout qu’il ne cherche qu’à vivre. Sa passion est l’art, alors il devient chroniqueur d’art dans un journal collaborateur. Son statut d’anglais le désigne comme le nouvel ennemi à abattre alors il se fait naturaliser en échange de service pour l'empire allemand… et il fait tout ça de façon candide, naïve, sans arrière-pensée, sans être mauvais. Il n’a rien contre les juifs, n’a rien contre les français, n’a rien contre les allemands, n’a rien contre les anglais, il veut juste vivre à paris, continuer de côtoyer les plus grands, manger aux tables de Jean Cocteau, Sacha Guitry, Jean Marais, et oublier les dégradations intellectuelles que les plus grands penseurs infligent à leur temps pour ne retenir que la beauté de Paris et son histoire culturelle. L’histoire du trio amoureux que forment Guillaume, Pauline et Victor sert et dessert le livre à la fois. Pauline est la demi-sœur par alliance des deux frères. New-Yorkaise, mais aussi de Malderney, elle les rejoint à ses dix-huit ans, et se met à jouer avec les sentiments des deux frères. D’inséparables ils vont vite devenir rivaux et une haine profonde va s’installer. C’est cette rivalité qui va précipiter le départ de Guillaume pour Paris, pour oublier Victor et Pauline. Bon bien-sûr l’histoire ne s’arrête pas là, c’est un poil les feux de l’amour parfois dans tout ça… ! Mais cette romance permet de donner un fil rouge à l’histoire, car finalement ce qui relie les trois personnages est aussi ce qui va pousser Guillaume à sa perte. Alors voilà, on est plongé dans une ambiance parisienne des plus étranges. Chaque table de restaurant, chaque banquette de cabaret regorge de collaborateurs ou d’allemands. L’aventure de Guillaume nous emmène des les festins et les soirées les plus pimpantes du Paris occupé, alors que le reste de la population souffre et ne sait pas sur quel pied danser ; des familles de juifs se font rafler et la population se barricade derrière ses volets avec ses maigres tickets de rationnement, les rues sont désertes, le couvre-feu donne des sueurs à tous les promeneurs nocturnes, et les escouades d’allemands s’imposent dans chaque établissement en territoire conquis avec une vulgarité et un mépris de plus en plus flagrants. Guillaume lui se laisse porter, nous emporte avec lui, et on lit son récit emplis d'émerveillement et de dégoût.
Arrestation de Sacha Guitry en 1944,
comme de nombreux artistes après la libération