S'adapter ou disparaître. Il est toujours dramatique de voir fermer des usines. Le désastre social s'accompagne le plus souvent de la perte de savoir-faire et d'investissement personnel des salariés attachés à un travail au cœur de leur vie. Mais parce que le monde change, et de plus en plus vite, l'industrie est condamnée à accélérer sa mutation ou à mettre la clé sous la porte.
La sidérurgie française doit surmonter trois obstacles. La baisse de la consommation d'acier, l'importance du poste énergie dans le coût de production (30% de la facture finale) et un niveau d'émission de C0² très élevé. Le tout couronné par des installations qui nécessitent des investissement coûteux et complexes (plusieurs centaines de millions d’euros pour un haut-fourneau neuf).
On pourrait effectivement baisser les bras et se résigner à voir ces pans de l'industrie se délocaliser comme tant d'autres vers des pays sans normes sociales et environnementales. Lâcher toutefois sur la sidérurgie, ce serait lâcher sur tout le reste. Se condamner à n'être qu'un continent sur lequel on ne produit rien et on importe tout. On voit aujourd'hui où nous a emmené cette vision de l'économie. Depuis plusieurs décennies, on ne fait plus fortune dans l'industrie. Mieux vaut être importateur-distributeur. C'est sans risque et très juteux. La grande distribution en est le meilleur exemple. Ses rayons (hors agro-alimentaire) sont remplis de produits souvent de mauvaise qualité importés pour l'essentiel de Chine. Trouver du made in France relève de l'exploit. Le porte-monnaie du consommateur semble y gagner dans l'instant mais lorsque les usines du coin ferment on se rend compte que l'on scie la branche sur laquelle on est assis.
Le franchissement très symbolique de la barre des trois millions de chômeurs doit nous conduire à un sursaut. Il n'y a pas de fatalité à la désindustrialisation. Outre le fait que pour des raisons stratégiques évidentes certains secteurs doivent être conservés sur le territoire (l'insécurité du monde doit nous conduire à la prudence) le gain technologique doit constituer notre obsession. Mais comme le temps des capitaines d'industrie courageux a cédé le pas à celui des banquiers frileux, la puissance publique a un rôle essentiel à jouer. Rongé par la cupidité et le refus du risque, le néo-capitalisme occidental est incapable d'assurer la transition écologique si elle n'est cautionnée par les Etats. Etrange paradoxe au moment où l'on assiste à un basculement de la puissance économique vers l'Asie, particuliérement la Chine et son capitalisme étatico-mafieux conquérant.
Pour en revenir à la sidérurgie française, il existe une lueur d'espoir : Ulcos. L'acronyme recouvre un consortium de 48 entreprises et organisations issues de 15 pays européens, réunies au sein d’une initiative de coopération en R&D. L’objectif du programme ULCOS est de réduire les émissions de CO2 d’au moins 50 % par rapport aux méthodes de production actuelles les plus performantes.
On aurait pu espérer que ce projet de captage et de stockage de CO2 soit mis en oeuvre sur les hauts-fourneaux de Florange, actuellement à l'arrêt. Malheureusement le calendrier d'Arcelor-Mittal ne colle pas avec celui de l'Union Européenne (sollicitée à hauteur de 250 millions d'euros environ sur un investissement total de l'ordre de 650 millions) qui tarde à décider de son soutien.
Dans ce théâtre où les acteurs se tiennent tous par la barbichette, Le Républicain Lorrain apporte un éclairage intéressant en donnant la parole à un ancien haut cadre d'ArcelorMittal. "Et qui sait si le magnat indien n’a pas anticipé et n’est pas tenté d’accélérer l’arrêt de la filière liquide chaude pour ne pas avoir à participer à cet investissement auquel il n’a peut-être, du reste, jamais vraiment cru. Ne l’oublions pas, Ulcos n’est pas un projet ArcelorMittal, mais celui d’un consortium de sidérurgistes européens. Imaginez que Bruxelles ait donné son feu vert à Ulcos cet été. Mittal serait aujourd’hui dans une situation très délicate. Alors que comme ça, on pourra toujours dire qu’il renonce à Florange, mais pas à Ulcos" déclare Jean-Louis Pierquin.
Et le ministère du redressement productif, il en pense quoi de tout ça ?