C’est désormais litanie que compter les bourdes de Romain Grosjean. Sept abandons sur quinze courses, dont cinq lui étant directement imputable. A chaque fois le genevois nous ressort sa sempiternelle ritournelle d’excuses assorties de circonstances atténuantes devenant exténuantes. Depuis le début de saison, notre « Grosjean national » est dans l’œil du cyclone. Le voici bien empêtré dans une spirale négative qui semble impossible à enrayer. Chaque bévue entraîne une obligation de rachat, ne faisant qu’augmenter la pression sur ses frêles épaules.
Un sportif de haut niveau est un savant mélange d’inné et d’acquis. Grosjean, sans posséder l’inné d’un Jim Clark ou d’un Senna, n’est pas pour autant dénué de talent. C’est tout du moins ce que la presse française nous a enfoncé dans le crâne. L’acquis est la part qui fait d’un bon sportif un vrai champion. C’est la capacité d’absorption de données qui détermine la progression. Le problème de nombre de sportifs est de se reposer sur le seul talent. La progression résulte principalement des capacités mentales, la remise en question constructive, l’acceptation de ses limites, tout en les repoussants, etc. De là, les performances doivent s’établir telle une courbe ascendante et linéaire. Le problème de Grosjean est que cette courbe est sinusoïdale traduisant l’absence de progression. On voit bien que le problème semble relever du mental. Le pilote et son entourage l’ont bien compris. L’arrivée de Benoît Campargue en tant que « préparateur (réparateur ?) mental » indique que la pleine mesure du problème a été prise. Cette arrivée tardive sera-t-elle salvatrice ? Car le temps presse. Le temps, Grosjean n’en dispose plus vraiment…
Romain a débarqué en F1, soutenu par tous les fans de sport automobile français. Les médias toujours aussi prompt à s’enflammer rapidement en faisaient le nouveau héros de la F1 à la française. Quelques qualifications honnêtes, le voilà bourreau de Kimi Raikkonen. Il n’avait pas enchaîné deux résultats corrects qu’il était déjà question de victoire. Et si cet emballement médiatique, (non réfréné par la direction de Lotus), était aussi un facteur de la saison calamiteuse de Sébastien ? Ou comment griller un espoir avant que celui-ci ait mis un pied dans l’auto… Voilà un pilote re-débutant jeté dans un tourbillon médiatico-sportif qui semble l’avoir lessivé. S’il n’est pas pérennisé en F1 il faudra peut-être se pencher sur ce point…
Car au final rien ne semble justifier son maintien en F1. Beaucoup de belles promesses non tenues. Un nombre extravagant d’erreurs aux conséquences lourdes, à la fois pour son équipe et aussi (et surtout ?) pour les concurrents. Une cabale anti-Grosjean prend forme au sein des autres pilotes et écuries. Le pilote Lotus est sous le feu croisé des sociétaires des autres écuries. Face à cette pression, au manque de résultats et de progression la place de Grosjean ne semble tenir qu’à un fil, de plus en plus ténu. Boullier ne pourra pas maintenir son pilote contre vents et marées. Sa présence en F1 n’est pas non plus vitale pour la « F1 française », surtout si Bianchi bénéficie d’un jeu de chaise musicale le propulsant au volant de la Force India.
J’entends d’ici la volée de bois vert qui m’attend. C’est tout le corporatisme franchouillard qui risque de s’abattre sur moi telles les foudres de Jupiter. « On ne tire pas sur un homme à terre » ! La presse française dans son ensemble a les yeux de Chimène pour « notre Grosjean national ». Il n’empêche que Romain semble plutôt relever de la chimère. Dans son élan chauvin, dénué d’esprit critique les médias (spécialisés) hexagonaux soutiennent mordicus « leur » pilote. Il y’a là un déni de réalité teinté du désormais fameux « syndrome Jacquet ». Le « syndrome Jaquet » veut que l’on ne critique pas un sportif national sous peine de se voir ostracisé puis lynché publiquement en cas de retournement de conjoncture. Un comportement antinomique avec la fonction de journaliste, d’analyste. Voilà donc l’ensemble des médias jouer la partition du « soutien » tel un vulgaire fan club. Mais la partition finale pourrait être la « marche funèbre » des espoirs de Grosjean en F1…
Paul Huertas