Le traité budgétaire européen doit être la première étape vers davantage de fédéralisme en vue de défendre dans le monde notre identité européenne.
Par Frédéric de Harven.
La construction européenne et l’objectif poursuivi échappent de plus en plus au citoyen d’autant que nos dirigeants, loin de se faire les avocats et les pédagogues des décisions qu’ils prennent à Bruxelles, feignent de les découvrir et souvent les déplorent. La question de l’identité, aujourd’hui sur toutes les lèvres, ne se posait pas tant que l’Union européenne se composait de pays d’Europe occidentale, unis face au totalitarisme soviétique. Mais comment voulez-vous réussir la construction européenne si les seules images que les citoyens en ont sont celles de bureaucrates qui étudient le calibre des concombres et la taille des filets de pêches ?
Durant les prochaines semaines, vous allez entendre de nombreux débats d’hommes politiques - Mélenchon en tête - qui vont tous crier « au loup » et tenter de vous faire peur en vous expliquant que la source de vos difficultés, du chômage, de la récession, de l’immigration est due à l’Europe. Les partisans du « Non » au traité constitutionnel de 2005, si heureux d’occuper à nouveau un Maroquin, vont vous expliquer avec force et vigueur pourquoi aujourd’hui il faut voter oui. Mais d’où vient cette sensation de peur, que les hommes politiques aiment brandir ? Identité, religion, histoire européenne, frontières de l’union, sont autant de sujets tabou qui posent une seule question, celle de nos valeurs. Ces valeurs sont celles qui ont été lentement élaborées sur notre continent au cours de son histoire, et qui ont été formalisées par les Lumières : les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, d'État de droit et de respect des droits de l'Homme. Ajoutons cette capacité typiquement européenne de savoir accepter la diversité (de langues, de cultures, d’États et de régions) au sein d’un ensemble plus vaste.
Notre finalité, à nous, peuples européens, est de vivre harmonieusement dans le monde en préservant notre identité et notre prospérité. Le monde est le siège d’une double concurrence des États d’une part, dont des « États continents » - Chine, Brésil, Inde - sortant de la pauvreté et prenant une importance planétaire, et des idéologies d’autre part, avec la montée redoutable de nouvelles formes de totalitarisme. Les Européens doivent faire face à ces défis politiques et idéologiques. Ils peuvent le faire dans le cadre de leurs États actuels, en ordre dispersé, sans peser réellement sur leur destin et en se mettant progressivement à la marge du monde et de l’histoire. Ou bien les peuples européens peuvent s’unir politiquement afin de pouvoir parler d’une voix et agir ensemble sur le monde de demain. Il s’agit en effet de s’organiser de manière à pouvoir défendre dans le monde notre identité européenne, donc de créer une véritable entité politique qui, vu notre diversité, ne peut être qu’une construction fédérale, c’est-à-dire la création d’un État fédéral européen chargé de remplacer l’Union Européenne et de représenter ses membres vis-à-vis du monde extérieur. Il ne s’agit pas d’une perte de souveraineté au profit de Bruxelles, mais de confier certains pouvoirs régaliens à une autorité supérieure, car les pays eux-mêmes ne peuvent plus (ou pas) aboutir à cette politique (économie, défense, énergie, immigration). Cette « Fédération de l’Union européenne », simple à comprendre, doit être démocratique, garantir les libertés des citoyens et disposer de compétences strictement limitées conformément aux idées libérales d’un État moderne.
Le traité budgétaire européen en est la première étape. Depuis plus de 30 ans, le Parlement français vote des budgets en déficits. Droite et gauche prennent un malin plaisir tous les cinq ans à défaire et renommer ce que les précédents avaient fait avant eux (bouclier fiscal, loi Scellier en sont les derniers exemples en la matière) sans jamais s’attaquer aux problèmes de fond (déficit, fiscalité, retraites, etc.), certainement trop préoccupés par leurs réélections sous les ors de la république. La crise que traversent notre pays et l’Europe est aujourd’hui profonde et d’une ampleur sans précédent. Il n’est dès lors pas étonnant qu’au sein d’une même famille, d’une même maison - l’Europe -, les règles se durcissent. Si vous êtes père de famille et que votre enfant abuse de votre amour pour lui en vous demandant toujours plus d’argent de poche sans chercher à réduire son train de vie, allez-vous lui dire : « tiens mon grand, voilà mes derniers sous, mais attention c’est tout pour ce mois-ci ». Ou allez-vous le prendre par la main et lui expliquer comment réduire ses dépenses, le responsabiliser et le placer sur la bonne voie pour réussir sa vie. Avec ce petit exemple, j’essaie de vous montrer qu’à force d’abuser de la confiance de notre famille européenne, il ne faut pas s’étonner que les règles issues de Maastricht soient durcies. Il est temps de mettre un terme à la dépense endémique. Et cela pas pour le plaisir de l’austérité, mais parce que l’endettement excessif empêche la croissance et nous expose à une certaine dépendance des puissances étrangères… avec le risque d’une perte de souveraineté. Au-delà de la règle d’or qui obligera l’État français à plus de discipline budgétaire, c’est l’esprit du traité qui est important et vers lequel il faut tendre. Après tout, personne n’a jamais respecté les critères de Maastricht à la lettre, mais tous en ont respecté le principe.
Messieurs les parlementaires soyez cohérents, soyez responsables, faites votre mea-culpa et votez, comme un seul homme, le traité budgétaire européen !