Magazine Conso
2007, je me souviens très bien, je créée mon compte facebook. A l'époque, une demande d'ami, c'était pas un casse tête chinois (on ajoutait tout ceux qu'on connaissait de près ou de loin, et même ceux qu'on connaissait pas), on postait absolument toutes nos photos, et on mettait des statuts du genre "emmerdante is fatiguée". C'était le bon temps, dans le sens ou c'était vraiment pas méchant, l'usage de ce réseau, on y passait pas le plus clair de notre temps (on préférait les skyblogs).
Seulement plus on a avancé dans le temps, plus j'ai la sensation que cette page de nous, c'est comme notre visage social, ce qu'on veut montrer de nous aux autres, etc. Par exemple, le fameux diktat de la photo de profil facebook, qui doit être canon, sans être prétentieuse, originale et drôle mais pas trop déjantée au cas où un recruteur passerait par là. Il faut pas avoir l'air de s'aimer trop ni faire la nana qui s'en fout, de sa photo de profil. Putain, c'est un vrai bordel compliqué. En plus maintenant, on a aussi la photo de couverture et c'est toujours en phase d'apprivoisement. Je sais pas trop si on doit mettre un truc "abstrait" (ie : une image qui nous a fait rire) ou encore une photo de soi, une photo de son groupe de potes (pour montrer qu'on est ultra cool et populaire avec plein de copains partout). Ta photo de profil, si y'a pas un minimum de 7 ou 8 "amis" qui la "like" c'est mort, tu peux remballer ma vieille, et mettre une photo de ton chien. En tout cas, c'est comme ca que je le ressens, et je m'y connais, en bide de photo de profil. Mais ca me gave, et si ca continue, je vais juste mettre un gros mot-qui-montre-que-je-suis-très-énervée, ca donnera le ton au moins.
Tout est hyper calculé, et ca, ca commence à me gonfler. Genre, par exemple, maintenant je réfléchis bien à ce que j'écris en commentaire et tout, parce que si je fais une blague nulle, je serai fichée. De même que je trie les photos qui pourront, ou non, apparaitre sur mon profil. En gros si tu penses me connaitre parce que tu m'as ajouté sur facebook, détrompes toi dans la vie, je suis différente.
Parfois je rote à table, je ne me coiffe pas tous les jours, je ne suis pas maquillée tout le temps, ca m'arrive d'écouter céline dion (mais bien sur je ne posterai jamais une vidéo de céline sur mon mur pour conseiller à mes potes d'écouter ca, sinon je passe pour une beauf), quand je like "guy de maupassant" évidement je ne le lis pas tous les jours, même si j'ai adoré le horla, et quand je dis que j'aime les films genre "drive" je précise pas que j'adore les comédies françaises à la con, avec des acteurs plus connus tu meurs. Quand on me géolocalise dans des endroits branchés pour montrer à mes 310 amis que j'ai une vie sociale bien remplie, j'évite de dire que le lendemain, je trainerai en pijama et grosse chaussettes munie de ma boite de doliprane 1000 et que je ne mangerai pas pendant 2 semaines parce que boire tous ces coups, c'était une ruine. Et quand j'instagram des photos de mes supers salades, de mes petits plats diet et tout, je ne légende pas le fait que c'est un exploit de manger des légumes entre 3 tartines de beurre et 1 paquet d'oréo. (en passant, on pourrait aussi critiquer toutes les bloggueuses ultra minces qui passent leur temps à instagramer des photos de burger : arrêtez, on est pas dupes, on sait bien que vous les mangez pas, vous les stockez ou sinon? Si vous avez une planque secrète corporelle, ca m'intéresse, faites tourner les bons plans).
Ce qui est un peu rassurant, c'est que de tout ca, j'ai bien conscience. Mais je m'inquiète grandement pour toutes les jeunes générations qui pourraient ne vivre que par facebook. Ils sont trop jeunes pour ne tirer que le "bon" des réseaux sociaux et se laissent noyer dans le flot égocentré d'actualités qui défilent à la minute, pour au final, se perdre un peu eux mêmes et n'estimer la valeur de leur personne qu'au nombre de "j'aime" sur leur photo de profil ou à leur nombre de followers sur Twitter. Pourtant, même si on parle de réseau, il est trop superficiel et le seul vrai réseau que l'on peut se créée ne se fait pas virtuellement, il se travaille au jour le jour, autour de terrasse de café, de rencontres réelles, de discussions intéressantes... Dont on ressort mille fois plus enrichi.
A bon entendeur... l'emmerdante a parlé.