Michel Gouéry, artiste que j'avais proposé chez Mycroft pour la Jewel Thieves #2, expose jusqu'au 26 avril à la galerie Deborah Zafman.
Les têtes sont accrochées au mur comme les trophées de guerre d'ennemis vaincus. Ce sont des putti, des satyres, des masques ibériques ou afro-indiens et certains faciès de l'homme ordinaire. Des orifices, des pustules, des cartilages, des scléroses poussent sur ces sculptures comme les motifs décoratifs d'une civilisation lointaine, de Mars ou de Pluton. Ces ornements à la fois précieux et organiques sont monstrueux car il rappelle la chair. Un visage de chérubin au sourire tranquille a le crâne recouvert d'anus rosâtres, le nez scindé en deux et un regard hypnotique et glacial rappelant celui des avortons d'Hitler dans Boys from Brazil de Franklin J. Schaffner. Comme dans un film de David Lynch, où les choses du quotidien perdent leur aspect rassurant sous l'influence d'une atmosphère surréaliste, les céramiques de Gouéry transposent les symboles de l'histoire de l'art dans un univers extraterrestre, ce qui les transfigurent et les révèlent à la fois.
Un ensemble de petits éléments en céramique est accroché au mur, composé de restes archéologiques (os, coquilles, dents), de chairs vivaces, fétiches et fioritures, comme le squelette d'un être fabuleux, étalé sur le mur comme une fresque dansante, une farandole de petits monstres. On peut voir la tête de la bête, un masque grillagé surmonté d'une sorte de coiffe hindouisante, évoquant une figure sacrée. Michel Gouéry a déjà beaucoup travaillé sur les représentations religieuses symboliques, en témoigne son exposition Ex-voto à la galerie Trafic. Ses sculptures de phallus et ses totems recouverts de visages de poupée évoquent les représentations de la fertilité. La créature est une compilation hétéroclite de vestiges qui forment un tissu de formes symboliques, à l'image de la construction d'un mythe religieux.