deuxième mardi
Depuis le fond du parc, les sons d’enfants comme et avec ceux des oiseaux, aigus, animés, vivants, mélangés, approchent de la salle. Ils ont quitté l’école pour une heure de visite à mon travail, en ont l’air ravi, cela s’entend de loin. Se rangent sagement devant l’entrée, se taisent lentement et là seulement, silence obtenu, peuvent entrer. Préparée en classe, à partir de l’internet ou de l’affiche, la visite est aussitôt teintée de la surprise de leur découverte des véritables formats et matières que leur écran ou le papier ne disaient pas. Ils s’empressent de s’éparpiller dans les deux salles, commencent à répondre à leur questionnaire, ou à copier une des toiles. Papillonnent butinent picorent quelquefois s’attardent. S’éparpillonnent, en somme. Plus tard se regroupent autour de moi et posent des questions en tas, en rafales, en tirs groupés, des questions dérangeantes (qu’est-ce que tu ressens quand tu peins ?), pratiques (tu peins sur quoi, avec quoi ?), métaphysiques (comment pourquoi as-tu commencé à peindre ?) des bonnes questions (peins-tu seulement dans ton atelier ou vas-tu dehors ?), des questions de fond (pourquoi toutes ces écritures dans tes tableaux?), de surface (c’est quoi le papier de riz ?), des questions tout petit déjà à l’air de lieu commun (ta peinture est-elle figurative ou abstraite ?). Et des confidences jolies et poétiques et sensibles sur ce qu’ils voient pensent imaginent devant les toiles. Des cris des courses des rires des énervements indiquent que leur concentration est évanouie perdue évaporée et les voilà déjà sur le chemin du retour, massés devant la sortie, refaisant silence avant de me saluer me remercier et regagner leur classe. Ils emportent avec eux une petite encre faite sous leur yeux d’enfants pleins d’étonnement naturel paysage de petite nature bordée d’une calligraphie évoquant notre rencontre.
Ils me feraient cadeau en fixant peinture et moment passé ensemble dans leurs souvenirs pour plus tard.