Ce phénomène a notamment été observé dans la musique soul, particulièrement avec la Motown. En effet, la célèbre maison de disque a pris l’habitude de faire enregistrer un même titre par plusieurs artistes. De la sorte, elle rentabilisait les auteurs-compositeurs en minimisant le risque d’oubli d’une chanson. Maintenant, réfléchissez à quelque chose : comment Bob Marley a pu acquérir cette notoriété internationale au début des années 1970 ? Il a pu allègrement remercier Eric Clapton d’avoir popularisé son I shot the sheriff. Sinon, je pense que le reggae aurait encore été aujourd’hui un délit d’initiés en dehors de la Jamaïque.
Donc aujourd’hui, on va faire révéler une vérité qui va vous scotcher au plafond : Non, non et non, Marvin Gaye n’est pas l’interprète original de I heard it through the grapevine. Même si la version originale et la version la plus populaire à l’heure actuelle ont été enregistrées dans un espace de temps très court, le véritable interprète original de cette chanson n’est autre que Gladys Knight and the Pips, en 1967.
La version originale
Ouais, ça change, hein ?
On remarquera au passage que cette demoiselle apporte une ambiance plus positive à la chanson. Gladys Knight, née en 1944 à Atlanta – de ces terres qui ont tant donné à la soul – commence sa carrière dès l’âge de 8 ans avec sa famille. En 1967, le groupe vient donc tout juste de se faire repérer par Berry Gordy, patron de la Motown, qui fait enregistrer ce titre de Norman Whitfield. Et c’est un carton, si bien que Whitfield écrira encore plusieurs titres pour Gladys Knight and the Pips. Par la suite, la famille changera plusieurs fois de maison de disques jusqu’à leur séparation en 1989.
Qu’en est-il de la chanson au départ ? En fait, elle ressemble beaucoup à R.E.S.P.E.C.T. – pas la V.O. d’Otis Redding, mais celle bien plus populaire encore une fois d’Aretha Franklin –, avec les motifs musicaux propres aux chansons de soul chantées à l’époque par les Aretha, Diana, Tammi et consorts. C’est d’ailleurs ce que je reprocherais à la Motown : autant leurs artistes masculins pouvaient sortir des purs trucs avec certains titres assez originaux, autant leurs artistes féminines semblaient être interchangeables et sans personnalité. Mais je digresse.
Tout cela pour dire que, bien que cette chanson dans cette forme soit assez sympa, remise dans le contexte de création de la musique noire de la fin des années 1960, elle reste finalement sans saveur, sans aspérités. Un peu comme un titre de Christophe Maé ou de Natacha Saint-Pier, toutes proportions gardées. C’est pour cette raison que les reprises qui en ont été faites sont plus populaires, parce que les artistes qui se la sont appropriée ont, en général, apposés une signature spécifique.
Les reprises
Marvin Gaye (1969)
Creedence Clearwater Revival (1976)
Amy Winehouse et Paul Weller (2008)
I heard it through the grapevine est donc l’exemple concret qu’une chanson originale peut présenter un défaut d’orchestration ou peut souffrir du manque de charisme de l’interprète original. Il suffit donc de pousser davantage la mélodie, de tester plusieurs artistes jusqu’à en obtenir un qui puisse marquer la chanson de son empreinte.