"Ein Engel bat für dich auf Erden..."
Robert Dean Smith (Tannhäuser), Anne Schwanewilms (Elisabeth)
et Matthias Goerne (Wolfram von Eschenbach).
Hier soir, le public a commencé par applaudir vigoureusement la récente désignation de l'orchestre d'état bavarois comme orchestre de l'année par le magazine Opernwelt. Ovation pour l'orchestre et pour le directeur de la musique Kent Nagano. La complicité entre l'orchestre et son chef n'est plus à démontrer. Si l'on ajoute que les choeurs ont été sublimes, on peut se rendre compte du bonheur musical que l'on peut vivre à l'Opéra de Munich. L'a cappela parfait des jeunes solistes du choeur d'enfants de Bad Tölz (Tölzer Kanbenchor) ajoutait à la fête.
Mais où est donc passé Tannhaüser?
Curieusement, dans cet écrin musical, une grande voix manquait à l'appel pour incarner Tannhaüser. Robert Dean Smith n'a ni la dimension d'acteur ni la dimension vocale voulues pour donner corps au mythe vivant et déchiré de Tannhaüser. Bien sûr il donne une prestation plus qu'honorable et dispose d'une bonne technique vocale, mais semble se retenir pendant tout le premier acte, tout cela est musicalement correct mais cela ne suffit pas pour habiter un personnage et à en développer le charisme. Daniela Sindram, une ancienne de la Maison, a la beauté requise pour le personnage de Venus, mais on ne sentira jamais la fascination fatale qui est supposée unir ces deux êtres. Jamais on ne ressent la folie de l'attraction qui conduit tout droit à la damnation. Au troisième acte, Robert Dean Smith réussit cependant avec davantage de bonheur son récit du pèlerin.
On est bien plus séduit par la magie vocale d'Anne Schwanewilms qui donne une magnifique Elisabeth, avec une voix très haut perchée, le plus souvent dans l'aigu, un registre où elle est parfaitement à l'aise. Anne Schwanemils sait donner vie à toutes les nuances de la vie intérieure d'Elisabeth: l'affection, l'amour qui pardonne, la compréhension, la compassion, l'intelligence de la spiritualité qui le disputent aux douleurs de la femme injustement délaissée. Quant à Wolfram, c'est Matthias Goerne qui lui prête toute l'étendue de sa voix complexe, qui passe avec aisance des hauteurs du ténor aux couleurs sombres du baryton basse. Quelle justesse et quelle beauté, quelle compréhension de l'âme humaine interprétées par cette voix au phrasé parfait, au timbre riche, qui semble sortir d'un tunnel doré. Son O Du mein holder Abenstern a des douceurs pénétrantes qui contournent le jaillissement de l'émotion et se marient heureusement avec l'harmonie de la harpe et des cordes.
On sort de cet opéra comme d'une belle soirée dans une grande maison, où il y avait tant de bons moments et de belles animations qu'on en a oublié que l'hôte principal semblait s'être absenté.