Tribune libre. Une expérience multiculturelle de Vatican II, entre l’Afrique et l’Europe.
Messe en rite zaïrois
Enfant des années 70, j’ai toujours vécu dans une Eglise post-conciliaire. Peu m’importait l’ancien monde inconnu, peu comptaient les souvenirs de mes parents, ouverts, mais seul, au final, me touchait la vérité profonde de l’Eglise dans sa liturgie. Longtemps, hélas, j’ai erré entre déception et frustration, dans l’hébétude de celui qui, imbibé d’enracinement, cherche la concordance de cet enracinement dans la liturgie, et à qui on propose musiquette débilitante et chants sans élévation, discours invertébrés et charité tiède. Des paroisses franchement modernes à l’austérité vieillotte, j’ai géré ma foi adolescente entre insatisfaction et mièvrerie.
J’ai donc connu mon éveil à l’Eglise de Dieu et à sa vocation post-conciliaire, non pas dans l’Occident qui joue son jeu dans son histoire, mais bien dans les bidonvilles de tôle de quelques pays chauds, où le Gloria In Exclesis Deo parle moins que le Nkembo Na Mwana et où les tam-tam sonnent plus vrais que les chansonnettes syncopées en cathédrale gothique. Aujourd’hui, rentré en France, revenant aux anciennes formes, seul le grégorien lent et les liturgies silencieuses me paraissent coller à la réalité profonde de notre ancienne histoire. Et je vis cette dualité sans état d’âme.
Car Vatican II -tout au moins dans son volet liturgique- me paraît incompréhensible dans les frontières françaises ou de l’Europe. Notre histoire et notre peuple doit vivre à son rythme lent et dans son histoire chargée, qui me paraît porter plus latin ou slavon, dorures en charges baroques, chapes et chasubles d’or, aubes serrées à la ceinture par continence, casqué d’amict, dans le jeu d’ombres et de lumières qui ressemble à notre âme pécheresse jouant dans la clarté de Dieu…
« Au plan liturgique, Vatican II me paraît incompréhensible dans les seules frontières françaises ou de l’Europe. »
L’Esprit-Saint qui est passé à Rome entre 1962 et 1965, ne visait pas – seulement – le renouvellement de l’Europe, mais bien le monde entier, ce monde qui, au moment même du Concile, se libérait peu à peu des tutelles occidentales pour vivre sa propre vie. Car le souffle de ce concile, en une étonnante vision d’avenir, me parait cibler ces pays et ces cultures jeunes, enthousiastes aujourd’hui (ces fameux « pays émergents »). Ils sont en effet le véritable avenir de l’Eglise, là où les non-dits n’ont pas place, là où l’amour a sa place en société, où la nature n’est pas niée. Ils vivent l’enthousiasme primitif de la révélation de l’amour de Dieu, sa charité sans complexe et multi-forme.
Il fallait lâcher pour ceux-là le latin et le silence, comme le grec et l’araméen ont été lâché ici et là, au fil de l’histoire. Et que l’artefact intégriste vienne d’un archevêque de Dakar me parait symptomatique de l’écroulement d’un monde, atteint par la perte de sa primauté. Mais, dans les temps de Dieu qui connaît nos tréfonds, dans la lenteur de Sa Miséricorde pour notre incapacité à changer, il me semble que le plain-chant auquel je suis revenu sous nos cieux a parfois besoin de choeurs à mille parties, qui lui sont tout aussi vrais…
Alleluia, Nkembo, Gloria !