L’enfer est pavé de bonnes intentions. Voilà qui sied parfaitement à la démarche ambitieuse d’Anaïs Barbeau-Lavalette qui tente dans son second long-métrage de saisir la complexité du conflit israélo-palestinien via une dimension émotionnelle intense, à savoir l’amitié de trois femmes, triangle quasi sororal gangréné de l’intérieur. Le spectateur, lui, suit Chloé (Evelyne Brochu), médecin québécoise, les deux pieds de chaque côté, le cul entre deux chaises : elle vit en Israël, copine avec sa voisine de palier, soldat au check point- mais s’entiche d’une famille de palestiniens, dont la sœur (Sabrina Ouazani) est sur le point d’accoucher. Jusque là, tout va bien. Les bonnes intentions de base (le regard de l’étranger sur la guerre, le socio-politique qui avale l’humain) est hélas bien vite balayée par une vision partiale, articulée autour de non sens et de raccourcis faciles. Via la séquence, qui ouvre et clôt le film, Anaïs Barbeau-Lavalette met les deux pieds dans le plat : son deuxième film, dans son ensemble, apparaît alors comme une laborieuse démonstration, une justification maladroite, du terrorisme. Elle interroge le spectateur : qu’est-ce qui mène les kamikazes aux assassinats de masse ? Sa réponse est tout simplement moche, en plus de peu vraisemblable.
Nous nous croyions face à un récit de femmes, une histoire de tiraillement, un point de vue nuancé ; nous sommes face à une embarrassante volonté d’humaniser les « bombes humaines », volonté qui va (et c’est le comble) à l’encontre même de l’essence des personnages. Ce que dit (de façon éminemment simpliste !) la cinéaste québécoise, c’est que parce qu’elle a perdu son bébé, et parce que son mari a été condamné à des années de prison, une jeune palestinienne, qui brille tout du long par un humanisme débordant, une force et un courage incroyables, décide- sur un coup de tête- de se faire exploser au cœur d’un quartier peuplé en Israël. Là, où il y a des enfants. Là, où il y a des femmes tout comme elle. De mère, elle devient martyr, et ce de façon incompréhensible. Comme la résultante d’un chagrin, d’une colère, que Barbeau-Lavalette ne prend même plus alors la peine de contextualiser- et non pas comme la conséquence (comme c’est le cas dans la vraie vie) d’un long enrôlement, psychologique et religieux. Le personnage s’improvise terroriste, d’un claquement de doigt, comme réponse vengeresse aux malheurs subis (et directement attribués aux attitudes des israéliens, que la cinéaste ne contextualise pas non plus). C’est dire la profondeur d’un récit qui ne maîtrise visiblement pas un sujet historico-politique complexe.