Le film n’est pas exempt de défauts, loin de là, j’y viendrai plus loin, mais il y a quelque chose d’étrangement old school dans Savages qui fait un bien fou. C’est pêchu, c’est mordant, c’est bourré d’action et d’intrigues où le bruit et les couleurs ne parasitent pas ce mélange paradoxal d’insouciance et de sérieux rafraîchissants à l’heure du super héros roi. La sauvagerie, la tension et la sueur dispensées à l’écran ont d’ailleurs quelque peu déteint sur les spectateurs de la salle dans laquelle j’ai vu le film. J’ai repensé à cette étude de Claude Forest sur le placement des spectateurs dans la salle, et particulièrement à sa théorie du dominant (ceux qui aiment se mettre au fond dans la salle aiment le sentiment de dominer les autres spectateurs) quand j’ai entendu quelques mecs vers le fond se gueuler dessus un rang au-dessus de l’autre et être à deux doigts d’en venir aux mains. Peut-être le chercheur n’avait-il pas tout à fait tort sur la question, même si les râles des autres spectateurs alentour ont fini par éteindre le feu alors que l’un des excités proposait à un autre de sortir de la salle pour régler ça (quand même oui…). En fin de compte, ils en rediscuteront avec un étonnant calme en fin de séance… A croire que la sauvagerie déployée à l’écran les aura calmés, ou qu’ils auront finalement retrouvé leur sang-froid seuls (que s’était-il passé à l’origine de leur dispute, je n’en sais rien…).
Mais une fois les premiers doutes passés, assimilés, quelque chose d’enthousiasmant se dégage du trio Hayek / Del Toro / Travolta. L’acteur oscarisé de Traffic, en particulier, fait un numéro qui ressemble à de l’équilibrisme. Il est toujours à deux doigts du ridicule en homme de main de la pègre mexicaine mais n’y bascule jamais, prouvant au passage que la ligne entre pathétique et excellence est diablement fine. Benicio Del Toro est simplement jubilatoire, illuminant d’intensité et d’absurde chacune des séquences où il apparaît, et l’on se demande bien ce qu’il était devenu ces dernières années. Il s’était fait trop rare, assurément. Salma Hayek et John Travolta en font à peine moins et se montrent également rayonnants, la mexicaine en chef mafieuse incroyablement sensuelle et l’américain en agent du FBI véreux. Il faut la voir, engueulant ses troupes et leur lâcher du « Pendejo ! » intempestif.