Les mathématiques ont été mises en cause dans la crise financière actuelle, dans la mesure où elles auraient permis de mettre sur le marché des produits très sophistiqués que les utilisateurs ne comprenaient pas. Qu'en pensez-vous ?
Les utilisateurs, dans les banques, comprennent ce qu'ils utilisent. Et la crise actuelle n'est pas une crise des mathématiques. Elles n'apparaissent qu'en bout de chaîne. Ce ne sont pas les mathématiciens qui ont eu l'idée de la titrisation, mais les financiers. Ceux-ci ont alors fait évaluer les risques des produits de titrisation par des agences de notation. Les maths ne sont intervenues qu'ensuite pour créer des produits dérivés permettant de se couvrir contre ces risques.
Apparemment, les maths ont failli puisque les risques n'ont pas été couverts.
Nos modèles sont faits pour fonctionner dans des situations ordinaires, pour des quantités raisonnables de produits vendus, dans un contexte d'activité standard pour couper des pertes de 3 % à 5 %. Pas pour des périodes de surchauffe, de bulle. Un système qui marche pour couvrir 50 millions ne marche pas pour 500. Car un modèle n'explique pas tout. Par définition, il fait des erreurs qui ne sont acceptables que si les montants en jeu sont faibles. Mais quand une voiture faite pour rouler à 120 à l'heure se met à rouler durablement à 180, des pannes surviennent, des pièces cassent, les garde-fous ne fonctionnent plus.
Les mathématiques donnent le sentiment que l'on peut mieux contrôler. Les mathématiciens auraient peut-être dû mieux préciser que leurs modèles étaient frustes. Ils n'ont peut-être pas assez signalé le risque que faisait porter un très petit pourcentage de produits très risqués dans des produits structurés. Dans ce sens, les mathématiques sont un maillon de la crise ; mais pas le maillon décisif.
Extraits de propos recueillis par Annie Kahn parus dans le monde.fr
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