Mes lecteurs le savent bien. Ce blog porte bien son nom. Il reflète ma vie, mes pensées et mes pourquoi. Pourtant, bien que très personnel, je n’ai été tenté qu’en de bien rares occasions, à laisser divaguer ma plume pour y évoquer ma famille. Aucun sujet n’est tabou. Celui de la famille encore moins que les autres. Mais à quoi bon noircir des pages sur les bonheurs et les malheurs qui émaillent les vies du tout à chacun ?
La première lettre très personnelle a atterri sur ce blog le 9 juillet dernier, à l’occasion de la naissance de mon neveu Mathis. Aucun regret à avoir, puisque celle-ci a rencontré un vif succès. Je n’en attendais pas tant.
Je renouvelle ce risque aujourd’hui, à titre tout aussi exceptionnel, en adressant une lettre à une femme qui l’était tout autant : ma grand-mère disparue le 7 octobre 2002. Elle aurait eu 90 ans cette année.
« Mamie,
Aujourd’hui cela fait exactement 10 ans que tu t’es envolée pour l’éternité. Comme pour beaucoup, c’est une date que je ne prends pas plaisir à célébrer tant elle fait replonger ma mémoire vers des moments d’une profonde tristesse. Pourtant, je n’ai pas envie d’être mélancolique. La vie est faîte ainsi et il convient d’accepter ce qu’aucun homme ne peut maîtriser. Le grand mystère d’une vie qui apparait et qui disparait.
J’ai beaucoup de choses à te dire. Tu le sais, j’ai toujours eu beaucoup de choses à partager avec toi ! Les années ont passées, mais le petit moulin à paroles que tu as connu et qui posait mille et une question n’a pas changé. Il s’est quelque peu assagi et a gagné en maturité. Oui c’est vrai, quelques méchantes rides sont apparues aussi !
En bonne matriarche, tu sais que notre famille a connu de sombres moments depuis ton départ. De là où tu es, tu as vu arriver bien trop vite certains de nos proches. Je me doute que tu les auras vivement sermonné de nous avoir faussé compagnie et qu’ensuite tu les auras entouré de tes conseils. Ceux qui restent me pardonneront d’appuyer sur nos blessures collectives. Ils nous manquent, autant que tu nous manques…
Fort heureusement, tu sais aussi que nous avons connu de très grandes joies ! De nouvelles têtes sont venues nous changer la vie ! Antoine bien sûr, mais aussi Morgan, Nino, Maëlle, Baptiste, Mathis ou Basile ! Plein de petites merveilles qui sont venues nous rappeler comme la vie réserve de jolies surprises. S’ils sont encore trop petits, je tiens à te rassurer sur le fait qu’ils recevront la bonne éducation familiale. Le moment venu, ils seront soumis à l’instruction civique réglementaire qui fera d’eux des citoyens exemplaires. On ne va pas tout changer quand même ! Les uns et les autres on s’efforce de leur préparer un bel avenir, une jolie vie, dans laquelle ils pourront être heureux et s’épanouir avec toutes leurs différences. Tes petits-enfants ont bien grandi. Ils ont tous réussi.
Ce n’est pas chose facile ! L’année de ton départ en 2002, tu avais du faire un choix cornélien entre Chirac d’un côté et Le Pen de l’autre. Sacré dilemme pour l’époque. Depuis, soyons honnêtes, ce n’est pas une franche réussite. La société s’est gâtée ou s’est gâchée, c’est comme on veut. Les gens se sont endurcis et isolés un peu plus que de raison. Nous avons appris à vivre avec ça. Nous nous sommes endurcis aussi, à notre façon. L’important est de rester vrai et de ne jamais céder à la facilité. Il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur et se recentrer sur l’essentiel. Après 10 ans de disette électorale, nous avons quand même retrouvé un Président de gauche. On a fait la fête autant que quand l’ASM est devenue championne de France de rugby ! C’est pas rien ca !
De mon côté je n’ai pas chômé non plus. Je travaille toujours dans la même boîte et mes parents ne comprennent toujours pas ce que je fais dans la vie. Condamné à demeurer en éternel saltimbanque ! Je m’intéresse toujours à la politique, même si depuis les municipales de 2008, j’ai pris un peu de recul. Tu le sais bien, cela fait très longtemps que j’ai compris que je ne serai jamais président de la République… Pour les amours, rien n’a changé, j’aime toujours autant les filles ! Un peu trop sans doute. Non, je n’ai pas encore croisé mon prince charmant et, nous avions évoqué la chose tous les deux, je te confirme bien que mes parents continuent à prendre de la « Juvamine » ! Note bien qu’ils ont un peu progressé. Si maman a compris que pour la descendance elle devait s’en remettre à Sébastien, pour papa c’est toujours un peu compliqué… Ce n’est pas bien grave, entre les progrès de la science et l’égalité des droits qui nous tend les bras, quelques surprises viendront peut-être. Tout arrive à qui sait attendre dit-on.
Voilà Mamie, j’arrive au bout des bêtises que j’avais envie de te confier. Certains me le reprocheront peut-être. Ils auront sans doute raison. Cette lettre est un brin impudique. Mais elle est avant tout la confirmation qu’il faut continuer de grandir et d’avancer dans le monde des vivants. C’est dans ce monde là, bien réel, dans lequel tu m’as laissé il y a maintenant 10 ans, que je sais que de là où tu es tu continue à veiller sur moi et sur tous les autres.
Le fait que je me surprenne à entendre encore, au creux de mon oreille, ton rire si particulier, me prouve bien que tu ne nous as jamais abandonné. Cela n’est pas triste. Bien au contraire. Cela prouve tout simplement que les beaux souvenirs ne meurent jamais.
Où que tu sois : rassure toi, ton "gros" se porte bien.
Je t’embrasse,
Régis »