Source : Actuallité 03/10/2012
La culture publique fait les frais des impératifs budgétaires du gouvernement de Jean-Marc Ayrault : au coeur de l ’été, le Printemps des Poètes a eu la mauvaise surprise d ’un désengagement du ministère de l ’Éducation nationale, à hauteur de 60.000 €, soit 40 % de la subvention nécessaire à la poursuite des actions de promotion de l ’art poétique.
C ’est une dépêche AFP qui a révélé au grand public la situation critique de l ’association organisatrice du Printemps des Poètes, manifestation programmée en mars. Avec 40 % supprimés, sur le budget nécessaire au travail de fond de l ’association et à l ’organisation du Printemps, les organisateurs craignent de « devoir cesser l ’activité, à brève échéance » explique Jean-Pierre Siméon, directeur artistique.
« La dépêche AFP n ’est pas de notre fait, le message était normalement destiné à notre réseau. Mais c ’est finalement un bien pour un mal » concède Maryse Pierson, administratrice au sein de l ’association. Ce fameux message est un appel à la mobilisation : avec l ’envoi de missives au ministre Vincent Peillon, les organisateurs espèrent le faire revenir sur sa décision :
Chers Amis,
Le Printemps des Poètes est dans une situation critique : après 10 années de réductions constantes des moyens alloués à l ’association, le ministère de l ’Éducation nationale nous a annoncé au cours de l ’été la coupe imprévue de 40% de la subvention 2012. (60.000 € de moins).
Cela entraîne un défaut de trésorerie tel qu ’il implique la disparition à brève échéance de la structure, et consécutivement de la manifestation.
Le ministère de la Culture, qui maintient son soutien, ne peut compenser ce retrait ; la seule solution est pour nous de récupérer auprès du ministère de l ’Éducation nationale la somme qui manque avant la fin 2012.
Vous pouvez nous aider en écrivant personnellement au ministre de l ’Éducation nationale, pour lui dire votre attachement au Printemps des Poètes et témoigner de l ’importance de son action auprès des acteurs éducatifs et culturels.
Ce peut être une lettre brève, mais vous comprendrez que plus le ministre recevra rapidement de nombreux courriers l ’alertant sur la gravité de la situation et l ’inquiétude qu ’elle suscite, plus nous aurons de chances d ’obtenir gain de cause.
Adressez votre courrier à : Monsieur Vincent Peillon
Ministre de l ’Éducation nationale
110 rue de Grenelle
75357 Paris SP 07Merci par avance pour votre soutien, je vous tiendrai bien sûr informés des suites.
Bien amicalement à tous,Jean-Pierre Siméon, directeur artistique
et l ’équipe du Printemps des Poètes :
Maryse Pierson, Céline Hémon, Célia Galice et Emmanuelle Leroyer
La poésie mise à contribution pour l ’effort budgétaire
La notification des nouveaux montants des subvention est tombée au mois d ’août, et l ’équipe chargée de l ’organisation du Printemps des Poètes a rencontré le cabinet du ministre la semaine dernière. Avec un couplet connu : « Aux ministères, on ne veut pas voir la manifestation disparaître, mais on ne peut rien faire non plus » résume l ’équipe.
Ministères au pluriel, car celui de la Culture est aussi impliqué : il verse les 60 % restants de la subvention, et a d ’ores et déjà expliqué qu ’il ne pourrait pas compenser le retrait de l ’Éducation nationale. « De toute façon, ce n ’est pas sa vocation : il faut se rappeler que le Printemps des Poètes fut un projet de Jack Lang, alors ministre de l ’Éducation nationale, et de Jean-Pierre Siméon, poète et enseignant à l ’époque » souligne Maryse Pierson.
Déception et incompréhension règnent en tout cas en maîtres au Centre national de Ressources pour la Poésie : « Même s ’ils n ’ont aucun rapport direct entre eux, nous nous retrouvons face à une convergence de faits qui pourraient être préjudiciables pour la promotion de la poésie : la réforme du CNL, la fermeture programmée de la Maison de la Poésie… »
L ’équipe permanente de 5 personnes, qui effectue un suivi interprofessionnel sur l ’année, considère la décision du ministère comme un « contresens » ou un « paradoxe », d ’autant plus que le bilan du Printemps est « particulièrement bon, et le ministère en est conscient », souligne Jean-Pierre Siméon, qui estime que le gouvernement « n ’a pas bien perçu les répercussions d ’un arrêt de la manifestation ».
Solidarité des acteurs du livre
Le Centre National du Livre a, lui, confirmé son soutien au Printemps des Poètes, « un excellent partenariat » : la subvention de 272.000 € prévue pour 2012 est maintenue, si « notre propre budget n ’est pas touché » précise le CNL.
Sollicité par ActuaLitté, son président, Jean-François Colosimo souligne le plein et entier soutien apporté par l ’établissement à la manifestation. « Nous avons toujours apporté notre aide au Printemps, une aide financière constante et totale, mais de notre côté, il n ’est pas possible de verser des aides supplémentaires, cela ne ferait pas de sens vis-à-vis des autres festivals que le CNL soutient. »
Très rapidement, les mauvaises langues ou les oiseaux de mauvais augure ont voulu corréler cette coupure budgétaire avec la réforme du CNL, et la question de la Commission poésie, qui était au coeur d ’une polémique en juin dernier. « C ’est insensé : c ’est l ’apport du ministère de l ’Éducation nationale qui fait défaut, pas celui du CNL. Et d ’autre part, le budget pour la poésie au CNL, mais ces gens ne veulent pas l ’entendre, ne va pas diminuer, je le répète. Ces deux choses sont sans aucun rapport. »
Jean-Pierre Siméon a bon espoir que le gouvernement reconsidère sa décision : « Rien qu ’un argument parmi tant d ’autres : chaque année, nous faisons travailler des milliers d ’intermittents. »