Nombreux sont les politiques à réfuter le « contre le chômage on a tout essayé » de François Mitterrand. Force est pourtant de constater que face à des organisations patronales qui se sont de plus en plus radicalisées et dont les adhérents n'ont plus qu'une lointaine ressemblance avec le capitalisme familial qui prévalait il y a quarante ou cinquante ans, il est de plus en plus difficile d'imposer quoi que soit en termes d'emploi.
C'est pourtant ce que tente le gouvernement en poussant les partenaires sociaux à travailler ensemble pour essayer d'aboutir, si ce n'est à un compromis, du moins à un accord sur : d'avantage de souplesse aux entreprises en échange de plus de sécurité pour les salariés.
C'est au même moment que Jean-François Copé, le candidat à la présidence de l'UMP, publie son dernier opuscule : « Manifeste pour une droite décomplexée » dont le volet emploi est décalqué sur les demandes du Medef que Nicolas Sarkozy et l'UMP avaient intégrés dans leurs programme.
A savoir :
Instauration de la TVA sociale, pudiquement rebaptisée TVA antidélocalisation, qui ne devrait pas empêcher de dormir ceux qui souhaitent délocaliser leurs productions, mais permettrait un certain nombre de variantes, comme l'expliquait Laurence Parisot : « (...) l'entreprise pourra profiter des baisses de cotisations pour baisser son prix hors taxes, investir, augmenter les salaires... ou conserver sa marge. Pas question de négocier des engagements (...) Il faut laisser la liberté d'utiliser les marges de manoeuvre »
Traduction : Maintien des prix, pas d'augmentation des salaires et une meilleure rémunération pour les actionnaires. Vous noterez au passage qu'il n'est fait aucune référence à l'emploi. Donc la TVA antidélocalisation est un leurre en termes d'emploi !
L'instauration d'un contrat de travail unique : Cette mesure figurait au programme présidentiel de 2007 de Nicolas Sarkozy, mais n'a jamais été appliquée. En quoi consiste t-elle ? Eh bien, comme nous l'écrivions en novembre 2010 : « A partager le chômage entre tous ». En gros, l'idée serait de nous reproposer les fameux CPE et CNE. Mais en les réunissant, cette fois, en une même formule ! Et surtout de faire baisser considérablement ... le montant des indemnités dues en cas de licenciement
Traduction : Permettre aux patrons de licencier à leur guise, quasiment sans préavis ! Vous noterez au passage que le volet de sécurisation professionnelle à la mode danoise qui consiste à « recycler » dans les meilleures conditions, les salariés licenciés, à étonnement disparu. Il faudra par conséquent se contenter du séjour plus ou moins long à Pôle Emploi qui, comme tout le monde le sait, a les plus grandes difficultés à faire face à l'afflux de chômeurs.
Mais direz-vous, si licencier devient une simple formalité, le nombre de chômeurs devrait s'accroître, ce qui mettrait rapidement l'UNEDIC en difficulté !
Vous avez raison. C'est pourquoi, Jean-François Copé a décidé de recycler une autre proposition de l'ancien Président candidat : Il prône une formation obligatoire et ... une indemnisation moins longue.
Traduction : Obliger les chômeurs à accepter les emplois qui ne trouvent pas preneurs pour cause de très bas salaires et/ou de temps partiel imposé. En fait nous ressortir la loi n°2008-758 du 1er août 2008 et le décret n°2008-1056 du 13 octobre 2008, qui concerne la procédure de radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Dans laquelle on peut lire : Tout demandeur d'emploi qui refuserait, sans motif légitime, et à deux reprises, une offre d'emploi raisonnable. Mesure qui n'a que peu été appliquée par Pôle Emploi dans la mesure où il aurait fallut être capable d'en proposer au moins une !
Formation obligatoire ? Si ce n'était pas aussi pathétique, ça pourrait amuser les salariés qui ont fait un passage par Pôle Emploi et qui ont essayé d'obtenir une formation qualifiante. Mais cette fois-ci, changement de ton, et retour de la belle légende des emplois non pourvus !
En fait, la formation pourrait se résumer aux quelques jours nécessaires pour devenir vendeuse à domicile en lingerie ou vendeur de portes et fenêtres et tout un tas de boulots payés au lance pierre ne durant en général que quelques semaines ou même jours, et qui sont la spécialité d'un certain nombre d'entreprises qui se lamentent de ne pas trouver de candidats.
Quant à savoir si celà permettra aux salariés de se loger ou se nourrir correctement, ça n'est, évidemment pas le problème de M. Copé !
Et enfin, le (seul) slogan fédérateur de l'UMP : La fin des 35H00, qui est en général suivi de : « Nous ne travaillons pas assez ! » qui fait irrésistiblement penser au : « S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche ! » attribué à Marie-Antionette
C'est d'ailleurs le seul point sur lequel les quelques 5 millions d'inscrits à Pôle Emploi sont d'accord avec Jean-François Copé ! Mais comme nous l'avons déjà expliqué à plusieurs reprises, l'objectif n'est pas d'avoir plus de salariés travaillant 35H00. Mais bien de supprimer toute référence à l'horaire légal de travail pour le remplacer par un temps de travail négocié entreprises par entreprises, dans la limite maximale de 48H00 par semaine. Ce qui permettrait de faire travailler plus longtemps les salariés sans aucune heure supplémentaire. Et bien entendu de limiter les embauches au strict minimum !
Par chance pour les salariés, monsieur Copé et ses amis de l'UMP sont pour cinq ans dans l'opposition et réduits, lorsqu'ils auront terminé leurs primaires pour la présidence de l'UMP et pour la candidature à la présidentielle de 2017, à porter les revendications les plus extrêmes de certains milieux patronaux.
Ce qui, toutefois n'exonère pas le gouvernement et son actuelle majorité de suivre avec la plus grande attention le déroulement de la négociation sur la sécurisation de l'emploi, dans la mesure où le Medef y exigera la mise en place de la flexibilité. Gouvernement et actuelle majorité qui nous l'espérons a fait siens les propos de Michel Sapin, qui a déclaré , il y a peu, qu'il réfutait le terme de flexibilité qui était pour les salariés synonyme de « courber l'échine ».
Pour les salariés, le match ne fait que commencer ...
Crédit photo Menly