sombres qu’on pourrait le croire. Près d’un animal benthique sur cinq émettrait en effet de la lumière lorsqu’il est touché, ce qui est
relativement fréquent. Plus surprenant, une crevette produirait même des nuages
de lumière en vomissant littéralement des composés chimiques bioluminescents. Les abysses n’en finissent pas
de nous étonner…
La lumière disparaît rapidement en pénétrant dans les océans,
interdisant toute photosynthèse à plus de 200 m de profondeur. Au-delà,
pourtant, des photons se promènent… Près de 75 % des
organismes pélagiques peuplant cette zone aphotique pourraient en effet produire de
la lumière par bioluminescence. Elle leur servirait à rechercher un
partenaire, de la nourriture ou à augmenter leurs chances de fuite face aux
prédateurs.
Les océans sont également peuplés par des organismes
benthiques évoluant par définition à proximité ou sur le fond. Des moyens
considérables doivent être mis en œuvre pour les atteindre, les observer et les
échantillonner. Un simple filet de pêche ne suffit pas. Ils sont donc moins connus
que leurs homologues pélagiques. Ainsi, un doute plane toujours sur le nombre
d’espèces et les groupes animaux pouvant spontanément produire de la lumière.
Sönke Johnsen
de la Duke University (États-Unis) vient en partie de combler ce manque
grâce à la réalisation d’un important travail de recensement effectué dans les
eaux profondes du nord des Bahamas. Une première conclusion
s’est rapidement imposée : les espèces benthiques sont moins nombreuses à
pouvoir produire de la lumière que les pélagiques. Les fonds marins sont
pourtant plus lumineux que la pleine mer. Comment expliquer ce paradoxe ?
L’étude a été publiée dans la revue Journal
Une crevette vomissant de la lumière
Un grand nombre d’échinodermes, de coraux, de crustacés, de céphalopodes et d’annélides ont été récoltés
entre 500 m et 1.000 m de profondeur grâce au sous-marin Johnson-Sea-Link. Après avoir été aspirés puis enfermés à
l’intérieur de boîtes opaques, ces animaux ont été remontés à bord d’un navire
afin d’y subir une série de tests. Un dispositif mécanique a notamment été
utilisé pour les toucher puis un autre détectait d’éventuelles émissions lumineuses et en mesurait les longueurs d’onde.
Moins de 20 % des espèces profondes benthiques seraient bioluminescentes. Parmi
elles, 2 crustacés (Parapandalus sp. et
Heterocarpus ensifer) et 1 ophiure (Ophiochiton ternispinus)
ont produit une lumière bleue (longueur d’onde comprise entre 470 et 455 nm).
Tous les autres ont émis des signaux visuels de couleur verte, comme leurs congénères pélagiques. Plus
étonnant, la crevette Parapandalus sp. peut littéralement vomir des
composés chimiques lumineux !
Comment expliquer la « pluie brillante » observée par
les scientifiques sur les fonds marins malgré le faible nombre d’organismes luminescents ? La réponse est simple, ces animaux
ont plus de chance d’être touchés et donc de produire de la lumière que les
organismes vivant en pleine eau.
La sensibilité à la lumière de toutes les espèces récoltées a
également été testée. Pour ce faire, des électrodes ont été posées sur les
cornées ou sur les organes photosensibles des individus étudiés. La majorité
d’entre eux perçoit la lumière bleue-verte (longueurs d’onde de 470 à 497 nm),
mais il y a eu quelques surprises. Deux crabes, Eumunida picta et Gastroptychus
spinifer, percevraient également les UV, chose surprenante puisqu’ils sont
absents au sein des océans. Ce résultat a également été présenté dans la revue
Journal of Experimental Biology (JEB),
mais par Tamara Frank de la Nova Southeastern University (États-Unis).
De prochaines études vont essayer de comprendre à quoi leur sert cette capacité.
Une hypothèse a néanmoins été avancée : elle leur permettrait de discriminer les
coraux toxiques sur lesquelles ils peuvent vivre (ils brillent en vert) du plancton (émet une lumière bleue), l’objectif
étant d’éviter de manger des aliments empoisonnés.