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Aperçus de la mode française

Par Richard Le Menn

modes200lm Photographies 1 et 2  : Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens de Guillaume-François-Roger Molé (Amsterdam et Paris, chez Costard, Libraire, rue Saint-Jean-de-Beauvais, 1773). Première édition. Ce livre contient une histoire 'Des Cheveux des Français', une autre 'De la Barbe des Français', des 'Recherches sur les Chevelures artificielles des Anciens' et une 'Histoire des Perruques'. Il est consultable ici.
Photographie 3 : Page d'almanach du XVIIIe siècle.
La mode occupe une place fondamentale dans la société française et cela depuis très longtemps. Le mot 'mode' vient du latin 'modus'. Les définitions de ces deux termes se ressemblent et englobent aussi bien des notions de mesure, de manière (dont celle de s'habiller), de genre … et restent dans le temps semblable à la contemporaine. Il ne s'agit donc pas d'un concept récent. La mesure est une notion importante de la mode française dans toutes les acceptations du terme, notamment dans son aspect musical. Il s'agit de rythme, d'être dans un rythme (voir article intitulé Le bon ton & le bon genre), en harmonie avec la vie et ses changements.

La mode est très présente durant l'Antiquité, évoluant aussi bien dans le domaine des vêtements, que des parures, coiffures, chaussures, couleurs, manières etc. La grecque influence particulièrement la romaine. Durant le Moyen-âge, elle continue son évolution. Il semble qu'en ancien français le terme 'meuf' désigne la même chose. Au XIVe siècle le mot 'mode' est dans le vocabulaire et sa définition comprend toujours la manière de se comporter, de s'habiller et de se parer en suivant le goût du moment. Dans la pièce de vers 1450 intitulée Sottie du gaudisseur et du sot on lit : «  Quelque chose que l'on en dye, / Tousjours seray mignon et gay, / Aussi gent comme ung papegay, / Fringant a la mode qui court »
Le caractère collectif et civil de la mode est un aspect primordial de compréhension de son importance. Un proverbe souvent cité dans les textes du XVIIIe siècle dit que « Les fous inventent les modes, et les sages les suivent. » Ne pas être à la mode n’est donc pas considéré comme avisé en France, même chez ceux qui pensent que ce sont les insensés qui créent les nouvelles tendances. Antoine de Courtin (1622-1685) écrit dans son Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes gens  (1671)

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que « c’est sous cette maîtresse absolue qu’il faut faire ployer la raison, en suivant pour nos habits, ce qu’il lui plaît d’ordonner, sans raisonner davantage ; si nous ne voulons sortir de la vie civile. » Dans L’Ecole des maris (1661), Molière (1622-1673) fait tenir un discours semblable à Ariste : « Toujours au plus grand nombre on doit s’accommoder, / Et jamais il ne faut se faire regarder. / L’un et l’autre excès choque, et tout homme bien sage / Doit faire des habits, ainsi que du langage, / N’y rien trop affecter, et, sans empressement, / Suivre ce que l’usage y fait de changement. / Mon sentiment n’est pas qu’on prenne la méthode / De ceux qu’on voit toujours renchérir sur la mode ; / Et qui, dans cet excès dont ils sont amoureux, / Seraient fâchés qu’un autre eût été plus loin qu’eux ; / Mais je tiens qu’il est mal, sur quoi que l’on se fonde, / De fuir obstinément ce que suit tout le monde, / Et qu’il vaut mieux souffrir d’être au nombre des fous, / Que du sage parti se voir seul contre tous. » A cette époque, ce sont les fâcheux qui ne suivent pas la mode. Le Discours nouveau sur la mode est un poème datant de 1613 qui met en scène la déesse Mode. Celle-ci explique comment elle fait changer les manières de se coiffer de porter (ou de ne pas porter) la barbe, les moustaches, le chapeau, de s’habiller … L’importance accordée à la mode est à l’origine de la foison de petits maîtres. Dans la Réponse au réformateur de la mode qui court, datant de 1613, l’auteur critique la mode d’une manière qui pourrait l’être aujourd’hui : « L’un dira […] celui-ci est trop mignon : celui-là tient trop compte de lui : l’autre, ce n’est pas à lui de porter cela. » Dans le dictionnaire de 1606 de Nicot intitulé Trésor de la langue française, il y est question de « mode ancienne », de « nouvelle mode », de « vivre à sa mode » … Voici le début de la définition que propose la première édition (1694) du Dictionnaire de l’Académie française (l’orthographe est adapté comme c’est le cas la plupart du temps dans les citations des XVIIe et XVIIIe siècles que je fais ici) : « MODE. s. f. La manière qui est, ou qui a été autrefois en vogue, sur de certaines choses qui dépendent de l'institution & du caprice des hommes. Nouvelle mode. Vieille mode. Mauvaise mode. Mode ridicule, extravagante. Cela était autrefois à la mode. La mode en est passée. La mode n'en est plus. Inventer des modes. Suivre la mode. Se mettre à la mode. Être à la mode du pays où l'on est. Un habit à la mode. Une étoffe à la mode &c. On revient aux vieilles modes. C'est un mot qui est fort à la mode. Être esclave de la mode. Les caprices, les bizarreries de la mode. On dit, qu'Un homme, qu'une femme est fort à la mode, pour dire, qu'un homme, qu'une femme est fort au gré de la plupart du monde. On dit prov. que Les fous inventent les modes, & que les sages les suivent ... » Dans ces définitions du XVIIe siècle, on distingue très nettement les modes anciennes et nouvelles. Plusieurs ouvrages répertorient celles passées. C’est le cas au XVIIIe siècle dans des livres et des revues d’époque comme par exemple dans celui du début de cet article, de Guillaume-François-Roger Molé : Histoire des Modes Françaises, ou Révolutions du costume en France, Depuis l’établissement de la Monarchie jusqu’à nos jours. Contenant tout ce qui concerne la tête des Français, avec des recherches sur l’usage des Chevelures artificielles chez les Anciens (1773). Les revues ne présentent pas toujours que des vêtements ou des coiffures mais aussi des intérieurs ou des voitures. Lors des parades de Longchamp, ce ne sont pas que des toilettes qui sont déployées mais tout un équipage. Tous les arts décoratifs inventent et suivent les nouvelles modes.
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La mode se diffuse à partir de Paris par divers moyens. L'un des premiers est la promenade et autres fauchages de persil (voir l'article intitulé
Le Cours : L'empire des oeillades, l'un des lieux de l'élégance française où l'on fauche le persil, le Cours-la-Reine, les Champs Élysées ...) qui sont les ancêtres des défilés de mode. Les lieux de promenade huppés comme le Cours, les boulevards, le Palais Royal, le bois de Boulogne (Longchamp), certains jardins comme celui des Tuileries, ainsi que la vie de cour, les théâtres et autres fêtes ... fournissent des défilés vivants. La capitale étant un centre couru dans le monde, et les français aimant beaucoup voyager, la mode française se répand. Les desseins sont un autre moyen, parmi les plus anciens, pour divulguer rapidement une mode. Viennent ensuite les gravures particulièrement nombreuses dès le XVIIe siècle (voir l'article Des gravures de mode du XVIIIe siècle) ; puis les livres et les revues. Une autre manière est d’envoyer des poupées habillées. Certains articles du Mercure galant, datant du XVIIe siècle peuvent être considérés comme les premiers articles de mode, de même pour les illustrations. On y parle de celle de la prochaine saison ; on en profite pour faire de la publicité pour des fabricants et marchands ; on décrit les images. Mais c'est le XVIIIe siècle qui invente véritablement la publication de mode. Voir à ce sujet les articles intitulés Les périodiques de mode : du 'Mercure galant' au 'Magasin des modes nouvelles françaises et anglaises' et Le Journal des Dames et des Modes. Par la suite les revues de mode ne font que croître. Un autre genre de revue de mode est l’almanach  (voir l'article Les almanachs de mode du XVIIIe siècle). C’est sous Louis XV que ceux-ci prennent la forme de petits (voir très petits) livres. Ce sont des calendriers auxquels sont ajoutées de multiples informations dont certaines sur la mode. Le genre d’almanach dédié à la mode disparaît peu à peu à la Révolution. Les revues de mode continuent à évoluer et se diversifier au XXe siècle au rythme des nouvelles modes. Avant les photographies (puis la télévision et Internet), l’estampe est le meilleur support de leur divulgation. Ces images offrent des exemples de coiffures ou d’habits à la mode du jour ou des années précédentes. Elles sont envoyées en province et dans le monde entier pour servir de références aux marchandes de mode, coiffeurs ... et aux particuliers.

© Article et photographies LM


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