Ancien fondateur et guitariste du fameux groupe néo-zélandais Fur Patrol, Steve Wells a refait sa vie à Paris à partir de 2007. L'artiste revient pour Canal Kiwi sur les grandes étapes de son parcours, sa décision de quitter le groupe en 2004 pour s'adonner à la photo, autre grande passion de sa vie, héritée de son grand-père anglais. Photographe de mode, il voit aussi défiler devant ses objectifs de nombreuses stars du showbiz, à l'instar de Pete Doherty, Flip Grater ou, plus récemment, Kristin Scott Thomas.
Canal Kiwi - J'ai lu que vous étiez né né en Zambie. Comment êtes-vous arrivé là-bas ?
Steve Wells - Mes parents étaient missionnaires. Mon père, d'origine anglaise, était prof d'anglais…
Avez-vous quelques souvenirs de cette époque ?
Beaucoup, en fait. J'ai vécu une enfance vraiment incroyable. Je me rappelle de manger des souris et de courir dans la brousse. Je me souviens aussi de ces pluies abondantes qui se déversaient de façon soudaine après six mois de sécheresse.
Quel âge aviez-vous lorsque vos parents se sont établis en Nouvelle-Zélande ?
Je devais avoir alors une dizaine d'années. Ma mère en était originaire et, après les seize années qu'ils venaient de vivre en Zambie, La Nouvelle-Zélande leur apparaissait comme une destination idéale.
Oui, sans aucun doute. L'histoire de ma famille a souvent été portée vers les arts. Mes deux grands-pères étaient musiciens, et l'un d'eux était même photographe à Londres. Il faut donc croire que j'ai un peu hérité de ce gène créatif… Et puis, la musique a toujours été omniprésente à la maison. Je me souviens aussi, encore très jeune, d'avoir été profondément marqué par les images de certains magazines, tel le National Geographic, que mes parents parvenaient, tant bien que mal, à se faire expédier jusqu'au fin fond de l'Afrique.
Quelles images de la Nouvelle-Zélande vous reviennent en tête lorsque vous songez à ces premières années vécues là-bas ?
J'ai eu un peu de mal à m'habituer à la Nouvelle-Zélande, en fait. Le fait d'avoir vécu les dix premières années de ma vie en Afrique n'y étaient pas pour rien. Il a fallu que je me fasse à un environnement complètement différent !
Dans quelle région de Nouvelle-Zélande viviez-vous ?
Nous nous étions installés à Wellington, où j'ai complété mes études. J'y ai obtenu mon diplôme en ingénierie électrique. Peu à peu, je suis tombé vraiment amoureux de la Nouvelle-Zélande, qui est un pays vraiment incroyable : les gens, les paysages, la créativité... Les Néo-Zélandais ont toujours été de fervents partisans du "faites-le vous-même".
J'ai suivi des cours de guitare classique dès l'âge de 12 ans. Par la suite, j'ai étudié la musique durant mes études secondaires. A l'école, j'ai pu toucher à plusieurs instruments, comme le piano, mais j'ai toujours eu un faible pour la guitare. En réalité, je suis partiellement autodidacte. La théorie m'a peut-être été inculquée à l'école, mais je suis convaincu que j'avais l'oreille musicale, et ça c'est inné.
Avant de devenir l'un des fondateurs de la célèbre formation Fur Patrol, aviez-vous été impliqué dans d'autres projets musicaux ?
Tout à fait ! Lorsque j'étais aux études, j'ai fait partie de formations diverses, allant du jazz au rock. Ces groupes étaient invariablement composés de copains d'école. Certaines de ces aventures se sont même poursuivies après les études. Lorsque j'ai rencontré Julia Deans, je jouais à Wellington au sein d'un groupe qui faisait des reprises de morceaux irlandais. A l'époque, elle avait déjà quelques compos qu'elle souhaitait enregistrer. J'ai donc demandé au bassiste Andrew Bain − avec qui j'avais joué dans plusieurs groupes, notamment Svelte, depuis le lycée − de se joindre à nous. De son côté, Julia est allée chercher le batteur Simon Braxton, également de Wellington. Nous avons voulu donner un concert avant de réaliser l'enregistrement; je m'en souviens bien, c'était au bar Bodega à Wellington, et ce concert fut le premier d'une longue série. Les choses se sont rapidement enchaînées à partir de ce soir-là. La formation du groupe est restée la même pendant neuf ans, jusqu'à mon départ en 2004...
Notre premier EP, "Star lifter", est sorti en 1998, c'est à dire moins de deux ans après la formation du groupe. Il s'est hissé jusqu'à la 17ème place des hit-parades néo-zélandais. Manifestement, le public aimait ce que l'on faisait au moins autant que nous. Cela nous a encouragé à poursuivre.
En 2000, votre tube "Lydia" a connu un succès phénoménal en Nouvelle-Zélande…
Cette chanson figurait sur notre album "Pet", qui a été réalisé par l'ancien guitariste des Mutton Birds, David Long. L'album est sorti sur l'étiquette Wishbone et a été distribué par Warner Music. Le single "Lydia" a vraiment bien marché : il a été numéro un au moment des fêtes de Noël de l'année 2000. Cet album nous a aussi permis de recevoir quatre Tuis (l'équivalent des Victoires en France, ndt) aux New Zealand Music Awards. C'était une époque très enthousiasmante.
Steve Wells et Julia Deans de Fur Patrol, en live acoustique à la télévision néo-zélandaise en décembre 2000 :
Comment viviez-vous cet énorme succès ?
Ce qu'il y a d'ironique, dans l'histoire, c'est que ces récompenses n'auront eu qu'un impact somme toute assez limité sur nos vies. En dehors du fait qu'on nous proposait, dès lors, des concerts plus importants et qu'on nous réclamait des autographes. Mais pour le reste, nous n'arrivions toujours pas à payer notre loyer. Fort heureusement, des amis nous prêtaient parfois leur divan.
C'est alors que vous avez décidé d'aller vous installer en Australie...
Oui, nous avions le sentiment d'être allés aussi loin que nous le pouvions en Nouvelle-Zélande. Si nous voulions continuer à grandir, il nous semblait important de nous installer à Melbourne. Je me rappelle que nous avons donné quelque chose comme 300 concerts lors de notre première année en Australie.
Le groupe est devenu si populaire que vous avez été approché par une major, en l'occurrence Universal…
Nous avons signé chez Universal environ un an après nous être installés à Melbourne. C'est alors que nous avons réalisé notre album "Collider", qui à mon avis est le meilleur que nous ayons fait. Hélas, le succès ne fut pas vraiment au rendez-vous.
Vous avez décidé de quitter Fur Patrol en 2004. Pour quelle raison ?
Ça faisait quand même un bout de temps qu'on travaillait dur, et on n'arrivait toujours pas à joindre les deux bouts. Et ce malgré le succès relatif du groupe. J'ai jugé qu'il était temps de passer à autre chose et j'ai décidé de déménager à Sydney et de me consacrer à mon autre passion dans la vie, la photographie. J'ai voulu voir s'il était possible de faire carrière dans cet autre domaine. J'ai été l'assistant d'un photographe pendant deux ans.
Le groupe n'a pas continué très longtemps après votre départ. Pourquoi, selon vous ?
Fur Patrol a toujours été un quatuor. Nous avions tous un rôle bien précis dans le groupe, à la fois dans l'écriture ou dans la définition de notre son. Privée d'un des membres, la formation a sans doute un peu perdu de son essence, de son identité.
Le single "Get along", sorti en 2004
Je suis super heureux qu'elle ait continué. C'est une artiste vraiment incroyable et je suis vraiment fier d'avoir pu travailler à ses côtés pendant toutes les années qu'a duré l'aventure de Fur Patrol.
Vous intéressez-vous toujours à l'actualité de la scène musicale néo-zélandaise ?
A vrai dire, le fait de vivre à Paris m'a un peu coupé de ce qui se passe là-bas sur le plan musical. Mais ça m'arrive quand même, de temps à autre, d'entendre parler de certains nouveaux groupes...
D'où vient, selon vous, votre passion pour la photographie ?
Je n'en suis pas vraiment sûr, en fait. J'en plaisante parfois en disant que je n'ai jamais été foutu de dessiner et que donc, il a fallu que je me mette à la photo… Mais le fait que mon grand-père était lui-même photographe y a certainement contribué. J'ai en effet hérité de son appareil argentique. J'ai sans doute un peu gâché ma toute première pellicule, mais j'ai réalisé à ce moment-là que c'était sans doute la chose qui me tenait le plus à cœur dans la vie.
Autoportrait de Steve Wells :
Comment avez-vous appris ?
J'ai beaucoup progressé en observant. Grâce à Internet, il est aujourd'hui possible d'apprendre énormément de choses lorsqu'on est motivé ! Et puis on apprend aussi au contact d'autres photographes; lorsque j'étais assistant à Sydney, notamment, ou auprès d'amis. J'ai commencé à me prendre au jeu à partir de 2001; c'est à cette époque que j'ai reçu l'appareil de mon grand-père. Dans les premiers temps, je photographiais vraiment tout ce que je pouvais. Comme je faisais toujours partie du groupe, nous étions souvent en tournée, et j'ai donc accumulé beaucoup de photos de musiciens. Je n'irais pas dire que ce que je faisais à l'époque était vraiment intéressant, mais j'ai beaucoup appris de cette manière.
En Australie, photo de Melbourne prise par Steve Wells :
Pourquoi avez-vous choisi de vous installer à Paris ?
L'idée de m'installer en France me trottait dans la tête depuis plusieurs années. Une opportunité s'est présentée en 2007, alors je l'ai saisie. J'y suis resté tout depuis. Ma relation avec Paris n'a jamais été un long fleuve tranquille. Un jour je l'adore, le lendemain, je la déteste… Mais je m'y sens de plus en plus chez moi. Il m'a fallu apprendre à maîtriser la langue, me familiariser avec la culture… Ça m'a pris un bout de temps avant de me faire un réseau et de me faire un nom. Mais j'ai beaucoup bossé, et peu à peu, les choses se sont mises en place.
Pete Doherty, puis Sandrine Cheyrou, photographiés par Steve Wells dans sa série humoristique "A Table" :
Quels furent vos premiers travaux lorsque vous avez commencé à travailler en France ?
Quand je suis arrivé à Paris, j'ai eu la chance de rencontrer des gens de MTV et de Vice Magazine, qui m'ont proposé de faire des reportages sur les soirées qu'ils organisaient. C'était une opportunité en or pour faire toutes sortes de rencontres, et distribuer des cartes de visite. C'est ainsi que mon réseau s'est peu à peu constitué. Ça m'a pris environ cinq ans pour atteindre la stabilité. À présent, les affaires marchent plutôt bien. Je travaille notamment pour les marques Sephora et Dior. Mon carnet d'adresses dans le milieu de la mode ne cesse de s'étoffer. Je réalise beaucoup de portraits, récemment j'ai fait par exemple une série de clichés de Kristin Scott Thomas. Quand je ne suis pas en service commandé, j'en profite pour m'adonner à la photo d'art. Je travaille sur des thématiques diverses, comme la série "À table", qui met en scène le chanteur Pete Doherty, la série coquine "Dans le noir", ou encore une autre, "Sun seekers", sur des adorateurs du soleil, etc.
Ce livre accompagnait une expo photo que je présentais en décembre 2011 à Auckland. Il s'agissait essentiellement des photos de six séries de photos d'art, notamment la série "À Table". L'idée était de présenter un petit échantillon de ce que j'avais réalisé depuis que j'avais quitté Fur Patrol.
Ce livre d'art donne une bonne idée, il est vrai, de la diversité de votre travail. L'humour est notamment très présent dans votre série "À Table", où l'on découvre plusieurs personnalités dévorant les objets les plus improbables… Peut-on parler d'une touche, d'un style Steve Wells ?
Je crois honnêtement que mon style se cherche toujours un peu, mais c'est vrai qu'il y a une constante dans mon travail : un élément humoristique ou coquin. J'aime amener mes sujets à faire, devant l'objectif, des choses qu'ils ne feraient sans doute jamais dans la vie. Les emmener dans des directions qu'ils n'auraient pas imaginées de prime abord. J'aime m'amuser avec les gens que je photographie, mais jamais rien de bien méchant.
Quelques photos de Steve Wells, photographe de mode, entre autres pour Sephora ou Dior :
Récemment, vous avez fait la connaissance d'une autre kiwi exilée à Paris, la chanteuse folk Flip Grater...
Oui, il y avait un défilé de mode à l'ambassade néo-zélandaise à Paris, où j'ai rencontré son manager. C'est elle qui m'a invité à assister au tournage du nouveau clip de Flip. Nous avons bien accroché, et sommes devenus amis...
Vous avez même pu faire des photos de la récente session d'enregistrement de son quatrième album, au studio Pigalle à Paris…
C'était génial de pouvoir remettre les pieds dans un studio. Cette ambiance tamisée, les odeurs, le processus de création. J'ai adoré l'expérience. Je ne vais pas vous cacher que j'avais parfois très envie de donner mon avis, mais j'ai su me retenir. J'étais là pour observer et faire des photos...
Flip Grater devant l'objectif de Steve Wells, en août 2012, lors de la session d'enregistrement de son quatrième album au studio Pigalle à Paris :
Vous arrive-t-il encore de jouer de la musique de temps à autre ?
Je n'ai pas vraiment joué sérieusement depuis 2004. Enfin, quand je tombe sur une guitare, je ne peux pas m'empêcher de l'essayer, juste pour me prouver que j'en suis encore capable.
Vous avez quand même participé, tout récemment, l'enregistrement du nouvel album de votre ami anglais Richard Walters…
C'est vrai. Il se trouve que j'étais avec lui à Oxford durant les sessions. J'y ai donc joué un peu de guitare. Richard est un excellent chanteur et auteur-compositeur. Je l'avais rencontré à Paris où il était venu pour se faire tirer le portrait.
L'exposition de Steve Wells à Auckland en décembre 2011 :
Vous arrive-t-il de retourner en Nouvelle-Zélande ? Votre pays vous manque-t-il ?
Je n'y suis retourné qu'une seule fois en six ans. J'y suis allé l'an dernier avec ma petite amie française. Pendant deux mois et demi, nous avons visité à la fois la Nouvelle-Zélande et l'Australie. C'était génial. Mais en réalité, non, la Nouvelle-Zélande ne me manque pas tant que ça. J'ai choisi de vivre ici, et c'est ici que je vis ma vie à présent.
Vous pourriez donc vous établir définitivement à Paris ?
En tout cas encore quelque temps ! Il me faut persévérer dans l'effort pour développer à la fois mon art et ma petite affaire. Lorsque je serai parvenu au point où le lieu de mon installation sera secondaire, alors peut-être envisagerai-je de bouger à nouveau…
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LA DISCOGRAPHIE DE FUR PATROL
1998 - Starlifter (EP) Wishbone Music
2004 - Collider (album) Universal Music Australia
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