Voilà une des expositions majeures de la saison, à la fois très bien montée, riche, clairement et simplement expliquée, que l’on parcourt dans l’émerveillement. On a tellement vu les Impressionnistes, sur toutes leurs coutures … Mais là, l’idée de les montrer en témoins de la mode de leur temps, et de l’extraordinaire moment de croissance économique et d’expansion de la bourgeoisie triomphante, est un propos tout à fait pertinent, n’en déplaise à certaine critique récente du journal Le Monde : « L’impressionnisme, cette machine à cash-flow , article de Philippe Dagen du 1er octobre».
Une tranche de la vie mondaine vue par les peintres les plus connus : Edgar Manet, Claude Monet, Auguste Renoir, Berthe Morisot, Mary Cassat, Paul Cézanne, Frédéric Bazille, Gustave Caillebotte … Et puis aussi, le point de vue de peintres moins célèbres aujourd'hui, mais très sollicités à l’époque pour des portraits « posés » ou des scènes de genre : James Tissot (1836 – 1902), Alfred Stevens (1823 – 1929), ou encore Henri Gervex (1852 – 1929).
On reste ému devant le portrait « Dans la serre » de son épouse par Albert Bartholomé, et la robe pieusement conservée, avec ses pois et ses rayures blanches et violettes, plissées pour la jupe de sorte que l’on ne voit la partie blanche que lorsque les plis respirent, une si jolie femme, chroniqueuse de mode, décédée prématurément.
Et saisis devant cette réunion de famille (F. Bazille – 1867), où chaque membre nous regarde fixement : sur la terrasse du domaine de Méric, près de Montpellier, une famille protestante de la meilleure société … A l’inverse, le scandaleux grand format « Rolla » de Gervex (1878, 175 x 220) où l’on surprend la blancheur laiteuse d’une jeune femme dormant, son corset et son jupon mêlé au chapeau et à la canne de l’amant qui la contemple.
On admire sous verre la facture et les détails des robes de jour, d’après-midi, de soirée exposées : presque toujours la même forme : boutonnage devant, épaules tombantes, jupe très ample froncée surmontée d’une « polonaise » ou sur-jupe à plusieurs triangles. Au fil du temps, la crinoline devient de plus en plus plate sur le devant, favorisant la tournure ou « faux-cul ». Ce sont les galons, sous-taches, plissés qui font l’originalité du modèle. On explique aussi le rôle des Grands-magasins : les pièces étaient confectionnées par des ateliers extérieurs et mis à la taille des clientes.
Car nous sommes en plein cœur de la révolution industrielle, de l’expansion du textile et du travail bon marché. La seule chose que je regrette, dans cette exposition, c’est le manque d’une approche économique qui nous donnerait le prix de ces toilettes, par rapport au salaire mensuel d’une profession donnée …. Comme celle d’une institutrice par exemple.
Mais c’est un reproche mineur à côté de la profusion des œuvres : la plupart sont issues des collections des musées d’Orsay et Galliéra, certes, mais bon nombre nous sont inconnues. Portraits mondains, scènes au jardin, portraits de famille … photographies à la taille d’une carte postale, catalogues de vente par correspondance … Un univers terriblement féminin, qui fait aussi une petite place à l’élégance masculine et au dandysme … mais juste de quoi mettre en valeur la toilette des femmes.
N’en déplaise aux sarcasme d’un journal pourtant sérieux, qui méprise la mode et lui refuse la qualification d’art majeur … Moi, j’en redemande !
L'Impressionnisme et la mode, au Musée d’Orsay, jusqu’au 20 janvier (fermé le lundi).
Merci d' entrouvrir pour nous les portes de cette exposition .Votre sens de l' observation , les détails pertinents , les jolies photos ... tout est plaisant ! Le tout dans un style agréable et sans aucune faute d' orthographe ( de plus en plus rare sur les blogs ... )Merci 1000 fois pour vos posts et très en retard : Bon anniversaire .