La croissance a été un incident historique. Voilà ce
que dit le très respecté Martin Wolff du Financial Times. Inattendu. Il s’appuie
sur les travaux d’un très sérieux universitaire, qui avance de très
convaincants arguments de fond. A savoir que l’histoire de la croissance est
due à 3 vagues d’innovation. Elles ont recréé la société. Or, ces
vagues sont de plus en plus courtes. Par exemple Internet est quelque peu
ridicule en comparaison du remplacement du cheval par la locomotive. Second
argument : notre croissance récente vient de facteurs non durables tels
que le baby boom ou la femme au travail.
Il resterait comme dernier espoir le rattrapage des développés
par les émergents. Mais ce n’est pas un moteur aussi enthousiasmant et pérenne qu’une
vague d’innovation.
L’économie serait-elle touchée par une de ses lois d’airain :
les rendements décroissants ? Je n’en suis pas sûr. Si l’on croit ce qu’a lu ce blog, le
monde n’est pas durable. Il doit se réinventer. Beaucoup plus qu’une
question d’énergie verte, cette transformation concerne notre mode de
production et de consommation. Voilà un formidable moteur pour la croissance :
sauver sa peau. Et je pense, contrairement à ce que dit ce blog, qu’Internet
est une invention majeure, parce qu’il donne à l’espèce le moyen de coordonner
sa transformation, et qu’il réinvente nos modes d’interaction et de déplacement.
A ce point Martin Wolff avance un argument encore plus
inattendu, venant du FT : ce qui bloque la croissance, c’est le
conservatisme de l’élite. Elle est très satisfaite d’un monde sans croissance,
dans lequel les revenus des « 99% » reculent.
Je lui réponds que l’accentuation des inégalités et l’apparition
d’une élite féodale n’est pas notre problème majeur. Car les avantages acquis ne
résistent pas à la vindicte populaire ou à la fureur des éléments. En
revanche, le phénomène qui les a créés a des conséquences plus inquiétantes. Comme
le note Hot,
Flat and Crowded, notre époque a été marquée par l’exploitation parasitaire
de l’héritage de nos parents. Nous avons cessé d’investir, or, sans
investissement, impossible de créer les moyens de changer notre sort.
En résumé : pour survivre, nous devons nous
transformer, d’où croissance, mais nous reste-t-il la musculature nécessaire
pour ce faire ?