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Ironie du sort, il aura fallu attendre que je quitte l'Aquitaine pour rencontrer les Strange Hands. Un super groupe de garage psyché bordelais dont on avait déjà dit énormément de bien, parce qu'on a tendance à penser qu'ils sont au-dessus du lot. Ils ont joué deux soirs à Bruxelles la semaine dernière (un raté et un bien chouette) et en ont profité pour boire des bières chez moi.
INTERVIEW : STRANGE HANDS
TEA : C'est pas un peu trop facile de faire du garage quand on est un groupe bordelais ? Lucas (guitare, chant) : Aha, c'est pas facile c'est juste évident quoi. Melvyn (claviers, basse) : Ça dépend parce que y a un tas de groupes de merde à Bordeaux qui font pas du garage. Je dis pas que y a que le garage qui est bien. Y a aussi plein d'autres musiques qui sont bien, mais les gens font de la merde. On entend juste plus parler du garage, c'est tout. Ou alors on est plus dedans, simplement. Victor (batterie) : Y a aussi des groupes de pop horrible. Ou même du funk, je sais pas. J'ai un pote qui joue dans un truc comme ça, c'est affreux. Melvyn : C'est pas si évident. Lucas : Oui justement, tu dois te différencier vu que y a pas mal de groupes de garage. Melvyn : Je sais pas si on fait un truc si différent. Lucas : Bah quand tu vois genre les Magnetix, on fait pas comme eux. Vous devez forcément avoir l'impression de faire quelque chose de différent... Melvyn : Oui sinon on continuerait pas. Au début on faisait vachement de sixties, et on essaie d'être de moins en moins comme ça. Ne serait-ce qu'au niveau sonore, on essaie d'avoir plus de grain et de jouer plus fort. Ouais, vous avez changé. Sur votre album [Dead Flowers, sorti au printemps], vous faites moins sales gosses qu'avant. Victor : Ah bon ? Lucas : C'est vrai que le 45 il est un peu bâtard quand même hein. Les chansons sont bien genre "Eh, on t'emmerde, connard !". (rires) Melvyn : Mais sinon c'est pas évident parce qu'en ce moment à Bordeaux on sait pas où répéter. Faut payer vachement. Victor : Avant on avait le Boogaloo, ça fait un moment que ça a fermé maintenant. Mais y a pas tant d'endroits, de caves où tu peux répéter. Melvyn : L'année dernière on avait chopé une cave sauf qu'on l'a rendue parce qu'elle était trop humide. Du coup c'est un peu la galère pour tous les groupes de Bordeaux. Lucas : Le Boogaloo c'était une super salle vers Victoire. Y avait les Magnetix qui répétaient là-bas, Meatards, nous, les Weakends, tous les groupes de garage pour le coup étaient là-bas.
Ca n'a pas non plus l'air d'être horriblement chaud de faire de la musique non plus, vu le nombre de groupes qu'il y a à Bordeaux... Melvyn : Ils continuent quoi. Mais en fait c'est chaud de te dire "Ah je vais faire un groupe !". Par exemple moi je veux bien faire un groupe, je suis chaud pour en faire plein, sauf que tant que t'as pas d'endroit pour jouer, ben, tu fais pas de groupe. Les groupes qui se sont formés avant savent encore où répéter, ou alors ils ne savent plus où le faire mais ils vont pas arrêter maintenant. Donc les groupes existent encore, c'est pour ça qu'on peut penser que c'est facile. Mais non. Lucas : Et puis même pour les concerts, c'est toujours les mêmes salles. Genre le Saint-Ex on y a peut être joué dix fois. C'est un endroit qu'on aime mais bon. Victor : Après ça va, on n'a pas fait trop de concerts à Bordeaux sur une même période. On n'était pas trop soulants. Melvyn : Ça fait deux ans que Lucas est à Londres, donc on joue moins à Bordeaux.
C'est pas galère ça d'ailleurs ? Lucas : Non. Melvyn : Si quand même hein. Lucas : Bah ça va ! Victor : On peut pas faire de musique. Lucas : Ouais, c'est chiant pour les compos quoi. Melvyn : Bah oui, tant qu'on répète pas, on peut pas faire les nouvelles compos ensemble. Et ça, je trouve que ça manque et ça ralentit l'ensemble de la production. Lucas : C'est vrai qu'avant avec Melvyn on faisait quasiment tout ensemble. Et maintenant il enregistre ses trucs, me les envoie, et pareil pour moi. Melvyn : Bon, on y arrive hein.
Et puis vous avez d'autres groupes aussi. D'ailleurs Melvyn, ça existe plus Hoodlum ? Melvyn : Non. Le batteur a voulu arrêter. Ça a splitté. Pour pas grand chose, mais c'était juste soulant. On n'arrivait jamais à se capter pour répéter à un moment ou pour faire un concert. Y avait pas trop de temps aussi, avec moi et mes études (il fait un master de génie civil), Arthur qui est dans JC Satan et les Crâne Angels, plus Thibaut qui bosse par intermittence et Thomas qui fait je ne sais quoi, on n'arrivait jamais à trouver des périodes régulières où répéter... Lucas : Sinon y a une meuf à poil là en face. C'est très bizarre. Victor : Quel étage ? Melvyn : Moi je vois rien. (S'ensuit une interruption de trois bonnes minutes à la recherche de la femme mystérieuse qui serait dans l'immeuble d'en face, en vain)
Melvyn : Mais voilà, Hoodlum. J'étais dans les Meatards aussi, un groupe de garage punk. Ça a arrêté aussi parce qu'à un moment on n'a plus vu le mec qui faisait les chansons. Il a disparu un peu. Maintenant il réapparaît, c'est cool. On n'a jamais dit que c'était fini, mais bon, comme on ne joue plus depuis deux ans, peut être que si en fait. Mais quand je revois David, le mec qui faisait de la guitare et les chansons, il me dit que c'est en stand-by, que ça peut reprendre. Moi j'attends que ça hein. Mais je vais peut être faire un nouveau groupe avec David et Thibaut de Hoodlum.
Et toi Victor t'as France Frites... Victor : Ouais mais justement, le mec vient s'installer à Bruxelles. Du coup on va mettre une pause à ça. Je ferai des choses avec l'autre mec de France Frites. Sinon y a Black Bug aussi, qu'on a commencé début août. On a repris les morceaux de Johan qui faisait déjà ce groupe en Suède et qui a déménagé à Bordeaux. Et je commence un truc bizarre de noise, avec un pote des Beaux-Arts.
Lucas : Et moi j'ai Le Pécheur... A la base ils viennent de Lyon, et ils ont déménagé à Londres. Mais sur les quatre qui jouent dans Le Pécheur, y en a deux qui se sont barrés à Tournai, à une heure de Bruxelles. Et c'est les deux mecs qui font Régal aussi.
Wow, c'est super consanguin quand même. Melvyn : Ah oui si, j'ai un autre groupe maintenant ! Enfin tout seul. J'ai Ray Moulade. C'est complètement con. C'est juste des chansons à la Reatards, c'est du garage punk mais raccourci au maximum, y a un couplet un refrain, ça dure entre quinze et trente secondes. J'ai envie de faire ça parce que c'est un exutoire un peu. J'ai aussi envie de faire un truc de space rock, j'ai envie de faire plein de choses. C'est pour ça, ça suffit pas un seul groupe. Même si c'est déjà bien d'en avoir un. Ali I miss your burgers by Ray Moulade
Bon, du coup vous êtes d'accord pour dire que Bordeaux a forcément influencé votre musique ? Victor : Absolument, complètement. Lucas : Ah oui oui. Melvyn : On a été influencés par le garage de Bordeaux puisqu'on répétait dans le même local. On les côtoie tout le temps, c'est normal.
Quels sont les groupes les plus cool qui soient selon vous ? Victor : Neu !, mais bon c'est vieux. Lucas : C'est pas un des mecs qui m'a le plus influencé parce qu'au final c'est pas du tout pareil, mais je le trouve vraiment hyper fort, c'est Kim Fowley. Il a fait tellement de trucs différents ce mec. T'as une espèce de compile qui est sortie y a pas longtemps je crois qui rassemble toutes les chansons qu'il a écrites ou produites, et ça défonce quoi. Par contre il fait encore des trucs là, il paraît que c'est de la merde. Victor : Il est sénile. Lucas : Il est avec une meuf trop bizarre aussi, genre une actrice porno.
Depuis que vous avez sorti votre album, vous avez l'impression que les choses s'accélèrent ? Victor : Un peu ouais. Melvyn : Ouais c'est la folie, on gagne trois mille balles par mois grâce à ça. (rires) Lucas : On s'est acheté des baraques et tout. Non mais ouais, ça a un peu pris, j'ai l'impression. C'est cool d'avoir un peu de presse.
En même temps, chez Shit Music For Shit People, votre label, ils bombardent de mails quoi. Lucas : Ouais, mais il a mis genre un an à sortir, l'album. Victor : Ils en ont vachement chié. Lucas : On aurait dû le sortir en novembre 2011. Melvyn : Ce qui est chiant c'est qu'ils nous ont dit « Ah ouais, on vous sort maintenant », et puis en fait non. C'est eux qui ont proposé directement de sortir un LP ? Vous n'y pensiez pas ? Lucas : Non pas du tout. Ça m'a trop surpris, genre "Putain ok, un album direct". Et puis les autres étaient chauds. On a enregistré avec Arthur de JC Satan, chez ses parents. Et c'est Seb Normal de Feeling Of Love qui nous a masterisés.
Du coup, les morceaux de l'album sont déjà vieux ? Melvyn : Ah ben ouais carrément. Y a une chanson sur l'album qui est notre toute première chanson. Lucas : "She's Mine" ouais, je sais même pas si à l'époque Victor était déjà dans le groupe. D'ailleurs on la joue pas quoi. C'est comme "Living Dead", on en a ras le cul. D'ailleurs faudrait qu'on fasse la setlist pour ce soir... En tout cas, le prochain truc qu'on sortira, je pense pas que ce sera un album. Melvyn : On avait pensé faire un 45 tours carré. Victor : Enfin, voir si c'est possible déjà. Melvyn : Je trouve ça cool. Tu le sors et c'est déjà le format de ta pochette. Lucas : On va réenregistrer en décembre avec Arthur.
Vous pensez rester sur Shit Music for Shit People ? Lucas : C'est bien de changer un peu aussi. Ce serait cool d'être sur un label un peu gros. Melvyn : Pas forcément très gros, mais d'ailleurs. Y a plein de labels américains qui diffusent pas mal. Ce serait bien d'être reconnus là-bas. Parce que pour le moment, tourner aux Etats-Unis, c'est un peu difficile. Donc si le 45 sortait sur un label américain, ce serait vachement une aide. Victor : Parce que faire une tournée aux States, on attend que ça. Lucas : On nous avait proposé de jouer à SXSW, mais tu dois te démerder à payer tes billets d'avion quoi. Si t'es pas un gros truc officiel, t'as rien de défrayé.
Dans vos rêves les plus fous, sur quel label seriez-vous signés ? Melvyn : On n'a pas vraiment de rêve de label. Si, Goner, Goner c'est cool.
On voit pas, c'est nul, mais Lucas avait une putain de manucure.
Quel est le pire concert que vous ayez fait ? Lucas : A Groningen. Melvyn était complètement bourré. Le mec a mis une heure à s'installer. Melvyn : Je comprenais rien. Mon ampli je le trouvais trop loin, je me disais "Merde, mes câbles sont trop courts, comment je vais faire ?". Lucas : On a fait un concert de merde et à la fin il a limite balancé son orgue par terre. Melvyn : Ah oui à la Méca aussi la dernière fois, on a joué "Living Dead", et en fait la scène elle est en bois, et elle est entrée limite en fréquence de résonance. Et j'avais laissé ma pinte sur mon clavier et elle a commencé à bouger et la bière a fait pareil, la moitié s'est vidée dans mon orgue. Et ça marchait plus. Sinon à Montpellier on a joué devant trois personnes. Et à Monte Carlo devant quatre. Mais c'était hyper fun.
Vous avez des fans hardcore ? Melvyn : Ouais, on a Jean de Barquin, qui sera là ce soir. Victor : Un Belge qui vient tout le temps nous voir en concert. Il est assez génial. Lucas : Non on n'a pas de fan hardcore. Mais c'est marrant parce qu'on a joué deux fois à Budapest, et tu reconnais les gens. Qui sont complètement fous.
Au final, vous avez pas mal bougé. Lucas : Ben ouais, on a fait (il compte sur ses doigts) Angleterre, France, Italie, Suisse, Allemagne, Belgique, Pologne, Pays-Bas, Hongrie... Melvyn : On a failli faire la Croatie mais on n'a pas pu parce que je me suis fait piquer ma carte d'identité à Budapest. Enfin, pas que ma carte d'identité, je me suis tout fait piquer. Lucas : Je sais pas si t'as vu mais y a des vidéos qui sont sorties sur la tournée de l'année denrière, Strange Hands / Regal. C'est assez marrant.
A force de voir autant d'endroits, vous commencez pas à vous lasser de Bordeaux ? Melvyn : Non moi ça va. Dès que ça me fait chier, on se casse en tournée alors. Lucas : Moi ça fait deux ans que j'me suis cassé donc je vais pas répondre à cette question. Mais pour le coup j'en avais un peu marre de Bordeaux ouais.
Si vous étiez une femme célèbre ? Lucas : Ah putain ! Victor : Ta collègue nous avait déjà posé cette question, et on avait dit un arbre ou une connerie comme ça. Lucas : Ah ouais, un saule pleureur. Donc vous ne voulez pas être une femme célèbre ? Lucas : Ouais, on préfère être une plante. Melvyn : Nous sommes tous des petites fleurs. Victor : Pas Lana Del Rey. Lucas : Pas Angelina Jolie. Victor : Pas Lady Gaga. Lucas : Pas Madonna. Je préférerais être M.I.A... Non mais j'aimerais pas être elle non plus. Melvyn : Est ce que Anneliese Michel c'esy une femme célèbre ? Parce que je voudrais être elle. Mourir possédée.
Une blague, pour finir ? Victor : C'est Toto qui va à un défilé de mode, et il se déguise en vomi. C'est la blague des Onze Commandements. Sinon c'est Toto qui va dans l'espace, et il pète dans sa combinaison, alors il explose... Melvyn : Qu'est ce qui court et qui se jette ? Une courgette... Ah j'en ai une marrante aussi : Pourquoi les poules traversent la route ? Parce qu'elles ont le sida. (S'ensuivent une dizaine de blagues du genre) Lucas : Voilà, on a des bonnes blagues à Bordeaux. Melvyn : Ah, à Bordeaux on sait faire la fête.