[Critique DVD] Elena

Par Gicquel

Elena et Vladimir forment un couple d'un certain âge. Ils sont issus de milieux sociaux différents. Vladimir est un homme riche et froid, Elena une femme modeste et docile. Mais quand il s'agit d'aider son fils, financièrement dans le besoin, Elena devient prête à tout...


"Elena" de Andrei Zviaguintsev

Avec : Nadezhda Markina, Andrei Smirnov, Elena Lyadova

Sortie Cinéma le 02/10/2012

Distribué par Pyramide Distribution

Durée : 109 Minutes

Genre : Drame

Film classé : -

Le film :

Les bonus :

Il y a d’abord une histoire. C’est la moindre des choses, mais certains scénarios l’oublient  fâcheusement. Ici, le récit, minimaliste, est précis, implacable, et d’une extrême justesse. Il renvoie à tous ces cas de figures où la société s’affiche dans ses extrêmes et tiraille sur la corde jusqu’à ce qu’elle cède.
Ce couple vieillissant, recomposé sur le tard, peut paraître un brin caricatural ; lui très riche et elle, issue d’un milieu plus que modeste. Ils s’aiment, et vivent ensemble, lui, maître du temps, elle, serviable, docile…
Les repères sociétales sont immuables mais le confort apporté par cette nouvelle situation, annihile semble-t-il toute velléité d’indépendance L’homme subvient de temps en temps à la petite famille d’Elena qui en profite largement. Son fils ,au chômage, ne parvient pas à subvenir aux besoins de sa propre famille . La fille de Vladimir est une jeune femme négligente, un peu bohème, qui maintient son père à distance.

Pour raconter tout ça en quelques images, Andrei Zvyagintsev tient l’œil rivé sur l’œilleton de sa caméra. Une fois la scène conforme à sa réalité, le cadre ne bouge plus. Raconter ainsi l’opulence ou la pauvreté devient une évidence. Il suffit de peu de mots, parfois le vide absolu des paysages, ou l’étroitesse des lieux qui bizarrement se conforme à celle de ses occupants.
Sa mise en scène d’une froideur absolue n’a pourtant rien de l’implacable constat étatique. Nous sommes en Russie il ne faut pas l’oublier, mais ce que nous dit Zvyagintsev c’est que son pays est devenu insupportable pour tout le monde. La classe populaire, aussi démunie soit-elle, n’apparaît pas sous son meilleur jour.
« Les premiers seront les derniers » dit Elena à Vladimir sur son lit d’agonie. Qui d’un revers de manche balaie la référence biblique pour de bons vieux arguments terre à terre, qu’il s’apprête d’ailleurs à quitter. Non sans avoir informé sa compagne de la teneur de son testament encore en gestation. Il vient de signer son second arrêt de mort.

Nadezhda Markina qui joue parfaitement le rôle pose alors son personnage dans la stature silencieuse des grandes victimes de l’humanité. Le cœur est atteint, et la douleur, muette, se réveille en un constat tranquille. A l’image de ce cinéma qui sans faire de bruit, n’est que fureur et vilénie. Magnifique.

  • Mais encore

Oleg Negin a pris comme point de départ un épisode de sa propre vie pour écrire le scénario : quand l’un de ses proches est décédé, sa famille a eu des doutes concernant les causes de la mort, naturelles ou non. A partir de cette simple idée il a laissé son imagination gambader ?

 Andrei Zviaguintsev envisageait  trois possibilités sur le passé du personnage Vladimir : ancien agent de sécurité du KGB, fonctionnaire du Komsomol (la division jeunesse du parti communiste), scientifique devenu homme d’affaires après l’effondrement de l’Union Soviétique. Cette dernière option a été jugée la plus réaliste.

Après le prix spécial du jury à Cannes 2012 dans la catégorie  » Un certain regard », l’actrice Nadezhda Markina, a elle aussi accumulé les récompenses dans de nombreux festivals (Durban, Montréal, Séville…).

En bref

Le film

Avec un minimum de moyens ( et c'est volontaire ) le cinéaste donne un maximum d'intelligence à ce portrait d'une famille russe engluée dans un pays qui lui ressemble. Du grand cinéma

Les bonus

Il n'y en a pas