(Yves) Saint Laurent Printemps-Eté 2013: au-delà de la déception..

Publié le 03 octobre 2012 par Maybachcarter

Quand, il y a quelques mois, on a annoncé que la marque de luxe française Yves Saint Laurent changeait de nom, j’ai d’abord cru à une blague, à quelque chose d’événementiel (et donc ponctuel). Malheureusement, ça ne l’était pas. Le nouveau directeur artistique de la marque, Hedi Slimane, a vraisemblablement tout un plan pour revamper YSL qui était en perte de vitesse sous son prédécesseur, Stefano Pilati. L’image de la bourgeoise Rive Gauche manquait cruellement de fraîcheur, et il y avait comme une sorte de mur infranchissable qui semblait bloquer Pilati. Saison après saison, on annonçait son renvoi/départ… avant de réaliser qu’il était encore là… jusqu’à cette année, où la rumeur est finalement devenue réalité. Départ émouvant, mais on ne s’inquiète pas pour Stefano, il retrouvera sûrement du travail…. chez Emeraldo Zegna d’ailleurs. Bon vent.

Voilà que se posait assez rapidement la question de savoir qui viendra sauver le soldat Saint Laurent… Il est tout trouvé: Hedi Slimane, celui qui a instauré la silhouette sombre, rock, les skinny jeans et les vestes androgynes chez Dior Homme.

Autant être franche, Slimane et Tom Ford sont les deux designers dont j’apprécie le moins le travail.

A l’annonce de sa nomination à la tête de la D.A. chez YSL, j’ai été presqu’en colère qu’il ait été choisi. Il n’a jamais fait de lignes pour femmes, en tous cas, je n’en ai jamais vu. Et j’avais un très mauvais préssentiment. On m’a, à l’époque, demandé d’éviter de me figer sur mes a priori et d’attendre qu’il fasse ses preuves. Chose que j’ai scrupuleusement faite.

Puis, on nous annonce que parmi les premières décisions stratégiques concernant le “rebranding” d’Yves Saint Laurent, on va déménager le studio créatif à Los Angeles (où vit le nouveau D.A.) et surtout, que le nom + logo de la marque vont changer. Toucher à ces deux aspects, relève de la pure folie et dans ce cas précis, d’une course (inutile) à la facilité. Quand Louis Vuitton a connu sa traversée du désert, a-t-on eu besoin de changer de nom ? Est-ce que Nicolas Ghesquière a eu besoin de passer de Balenciaga à “Cristobal Balenciaga” pour faire renaître la maison ? Par ailleurs, pourquoi n’avoir pas eu recours à la création du seconde ligne, plus expérimentale ? Autant de questions qui restent sans réponse.

Si encore ce changement était justifié en bon et due forme….. Saint Laurent ? Saint Laurent Paris ? Non, en fait le “Paris” est juste sur le logo mais pas dans le nom de marque.. Qu’advient-il du logo “YSL” ? Sur les anciens produits, il sera toujours valable, mais pas sur les nouveaux…. Et puis, les photos mystérieuses en noir et blanc qui dévoilent une sorte de nouvelle charte graphique… et puis.. STOP ! Trop d’informations en un très court laps de temps. Entamer une telle révolution doit être faite de manière pédagogique, en prenant en compte le dialogue à établir entre la marque ET la presse, mais surtout les client(e)s. Qu’on possède un ou mille article(s), ce logo, on s’ y est attaché, il est rentré dans l’inconscient collectif. Quelqu’un ne peut pas arriver, d’un coup d’un seul, décider de le changer..et attendre que tout le monde applaudisse sans faire la moue. Passons sur quelques autres détails qui m’ont fait tiquer et arrivons au mois de Septembre 2012.

Les deux défilés que tout le monde attend depuis le début du mois: Dior et Yves Saint Laurent. On parlerait presque d’un derby. L’un est le bijou de LVMH (1er groupe de luxe au monde) et le deuxième est le fleuron de PPR (éternel rival de LVMH). Les deux maisons sont à un tournant de leur histoire. Les deux viennent d’accueillir de nouveaux directeurs artistiques radicalement différents l’un de l’autre (Raf Simons et Hedi Slimane, dont la rumeur veut qu’ils ne s’apprécient pas des masses). Bref, on a vite fait de transformer la fashion week parisienne en un ring de boxe, à savoir qui réussira le mieux sa 1ère collection.

Raf Simons est le premier à passer. Après ses débuts chez Dior pendant sa présentation Haute Couture, il confirme son intention la semaine dernière pour le prêt-à-porter: la page Galliano est ré-vo-lue. Moins de superflu, un minimal savamment dosé, une révérence à Mr Dior plutôt distante MAIS polie. L’ère Dior sous Simons est donc à l’image du personnage, discrète, peut-être un peu trop diront certains, mais efficace.

Et puis Lundi 01er Octobre, c’est au tour d’Hedi Slimane de faire ses preuves. Il est attendu au tournant, il le sait. Et voilà qu’il propose…. ce qu’on attendait, voire pire. Une retranscription de ce qu’il a apporté chez Dior Homme, saupoudrée d’une pâle copie de l’esthétique seventies d’antan d’YSL. Je précise bien “copie” et non “réinterprétation“. Le défilé m’a tout de suite fait penser à Gucci, mais encore plus… à Rachel Zoé. Et pour qu’on en arrive à dire d’un designer qu’il fait du Rachel Zoé, il faut vraiment l’avoir cherché. Je trouve que c’est complètement PLAT, et je ne vois vraiment pas comment la cliente est censée se ruer sur les pièces (accessoires compris).

A la sortie du show, Géraldine Dormoy de Café Mode affirme que les invités étaient plutôt “dubitatifs“. Et ça se voit quand on lit les critiques le lendemain. Certains médias ont préféré juste décrire le défilé, afin de ne pas avoir à donner d’avis. D’autres par contre, ne se sont pas gênés pour émettre une opinion négative, le New York Times en tête, par la plume de Cathy Horyn.

Cathy Horyn, je vous en ai parlé ICI récemment. Elle n’était pas invitée au défilé hier, mais cela ne l’a pas empêchée d’expliquer pourquoi. Dans CET article riche en informations, on apprend qu’elle n’a pas reçu d’invitation parce qu’en 2004, elle avait osé dire que Raf Simons est le premier à avoir apporté le costume pour hommes façon slim, et que sans lui, il n’y aurait pas eu d’Hedi Slimane. Ce dernier l’a très mal pris, et a considéré que Cathy Horyn était partiale et 100% pro-Simons. Il a donc une dent contre elle depuis ce temps-là, ce qui aurait expliqué qu’elle ne soit pas invitée. Lorsque la journaliste a approché Mr Pinault (le grand chef de PPR et donc d’Yves Saint Laurent), celui-ci a déclaré qu’il était “ridicule” de la bannir et que “les journalistes DOIVENT assister aux shows“. Seulement, il semblerait qu’il ait tellement confié de pouvoir au nouveau directeur artistique, qu’il n’ose peut-être pas lui faire entendre raison sur ce point. Cathy Horyn a donc dû se contenter de commenter avec les photos du défilé à défaut d’y être, et vous vous en doutez, elle n’a pas aimé. Elle parle d’une collection “déconnectée de la mode de ces dernières années” et qui “n’a rien apporté de nouveau“. Sans oublier de préciser qu’elle, comme nous tous, attendait beaucoup PLUS. Ce qui est somme toute normale au vu de la HYPE qui a été bâtie en quelques mois. On apprend par ailleurs que lors du défilé en question, le 1er rang était plein de VIP. Passe encore. Mais aussi que la presse a été reléguée au second, puis troisième rang. Voire que certains journalistes prestigieux sont restés debout. Ensuite, on a demandé à ce qu’ils n’approchent pas H. Slimane après le défilé pour recueillir ses impressions, comme c’est pourtant la coutume, afin d’avoir SES propres explications sur son travail.

Les choses se corsent hier, lorsqu’Hedi Slimane décide de poster une mini-lettre ouverte à Cathy Horyn sur son compte twitter, en guise de réponse à sa critique sur son défilé Printemps-Eté 2013:

Cathy Horyn est une terreur des cours de récré et également une pro du stand-up sur les bords. Les gens du milieu disent qu’elle est une  journaliste plutôt moyenne, et un brin campagnarde, mais je ne suis pas d’accord. Elle a fait de grandes choses. Ce qu’elle a accompli de mieux jusque maintenant, c’est un bouquin écrit sur Bill Blass…que je n’ai pas lu. Il doit être terrible, et je serais ravi de le recommander à quelqu’un..si ça peut le faire vendre.

J’entends très souvent aussi que son sens du style est pour le moins douteux, surtout pour quelqu’un censé être une référence dans le milieu. Ceci n’a pas d’importance, personne ne lui a jamais demandé de devenir une inspiration pour tous, et il se pourrait que cela n’arrive jamais de toute manière.

Par ailleurs, et c’est plutôt drôle, son agenda est plutôt rempli et parfaitement prévisible. Elle est une femme en mission, et cette saison, elle n’arrête pas.

Mademoiselle Horyn travaille aussi pour le New York Times, (un endroit) où les conflits d’intérêts n’ont pas vraiment lieu d’être (..).

En conclusion, et en ce qui me concerne, elle n’aura jamais d’invitation chez Saint Laurent, mais elle devrait en avoir 2 pour le prix d’une chez Dior. Elle devrait se réjouir. Je n’ai pas de problèmes avec les critiques. Mais elles doivent venir de journalistes Mode, pas d’attachées de presse déguisées. Je suis plutôt étonné qu’elle (Cathy Horyn) ait pu continuer d’exercer depuis autant d’années.

Au passage, vous pouvez visiter notre nouveau site: YSL.COM.

Sincèrement vôtre.

Je suis outrée. Une maison du standing d’Yves Saint Laurent mérite tout sauf d’être ainsi traînée dans des bisbilles de ce genre. Mme Horyn est une critique, c’est son travail. Attaquer son intégrité professionnelle en l’accusant d’être partiale, pourquoi pas, mais était-on obligé de descendre à ce niveau de mesquinerie ? Et puis, se moquer de son sens du style…. c’est niveau collège. Doit-elle être excentrique comme A. Dello Russo ou Bobo-Arty comme Catherine Baba pour être crédible ? Elle est JOURNALISTE, pas styliste, pas rédactrice. Elle ne pose pas pour les blogueurs Street style, ça ne l’intéresse visiblement pas. Elle va à la fashion week pour y faire ce pourquoi on la paie à la base. Doit-on donc remettre en cause ce qu’elle a à dire pour cela ? Je m’arrête ici sur ce sujet, C. Horyn sait se défendre toute seule.. si elle daigne d’ailleurs s’abaisser à répondre.

Pendant que je m’informe sur cette histoire, je découvre qu’en fait, depuis l’arrivée de Mr Slimane, l’agressivité et l’air hautain sont plus que jamais de rigueur. Il se trouve qu’Imran Ahmed, fondateur de l’excellent Business of Fashion, a lui aussi été interdit d’invitations au défilé. Pourquoi ? Parce qu’il a émis des critiques à l’encontre de la stratégie de rebranding (et le changement de nom) d’Yves Saint Laurent. Il l’explique ICI. Tout y est dit.

Tentatives de coups de pression, chantages, manque de tact… je suis un peu écoeurée de voir dans quelle direction la maison Saint Laurent se dirige.. surtout parce que -sans jouer les Cassandre- je l’ai vue dès l’annonce de la nomination d’H. Slimane. Pour l’instant, il semble avoir Pierre Bergé et PPR de son côté, mais est-ce bien raisonnable  ?

Au-delà de la déception, je pense qu’il faut vraiment (et profondément) reconsidérer le statut de “Directeur Artistique star”. Le D.A. d’une marque de luxe aujourd’hui est en quelque sorte devenu sa première égérie, avant d’en être son cerveau créatif. Cela n’a pas que de bons côtés et Hedi Slimane vient d’en faire la parfaite démonstration.