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Le dictateur du jour: Obiang Nguema, parricide et force tranquille

Publié le 28 mars 2008 par Tomjez
Quel dictateur n’a jamais rêvé de diriger un petit pays pétrolier tranquille, loin du ‘bling bling’ des grandes nations, et qui permette de s’enrichir en toute tranquillité?
Ancienne colonie espagnole, la Guinée équatoriale, petit état de 468 000 âmes, connaît depuis la découverte de ses richesses pétrolières une croissance sans précédent. Bien que la manne pétrolière permette au pays d’avoir l’un des PIB par tête les plus hauts des pays africains (4100$), la Guinée équatoriale ne se classe que…127ème mondiale en terme d’indicateur de développement humain (IDH). L’espérance de vie y est de 51 ans. Une statistique finalement peu étonnante au regard de Obiang Nguema, dictateur qui dirige le ‘Koweit de l’Afrique’ depuis 1979.

Du parricide à la bienveillance de la France
Comme l’atteste son CV officiel, Obiang s’illustre dans les années 1970 dans l’armée guinéenne, dont il gravit rapidement tous les échelons. En 1975, il accède au poste de Chef des Armées, puis est nommé vice-ministre des forces armées populaires. Un poste clé, qu’il utilise pour renverser le pouvoir en place en 1979.
Un parcours typique de dictateur africain ? Pas tant que ça. Lors de son « coup de la liberté », Obiang renverse…son oncle et mentor, Francisco Macias Nguema, qui avait pourtant contribué à ses promotions successives au sein de l’armée. Ce dernier, en fuite, se réfugiera dans un bunker où il détruira les réserves monétaires du pays dans un acte de folie. Sans pitié, Obiang le fera condamner à mort dans la foulée.

Malgré ce parricide, Obiang bénéficie dès son accession du soutien des pays occidentaux. Son arrivée au pouvoir marque le retour de la Guinée équatoriale dans le bloc de l’Ouest, et, dans un premier temps, semble marquer un assouplissement de la dictature, tandis que Jean-Paul II, qui apprécie le catholicisme fervent d’Obiang, lui rend visite en 1982. La France de Mitterrand, en pleine période de Françafrique triomphante, saisit l’opportunité et investie massivement, notamment via Elf-Acquitaine, dans ce nouvel eldorado. Les premiers francs CFA sont distribués dès 1982. Obiang conservera son amitié avec tous les chefs d’Etat français successifs, y compris Nicolas Sarkozy, qui le rencontrera en Octobre 2007.
Succès électoraux
Dans les années 1980, Obiang enchaîne les succès électoraux impressionnants. Suite à son coup d’Etat, la nouvelle constitution est approuvée à 95.38%. S’en suit une longue période sans élections, ce que les nouveaux alliés occidentaux viennent à reprocher du bout des lèvres. Qu’à cela ne tienne ! Obiang organise une démocratie participative a parti unique, avant de tolérer d’autres mouvances politiques (en fait dirigées par ses alliés à 95%) dans une constitution approuvée par référendum en 1991 (98,4% de « oui »). Après une quinzaine d’années sans élections, Obiang est finalement réélu en 1996 (en tant que candidat unique) et 2002, où il recueille plus de 97% des suffrages.
Pour parachever le tout, le Président vient de dissoudre l’assemblée nationale, vouée à sa cause, afin que les élections législatives se déroulent en même temps que les municipales, en mai 2008, soit deux ans avant les présidentielles de 2010. Raison invoquée par le ministre de l’information Santiago Nsobeya Efuman: la nécessité « d'éviter la fatigue physique et le gaspillage que suppose l'organisation successives de trois élections ». Pourquoi se compliquer la vie, effectivement…
A la manière des grands dictateurs, Obiang sait aussi remercier ses amis. Son gouvernement ne compte pas moins de 59 ministres et secrétaires d’Etat, soit un pour 10,000 habitants. Ce qui fait sans doutes de la petite Guinée Equatoriale le pays au gouvernement le plus dense du monde…

Caricature de Obiang, par Jeffrey Decoster


Le « Dieu de la Guinée équatoriale »
Classé par Reporter Sans Frontières comme l’un des prédateurs de la liberté de la presse, Obiang est un grand fan du culte de la personnalité. Cet homme, que les médias locaux présentent modestement comme le « Dieu de la Guinée équatoriale », aurait même, toujours selon ces mêmes médias, le pouvoir de « décider de tuer sans que personne lui demande des comptes et sans aller en enfer ». Le veinard…
Malgré les multiples accusations des ONG de défense des droits de l’homme, Obiang fait la sourde oreille. Passé maître de l’utilisation du pétrole comme arme géopolitique, il voyage beaucoup, tant en Europe et aux Etats-Unis qu’en Amérique Latine, et s’offre même le luxe de rencontrer Benoît XVI en décembre 2005. Face à une question d’un journaliste de Jeune Afrique, qui lui demande pourquoi la Guinée Equatoriale est régulièrement accusée de violation des droits humains, Obiang reste placide « Je l’ignore moi-même ». Avant d’ajouter, sans rire, que « Nous venons même de réhabiliter et moderniser la prison de Black Beach [connue pour ses conditions de détention et la torture qui y est pratiquée]. C’est désormais un hôtel cinq étoiles ! ».



Classé par le magazine américain Forbes comme l’un des hommes d’Etat les plus riches de la planète, Obiang attise toutes les convoitises, et vit désormais dans la crainte d’un coup d’Etat, tandis que plusieurs témoins le décrivent comme gravement malade. Au dernière nouvelles, il chercherait à tout prix à assurer sa succession en plaçant son fils, heureux propriétaire d’une villa sur la plage de Malibu, à sa succession. Une manière comme une autre de consacrer un peu plus la transformation de la petite république en émirat pétrolier...



Manu Brutin



Liens:
- Site internets de RSF, Amnesty International, et Human Rights Watch consacrés à la Guinée Equatoriale
- Article de fond du journal allemand Der Spiegel (en anglais), Août 2006

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