La situation des finances publiques marocaines n’est pas prête de s’améliorer en 2012. Selon les dernières statistiques, le budget a été multiplié par 5 passant de 7 à 33 milliards de DH entre fin août 2011 et fin août 2012. Cela dit, le gouvernement croit toujours dur comme fer qu’il maintiendra le déficit budgétaire autour de 5%, moins que les 7% de l’an passé. Et pour ce faire, le chef du gouvernement Benkirane a insisté dans la dernière lettre de cadrage de la loi de finances sur l’impératif de rationaliser les dépenses et d’optimiser les recettes. Si l’intention est louable, l’objectif de 5% ne semble pas très crédible, encore moins la stratégie prévue pour le réaliser.
Effectivement, avec des prix des matières première qui seront en hausse de 10 % à 30 % en moyenne sur la décennie, et un pétrole orienté vers la hausse, en dépit de l’accalmie actuelle,les tensions sur les prix de l’énergie et des produits de base, ne vont pas s’apaiser au risque de faire exploser les charges de compensation. Celles-ci ont augmenté à la fin août 2012 de 61,5%. Aussi, les dernières revalorisations des salaires pour acheter la paix sociale suite au printemps arabe vont pousser à l’explosion de la masse salariale. Ainsi, les salaires servis se sont inscrits en augmentation de 12,6%, portant la masse salariale à 11% du PIB.Puisque ces deux rubriques, à savoir les charges de personnel et de compensation, pèsent à elle seules 55% de l’ensemble des dépenses, il est fort probable que les dépenses continueront leur tendance haussière creusant le déficit budgétaire au-delà des 5% souhaités par le gouvernement. Une tendance qui ne risque pas d’être contrecarrée par la hausse des recettes, insuffisante au regard de la faiblesse de la croissance économique (moins de 3% pour cette année). D’ailleurs, les recettes ordinaires restent quasi-stables par rapport à fin août 2011.
Pendant ce temps-là, pour lutter contre ce déficit abyssal, le gouvernement propose une stratégie d’économies de bouts de chandelles, notamment en gelant la construction de nouveaux sièges administratifs, en optant pour la location avec option d’achat concernant le parc auto de l’État et en apportant un sacré coup de rabot aux dépenses liées aux réceptions officielles et autres dépenses d’hôtellerie et de restauration. Sauf que, les gros dossiers de gaspillage sont complètement ignorés. À titre d’exemple, comment expliquer aux contribuables marocains que l’on continue à financer dans l’actuel budget de l’Etat, 41 entreprises publiques qui sont ouvertement en cours de liquidation, certaines depuis longtemps. En plus de la banalisation de la situation, le gouvernement Benkirane se trompe complètement quand il entend régler le problème du déficit public en adoptant une approche purement comptable. Car au-delà de la mécanique des recettes et des dépenses, c’est toute la stratégie de développement économique qu’il va falloir revoir.
Ainsi, quand on veut réduire la masse salariale, il ne suffit pas de geler les salaires et les embauches. Il faudrait à la place une réelle fondation de la fonction publique. Quand on cherche à désamorcer la bombe de la caisse de compensation, il ne suffit pas d’augmenter les prix des carburants, mais il faudrait mettre en place tout un système de protection sociale au Maroc fondé sur le ciblage des plus vulnérables et leur autonomisation progressive à travers des activités génératrice de revenu. Pour ce qui est de l’augmentation des recettes, celle-ci ne peut se réduire uniquement à une amélioration des rendements de l’administration fiscale, au demeurant absolument nécessaire. Les recettes fiscales sont proportionnelles à la dynamique des entreprises nationales. Cela signifie que l’on ne peut espérer accroitre les recettes de l’État avec des entreprises accablées par les contraintes réglementaires, fiscales et financières, ce qui limite leur potentiel de développement, sinon les pousse dans les méandres de l’informalité forcée. Là aussi il faut une stratégie pour booster le tissu productif, le rendant plus productif pour qu’il génère davantage de recettes fiscales.
Au total, pour la réduction du déficit public il est besoin d’une redéfinition de l’ensemble du modèle économique marocain, ce qui passe par un changement dans la place de l’État dans l’économie marocaine. Il ne s’agit pas d’appliquer de l’austérité budgétaire primaire, consistant à augmenter les prélèvements et/ou raboter les prestations sociales, mais plutôt de remettre l’État au service des citoyens à un coût modéré et faciliter ainsi l’activité entrepreneuriale créatrice de richesse et d’emplois.
Hicham El Moussaoui, le 8 octobre 2012 - Hicham El Moussaoui est analyste sur www.UnMondeLibre.org.