L’idée fait son chemin dans la zone euro: l’Espagne pourrait se passer d’un plan de sauvetage grâce à l’accalmie dont elle bénéficie sur les marchés, même si les analystes ne croient guère à ce scénario.
« Il ne me semble pas que l’Espagne ait besoin de demander un programme (d’aide) quel qu’il soit », a estimé vendredi à Bruxelles un haut responsable européen, jugeant que « la situation des marchés est très loin d’imposer la nécessité d’un programme d’ajustement ».
Après avoir vu ses taux d’emprunt flamber autour de 7% –un niveau insoutenable dans la durée– l’Espagne a vu ses taux de détendre grâce aux mesures anti-crise annoncées par la Banque centrale européenne début septembre. Le pays a ainsi réussi à emprunter à des taux en forte baisse jeudi.
« La situation des marchés est très différente de celle qui nous inquiétait il y a un an », et une éventuelle demande de l’Espagne, « si elle a lieu, n’est pas imminente », a poursuivi ce responsable, s’exprimant sous couvert d’anonymat.
De son côté, un diplomate européen a rappelé que c’était à l’Espagne de décider d’une éventuelle demande d’aide, tout en usant du même argumentaire.
Madrid « emprunte à des taux de plus en plus bas, la situation ne paraît pas désespérée, il n’y a pas de stress particulier », a-t-il souligné.
Jusqu’ici, Madrid était sous forte pression des marchés et de la plupart de ses partenaires de la zone euro pour demander un sauvetage de son économie, en plus de l’aide qu’elle s’est vue accorder pour ses banques, en juin dernier.
Seule l’Allemagne, par la voix de son ministre des Finances Wolfgang Schäuble, avait fait entendre publiquement un son de cloche différent.
« Je suis de l’avis que l’Espagne est déjà sur la bonne voie et n’a pas besoin d’un programme supplémentaire », avait déclaré le ministre il y a quinze jours, se ralliant indirectement à la cause du gouvernement espagnol.
Madrid freine des quatre fers depuis des mois, par crainte de se voir imposer de nouvelles conditions en échange d’un sauvetage. Son ministre des Finances Luis De Guindos a d’ailleurs assuré jeudi que son pays n’a « aucunement besoin d’un plan de sauvetage », car il jouit d’une économie « compétitive et viable ».
« La situation sur les marchés est confortable et devrait le rester jusqu’à la fin de l’année », a renchéri une source au ministère espagnol de l’Economie.
Mais sur le plan économique, tous les voyants sont au rouge pour la quatrième économie de la zone euro: la dette publique enfle et devrait atteindre 85,3% du PIB sur 2012 et le déficit vient d’être révisé à la hausse à 7,4% du PIB, loin des 6,3% promis à Bruxelles. Sur le plan social, le tableau est encore plus sombre, puisque le chômage touche un actif sur quatre en Espagne et un jeune sur deux.
« La situation ne va pas changer si l’argent promis n’est pas mis sur la table », estime Cinzia Alcidi, économiste spécialiste de la zone euro pour le Centre for European Policy Studies (CEPS) à Bruxelles.
« Le pays traverse une crise de liquidités très forte. Avec les annonces de la BCE, il existe désormais un instrument pour faire face à cette crise de liquidités, on s’attend donc à ce qu’il serve. Sans cela, le risque est que la crise de liquidité se transforme en crise de solvabilité », affirme-t-elle.
Pour Daniel Pingarrón, d’IG Markets, le risque est que les marchés se réveillent. « Ils veulent que l’Espagne fasse une demande d’aide, ils vont la récompenser si elle agit et la punir si elle tarde à le faire », résume-t-il.
Les intentions de Madrid restent toutefois floues. Le secrétaire d’Etat espagnol à l’Economie, Fernando Latorre, a semé le doute vendredi en déclarant que son pays analysait avec les institutions européennes « les alternatives » possibles avant de prendre une décision sur un éventuel plan de sauvetage.
source : AFP