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« MAINSTREAM : adj. – Mot d’origine américaine : grand public, dominant, populaire. Un film mainstream : qui vise un large public » (in Mainstream : enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Frédéric Martel, 2010, Flammarion ; un ouvrage passionnant et remarquablement documenté sur les industries culturelles dans le monde)
Le cinéma mainstream, celui des multiplexes, du pop corn et des produits dérivés, peut parfois réserver de bonnes surprises. Comme le chercheur d’or peut, à force de patience, trouver une pépite dans le lit de la rivière, le cinéphile peut trouver matière à émotion, à réflexion ou à distraction dans un blockbuster.
C’est très exactement ce qui m’est arrivé ces derniers jours en visionnant les deux Batman de Tim Burton et les deux OSS 117 de Hazanavicius.
Relativement déçu cet été par The Dark Knight Rises de Christopher Nolan, le dernier opus de Batman pourtant précédé d’une publicité tapageuse, j’avais profité d’une visite à la cinémathèque de Paris pour assister à l’exposition Tim Burton et faire l’acquisition de l’intégrale de son œuvre, dont les deux Batman (Batman et Batman, le défi). J’avoue avoir été impressionné par l’esthétique et l’atmosphère des deux films. Mais c’est surtout l’interprétation hallucinée des deux méchants par Jack Nicholson et Danny DeVito qui restera pour moi inoubliable. Ces acteurs, jouant les rôles du terrible et ricanant Joker et celui du gluant et cruel Pingouin, font la démonstration qu’un grand acteur peut donner vie à n’importe quelle création de fiction, fut-elle une silhouette de Comics. Il y a, en effet, derrière les masques grimaçants du Joker et du Pingouin, ce rien d’humanité qui dérange et qui rassure tout à la fois.
Autre pépite : les deux OSS 117 du réalisateur de The Artist. Rio ne répond plus et Le Caire, nid d’espions sont deux parodies réussies des films d’espionnage des années 50 : cinémascope, exotisme de pacotille, jolies filles et un James Bond version Super Dupont, joué par l’inénarrable Jean Dujardin. Cet admirateur inconditionnel du Président Coty, « Un homme qui marquera l’Histoire » (OSS 117 dixit), amateur de jeux de mots pourris à faire pâlir de jalousie notre Bernard (« On peut dire que le soviet éponge ») est non seulement drôle et décalé mais aussi, par son arrogance involontaire, sa prétention inconsciente et son absence totale de curiosité pour l’autre, une assez crédible caricature du Français (de certains Français) à l’étranger. Ne dit-il pas aux agents du Mossad : « Rechercher un nazi avec des Juifs ? Quelle drôle d’idée ! Il va les reconnaître… » et à une représentante du gouvernement égyptien : « L’Islam est une drôle de religion, vous allez vite vous lasser, ça n’a aucun avenir » ou encore « Le problème de l’arabe (la langue), c’est qu’il n’est pas très visible, même au niveau du son ». Pourtant, il n’est ni raciste, ni xénophobe. Il est engoncé dans une posture qui le conduit à penser que le monde a besoin de la France, de sa grandeur et de ses lumières et que tous les autres peuples sont arriérés ou immatures.
Du coup, à travers le personnage de Dujardin, j’ai eu l’impression de retrouver ces voyageurs français croisés un peu partout depuis des décennies. Par exemple, celui rencontré à l’entrée d’Athènes et qui avait eu la bonté de nous mettre en garde : « On fait grand cas d’Athènes mais, franchement, à part les ruines, il n’y a rien à voir »…