Elle est partie le jour d’Odysséa, le jour où l’on célèbre les survivantes, celles qui ont gagné le combat. Elle a rendu les armes hier après 6 années de lutte acharnée.
Elle m’avait contactée en janvier 2010 pour que je rejoigne la maison du cancer, son bébé, notre maison. C’est avec une immense joie que j’ai intégrée la petite équipe à l’époque, simplement constituée de ses deux fondatrices, Claire Aubé et Anne Laurence Fitère. Anouchka, comme elle signait ses billets d’humeur, avait décidé d’aider les autres au point de s’oublier elle-même. Sa maison a rempli son contrat au delà de ce qu’elle avait imaginé.
Pour tous c’est une figure de la lutte contre le cancer qui s’en va… Pour moi c’est une amie qui m’a aidée, supportée, consolée quand le ciel obscurcissait ma vie. Non, Anne Laurence était devenue plus qu’une amie, c’était, alors qu’elle était ma cadette, la grande soeur dont j’avais toujours rêvée . Ses conseils, ses mots, ses coups de gueule aussi quand la culpabilité me submergeait, m’ont permis de traverser la tempête. Elle s’amusait de mon penchant pour internet en me surnommant souricette, et nos déjeuners, malgré les circonstances, étaient toujours de grands moments de joie partagée. Elle m’a appris beaucoup de son métier de journaliste, de l’amitié, de l’amour, de la vie en général.
Parfois, elle me disait sa peur, cette trouille qui ne la quittait jamais, sa souffrance, sa lassitude des traitements, son extrême fatigue, toujours avec une grande pudeur. Mais jamais elle n’a baissé les bras, jamais elle n’a oublié tous les habitants de la maison qui comptaient sur elle.
Aujourd’hui cette culpabilité revient me hanter. Pourquoi l’une et pas l’autre? Je suis en colère… en colère après tous ceux qui pensent que le cancer du sein est un « bon cancer », qu’il se soigne bien. Non le cancer du sein ne se guérit pas, il tue encore des femmes, des mères jeunes et belles sans distinction, sans aucun discernement … injustement. Et quand il nous épargne, il laisse des blessures indélébiles. Ces défaites de nos amies, nos soeurs laissées au bord de la route nous laissent inconsolables.
Il y a quelques semaines encore, oubliant sa douleur elle me réclamait le récit de mes vacances, elle voulait, en bonne journaliste, des « scoops » , pour s’évader, rêver un peu, pour échapper aux pinces du crabe.
Mais ces derniers temps, elle souffrait et s’était recroquevillée sur elle même rassemblant toutes ses forces pour l’ultime bataille. Près des siens, elle a tenté jusqu’au bout de faire taire le mal qui la rongeait inexorablement. Mes sms quotidiens restaient sans réponse mais je sais qu’elle les lisait. J’espère humblement lui avoir apporté un peu de réconfort dans ces derniers moments.
Afin de la faire revivre un peu, je poste ici une vidéo qu’elle avait enregistrée lors du décès de Bernard Giraudeau qui l’avait beaucoup affectée. (curseur à 12mn)
AL, tu as été certainement une de mes plus belles rencontres et, comme tu me l’as dit il y a trois jours lors de notre dernière conversation , « Nous avons vécu une belle aventure « . Pour toi, pour nous, je continuerai le chemin… J’accepte l’évidence malgré la douleur, mais je ne me résignerai pas, je te le promets ! Ciao bella !
Souricette