La réception du Concile Vatican II de 1962 à nos jours (Première partie)

Publié le 08 octobre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Dossier : les cinquante ans de Vatican II 

Cinquante ans nous séparent du IIe concile oecuménique du Vatican qui a débuté le 11 octobre 1962. Les ouvrages sont légion pour nous décrire son extraordinaire impact du point de vue théologique et pastoral. Toutefois aucun, à notre connaissance, n’a abordé la question de sa réception en France de 1965 à nos jours. Voici une humble et rapide analyse historique d’un sujet sensible mais nécessaire à approfondir pour enterrer les vieux démons de l’après-concile. (Première partie) 

La situation de l’Eglise catholique depuis le Concile Vatican II est particulièrement étonnant parce qu’il avance paradoxalement à rebours de la modernité. En 1965, beaucoup proclamaient le printemps de l’Eglise, sa révolution ; aujourd’hui l’effet inverse se produit, les catholiques se concentrent de nouveaux autour de leurs principes fondamentaux.

Lorsqu’un débat s’ouvre sur le Concile entre deux générations bien distinctes, les soixantenaires et les trentenaires, les incompréhensions sont souvent multiples, quand bien même certains avis peuvent être identiques. L’ambiance est souvent… électrique.

A titre de comparaison, on retrouve les mêmes crispations lorsque l’on aborde la question du libéralisme et de ses effets néfastes : La génération du baby-boom est né juste après la Seconde Guerre mondiale et l’épreuve nazie, elle a connu le monde bipolaire, la menace soviétique et nucléaire ; elle voit les principes libéraux comme un éternel rempart contre la menace totalitaire, l’Union européenne comme une œuvre de paix. Les trentenaires sont les enfants de 1968, du libertarisme, de la généralisation du divorce : sa peur est celle d’une société relativiste, individualiste, atomisée, communautarisée, mondialisée et donc indifférenciée ; elle avait entre 20 et 30 ans lors des attentats du 11 septembre 2001 et considère l’Europe comme inefficace pour faire barrage à l’islamisme.

La lutte contre le relativisme, cheval de bataille des trentenaires catholiques

 Pour les catholiques pratiquants trentenaires, l’avenir est de prime abord sombre avec une Eglise qu’elle voit désorganisée, des fidèles de plus en plus vieux, des prêtres et religieux de moins en moins nombreux, des rôles particulièrement mal définis entre les membres du clergé et les laïcs, une liturgie incertaine sans réelle unité selon les paroisses, une transmission partielle de la foi catholique. Pour cette génération, le relativisme tel qu’évoqué par Benoit XVI leur paraît être la raison principale de cette déflagration.

C’est donc avec sévérité et un peu de malveillance que certains relativisent la portée de ce Concile qu’ils n’ont pourtant pas vécu, cherchant malhabilement à deviner dans ses Constitutions les écueils qui auraient été à l’origine de la crise de l’Eglise ces cinquante dernières années. C’est pourquoi il est important, afin de mieux comprendre la réception du Concile de 1962 à nos jours, de l’étudier non pas à partir du schéma simpliste et binaire progressistes/traditionalistes – bien que cette réalité existe –, mais plutôt en prenant compte des différentes strates générationnelles qui ont précédé et suivi le Concile, chacune ayant sa propre interprétation selon l’époque qu’elle a traversée.

Aucun travail historique sur cette question de la réception du Concile Vatican II – en France – n’a été sérieusement abordé[1]. Je me permettrais ici une vue rapide succincte d’une histoire mouvementée qui mériterait une thèse condensée d’histoire contemporaine.

Paul VI (1963-1978)

La génération catholique du baby boom s’est lancé dans la vie active et paroissiale dans les années soixante-dix, alors que s’affrontaient, d’une manière particulièrement violente – ce que la génération des trentenaires aujourd’hui sous-estime particulièrement – les pro-conciliaires et les ante-conciliaires. D’aucuns ne se souviennent des querelles de clocher au cours desquelles les paroissiens se battaient pour une affaire d’encens, pour la place des enfants de chœur ou à propos du salut du Saint-Sacrement. Pour les croyants ayant une vue très temporelle de l’Eglise – que ce soit les nostalgiques du système concordataire ou les partisans de la théologie de la libération –, ce conflit avait un sens. Mais pour les simples fidèles dont la vue de l’Eglise se limitait au clocher et aux propos du prêtre en chaire, ces querelles pouvaient paraître absurdes, tandis que d’autres considéraient certaines libertés liturgiques comme l’une des multiples réformes de l’Eglise catholique sans aller plus loin.

Dès 1969, Paul VI parla lui-même « d’autodémolition… [à laquelle] personne ne se serait attendu après le concile. On pensait à une floraison, poursuivait-il, à une expansion sereine des conceptions mûries dans les grandes assises du concile… Mais on en vient à remarquer surtout l’aspect douloureux. Comme si l’Église se frappait elle-même ». Il ajoute en 1972 : « par quelque fissure la fumée de Satan est entrée dans le peuple de Dieu » [2].

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[1]Pour l’Eglise universelle, une énorme travail a toutefois été apporté, celui du jésuite Christoph Théobald qui a publié aux éditions du Cerf en 2009 La réception du Concile Vatican II en deux tomes.

[2]Cité dans Au fil des mois, Le regard sur l’actualité d’un catholique engagé (1991-2000), Christophe Geffroy, éd. La Nef.