Un autre article dit, comme Jad, et c’est d’ailleurs pour cela que je l’ai lu, que la réalité, ce sont les mathématiques. La physique n’est-elle pas paumée quand elle ne peut pas mathématiser ? Quant aux mathématiques pures elles nous révèlent un univers qui existe, mais que nous n’avons pas (encore) réussi à percevoir.
Le physicien est confondu d’admiration devant ses équations. La nature est mathématique, c’est certain. Mais mon expérience est autre. Je suis un ingénieur, et mon monde n’est pas mathématique. Mon début de carrière fut même la Bérézina des mathématiques. Rien ne marchait. Ça a commencé avec le contrôle des systèmes, en Angleterre, qui a rapidement tourné au système expert. Puis je me suis occupé de FAO pour Dassault systèmes. Le premier problème que j’ai posé a mis en déroute un normalien : l’élite mathématique s’y cassait les dents depuis des siècles (il n’était pourtant question que d’empiler des sphères). Ensuite, il a fallu trouver toutes les racines de millions d’équations du huitième degré, puis ce fut la dynamique et ses équations différentielles que l’on ne sait pas résoudre, sauf avec des heuristiques dont on n’a aucune idée de la précision. Mais le pire était l’intersection de segments : comment prendre en compte les incertitudes dues aux erreurs de calcul de l’ordinateur ? Et je ne parle pas des arcs de cercles. J’ai même eu droit à une illustration du théorème de Gödel. (A ce sujet, il est curieux qu’une science de la vérité se trouve parfois incapable de dire si quelque chose est vrai ou faux, à moins de le décider au préalable. Si un barbier rase les hommes qui ne se rasent pas, le barbier se rase-t-il ?) Quant au domaine qui m’intéresse aujourd’hui, le fonctionnement des organisations humaines, il est hors de portée de la moindre modélisation, à tel point qu’il est jugé comme n’étant pas sérieux.