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Les Mouvements du bassin

Par Thibaut_fleuret @Thibaut_Fleuret

Les Mouvements du bassin

HPG nous revient en cette année 2012 avec un deuxième film dont il est le héros. Après l’excellent documentaire Il n’y a pas de rapport sexuel, le voici dans un véritable film de fiction au casting assez excitant et dont il a assuré lui-même la mise en scène pour son nouveau projet de réalisation après On ne devrait pas exister.

Le passage entre le milieu du porno et le cinéma classique est difficile. S’il était une véritable star, à raison quand on voit le documentaire de Raphaël Sibony, dans l’univers du X, grâce à sa gouaille, sa tendresse et sa volonté formelle, force est de constater que tout ne se passe si bien dans ses Mouvements du bassin. HPG n’a clairement pas les armes pour lutter contre ses propres faiblesses. Ainsi, le métrage est généralement tributaire d’une mise en scène plate et calquée sur un banal exercice pour étudiant en première année de cinéma. La photographie est inexistante quand ce ne sont pas les cadres ou les mouvements de caméra qui trahissent un manque de coup d’œil. Seuls deux plans sont à sauver, tant dans leur composition que dans leur signification. C’est trop peu ! Surtout, derrière cette fausse réalisation, HPG veut nous faire croire que tout ce dispositif est hype. Dignes d’un étalage de n’importe quelle braderie et autre vide grenier, les décors et les accessoires sont aux abonnés absents. Certaines critiques ne s’y sont pas trompées quand elle considère Les Mouvements du bassin comme un manifeste pour une nouvelle esthétique à la française. Désolé, mais elles sont complètement à côté de la plaque. Le film n’est pas à la mode, il est juste cheap. L’argument du manque de moyens de la petite production ne tient pas la route quand on voit les miracles que peuvent faire certains cinéastes avec trois bouts de bois et une ficelle. Les Mouvements du bassin manque simplement d’une réelle vision de cinéma.

Pourtant, HPG en montre une, de vision. Et c’est la sienne. Déjà, Il n’y a pas de rapport sexuel montrait que l’homme a une haute opinion de lui-même. Son métrage ne vient que confirmer cette tendance. La construction en montage parallèle, si elle s’avère cohérente d’un côté – nous y reviendrons – témoigne de l’autre part de cet égotisme. De tous les plans, le cinéaste-acteur se montre en train de faire à peu près n’importe quoi, n’importe quand et n’importe où. Futilité de l’existence, drame de la reconversion professionnelle, quel est le véritable sujet de cette partie ? Le spectateur n’aura aucune réponse. Le scénario ne donne pas de clé et préfère s’attarder sur des images à tentative symbolique, sur des séquences sans queue ni tête, sur une construction faussement labyrinthique qui n’ont qu’un seul enjeu, celui de se montrer lui-même, quitte à balancer le reste de sa distribution, sur un écran qui prend alors le parfait statut de reflet narcissique. Pour sûr, HPG a confiance en lui mais laisse du coup sur le bas côté tous ceux qui veulent comprendre un tant soit peu la signification de cette démarche. Inutile de voir ici un grand film malade, un objet filmique non identifié ou un métrage qui n’a pas eu les moyens de son ambition, le réalisateur a clairement conscience de ses actes de représentation tant il a maîtrisé l’essentiel du chantier. Nous sommes ici en plein cœur d’une démarche auteuriste dans ce qu’il y a de plus malsain, celle de se prendre pour un artiste à part entière monté sur un piédestal, de noyer son spectateur derrière une signification sur-jouée, d’être supérieurement élitiste.

Néanmoins, regarder Les Mouvements du bassin avec ce seul regard ne rendrait pas hommage à quelque tentative bien sentie. C’est l’autre côté du parallélisme du montage et celui-ci s’avère courageux. En nous narrant l’histoire d’un couple lesbien en quête d’un enfant, HPG se fait tout à la fois sensible, vindicatif et moderne. Ici, sa mise en scène fonctionne car il sait filmer les femmes, c’est indéniable. Le métrage se fait alors frontal et certaines situations et quelques dialogues sont suffisamment explicites pour exploser les clichés et autres tabous. Les corps sont montrés sans voile, les émotions ne sont pas drapées du politiquement correct et la sexualité n’est pas l’œuvre des Bisounours. Finalement, la condition féminine ne s’en sort que grandie, chose d’autant plus surprenante quand on sait que le cinéma pornographique est généralement taxé de misogynie grossière ou de machisme putassier. Les images d’Epinal ont encore de beaux jours devant elles mais HPG n’en a que faire. Il préfère développer sa compréhension d’une machine humaine marchant sans fausse pudeur puritaine et consternante naïveté aveugle. Par voie de conséquence, une certaine forme de sensibilité bienveillante et bienvenue englobe l’intégralité de cette partie. Le réalisateur aime ses actrices et les respecte au plus haut point, bien aidé il faut le dire par une Rachida Brakni et une Joana Preiss admirables de dignité. Le film serait déjà sauvé par ce regard mais il ne s’arrête pas là. Les Mouvements du bassin s’affirme comme un métrage militant sur le droit des homosexuelles à construire une famille. La situation est délicate quand on voit que le cinéaste convoque comportement à risque, action illégale et vengeance déroutante. Il ne faut pas voir dans ces situations une fibre je-m’en-foutiste. Au contraire, HPG a clairement conscience des difficultés rencontrées et ouvre vers ces non-sens de la responsabilité pour mieux nous faire ressentir la complexité des enjeux et pour stopper l’aveuglement de certains. Dépassant les querelles de clocher, le spectateur se retrouve clairement devant le premier objet du cinéma français parlant sans détour de cette thématique. C’est, à ce niveau, un véritable coup de maître de la part du réalisateur et on ne saurait que remercier une telle approche moderne de problématiques plus que jamais d’actualité.

Les Mouvements du bassin est un film bancal. Pouvant être détesté pour son côté m’as-tu-vu, le métrage se rattrape par son aspect sociétal de premier plan. Heureusement, c’est sur cette dernière impression que le spectateur peut sortir de la salle. Tant mieux mais on ne saurait recommander à HPG de moins se regarder filmer et d’aller voir davantage vers Autrui.


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