Alors que nous cheminions joyeusement en direction de la biennale d’art de São Paulo, un épisode dramatiquement racinien a calmé les ardeurs de notre petite troupe.
Un dimanche, sur un des plus grands axes de la ville, un SDF — comme il y en a tant ici — fait les poubelles à la main, plié en deux.
Son pantalon, trop grand pour son corps décharné, retombe bien en dessous des fesses.
Déchéance humaine. Le mot dignité se trouvait ici complètement vidé de son sens. Pour atteindre ce niveau de décadence, je ne peux imaginer ce que cet homme a dû endurer.
Face à un épisode si pathétique, un souffle glacial m’a emplie de haut en bas. Le feu rouge nous a stoppés à moins de deux mètres de lui. Mon cerveau horrifié ne pouvait trouver de solution à cette situation, le froid intérieur l’avait ralenti. Auto-défense.
Il s’est écoulé moins d’une minute (pourtant très longue) avant qu’une passante, venant d’une rue adjacente, s’approche de l’homme et l’aide à se relever.
Quelques secondes magiques, plongées dans les vapeurs soufreuses de l’alcool. Un « vamos » prononcé de la part de la femme reflété par quelques grognements et titubements masculins.
Puis elle a continué son chemin, silhouette anonyme parcourant la plus grande ville d’Amérique latine.
Cette femme qui — sans ciller — a réagi mérite ce soir toute mon admiration.
Ces instants cruels ne manquent pas à São Paulo. Il y a moins d’une semaine alors que je sortais de la bouche de métro, un pack de bière à la main, un SDF torse nu a couru droit sur moi, en hurlant comme un enragé. Il a fini sa course agenouillé à côté de moi les bras grands ouverts, psalmodiant une phrase que je n’ai pas comprise.
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