Electriclove a profité du Salon International de l’Automobile de Paris pour réaliser le 28 septembre une interview exclusive d’Antonin Guy et Xavier Degon, de retour de leur tour du monde en voiture électrique.
Antonin et Xavier lors de leur tour du monde en voiture électrique
Electriclove : On vous a suivi sur Facebook, mais peux-tu nous décrire votre voyage ?
Antonin : on a fait un petit voyage de huit mois qui consistait à prendre une voiture électrique et à faire le tour du monde, voilà ! Le premier tour du monde en voiture électrique de série. Notre idée c’est de dire que si on arrive à faire le tour du monde en voiture électrique de série, tout le monde peut l’utiliser, par exemple à Paris.
Electriclove : tu es bricoleur ? Tu savais faire de la mécanique, réparer une voiture ?
Antonin : non, on est tous les deux un peu nuls en mécanique, et en l’occurrence sur un véhicule électrique, si on a un problème sur la chaîne de traction électrique c’est pas évident à réparer comme ça, même si on est un spécialiste de l’électronique. Heureusement, on n’a pas eu besoin d’intervenir sur la voiture.
Electriclove : c’était l’aventure ? des pépins, des imprévus ?
Antonin : c’est un peu l’aventure tous les jours quand il s’agit de convaincre des gens de ne nous prêter une prise électrique. Mais d’autant plus quand on est dans des zones comme les steppes kazakhes ou le désert de Gobi où là, il y a encore moins d’habitants au mètre carré, et il faut réussir à se faire comprendre. C’est surtout le langage des signes qui nous a servi !
Electriclove : c’est comment « électricité » en langage des signes ?
Antonin : On montre la voiture, ou souvent on a une rallonge et on la montre. On avait aussi un petit papier qui expliquait, mais c’est en anglais et la plupart du temps ils ne parlent pas anglais. On cherche une prise, et on leur montre.
Electriclove : il y a des prises dans le désert de Gobi ?
Antonin : oui il y a des prises, mais parfois, c’est assez coûteux physiquement. Il est une ou deux fois quand même, on a dû dormir à côté, par exemple dans une station d’essence au milieu du désert de Gobi. La prise est dans les toilettes, donc on dort la nuit dans les toilettes de la station essence. Mais sinon c’est assez surprenant mais on a réussi à trouver des petits villages tous les 100 km environ.
Electriclove : l’électricité ne doit pas être la même partout, entre le 110 V et le 220 V ?
Antonin : c’est uniquement aux États-Unis et au Japon que ça pose quelques soucis. La voiture, sur les 220 V, se recharge en 6h, sur du 110 volts, c’est 14h ! C’est un peu plus long, du coup cela nous a valu parfois 8 ou 9 heures dans des McDo ! Mais en tout cas, on a pu bien découvrir l’Amérique profonde.
Electriclove : à chaque fois, vous papotiez avec les gens ?
Antonin : oui, surtout aux États-Unis où ils parlaient anglais. On s’occupait aussi de notre site Internet, des événements qu’on organisait sur le trajet. On avait pris quelques films, mais on n’a pas pu terminer. On n’a pas eu le temps de s’ennuyer.
Electriclove : est-ce que les gens comprenaient que c’était une voiture électrique, parfois ce devait être la première fois qu’ils en voyaient une ?
Antonin : c’est bizarre, mais quand on demande une prise aux gens, ils nous aident sans forcement poser beaucoup plus de questions. C’est après parfois qu’au bout de 10 minutes ils reviennent, en se demandant mais c’est qui ces deux mecs qui se sont branchés dans mon jardin ? Dans beaucoup de pays, la barrière de la langue fait qu’on n’a pas pu avoir beaucoup de retour sur leur ressenti en ce qui concerne la voiture électrique, mais on se rend compte qu’ils sont super intéressés et très curieux.
Electriclove : ça vaut combien un plein d’électricité chez les gens ?
Antonin : Ca dépend de la manière dont on conduit. Au tarif EDF, puisqu’on est sur le stand EDF, en gros ça coûte de 1 € à 1,50 €. Nous, on arrivait à faire quasiment 150 km avec un plein. Ca fait environ 250 € d’électricité pour un tour du monde. Avec l’essence ça aurait coûté cinq à six fois plus cher. Dans le détail, ça dépend forcément du prix que vous prenez en compte, mais c’est à peu près ça l’ordre de grandeur.
Electriclove : les gens étaient-ils conscients de la valeur de l’électricité quand vous vous branchiez chez eux ?
Antonin : à chaque fois, on proposait de les dédommager, dans la monnaie courante, de deux ou trois euros. La plupart du temps, ils refusaient. Quelques-uns, très rarement, ont essayé de nous arnaquer en demandant 10 ou 15 euros. Ils savaient que ce n’était pas si cher. Dans ce cas, on terminait dans une sorte de négociation. Mais globalement, les gens étaient hypers sympa et nous offraient l’électricité la plupart du temps, même dans des pays où ils n’ont pas beaucoup d’argent comme le Kazakhstan, la Thaïlande, le Laos ou le Vietnam. Souvent, au début, ils disaient : vous allez nous payer. Mais, comme on restait 3 ou 4 heures, on avait le temps de sympathiser un petit peu, et à la fin, ils ne nous faisaient pas payer.
Electriclove : alors, tu conseilles ce voyage tout le monde ?
Antonin : ah non, c’est assez particulier comme voyage ! Pendant huit mois on n’a quasiment jamais dormi au même endroit, et tous les jours qu’on repart, il faut se battre pour trouver deux ou trois fois par jour des prises électriques. Ce n’est pas de tout repos. Si vous voulez prendre des vacances, je ne vous conseille pas de faire un tour du monde en voiture électrique.
Un tour du monde en voiture électrique, c’est confortable ?
Electriclove : sur le stand EDF du salon de l’auto, c’est le même véhicule que celui que vous avez utilisé pour votre balade autour du monde ?
Xavier : c’est une copie conforme de notre voiture. C’est une Citroën C-zero aussi, qui a été mise en scène avec les mêmes stickers que nous, par EDF, pour l’avoir sur leur piste d’essai. C’est donc exactement la même, puisque nous avions une voiture de série sans faire aucune modification.
Electriclove : vous avez passé combien de kilomètres dans cette voiture ?
Xavier : au dernier relevé de compteur, qui était affiché en temps réel sur notre site, on a fait 26 366 km dans cette voiture. C’était notre maison pendant huit mois.
Electriclove : avec une moyenne de combien par jour ?
Xavier : selon les pays, parce qu’il y a quelques particularités, nous étions entre 200 et 250 km.
Electriclove : combien de recharge cela représente ?
Xavier : le truc simple, c’était se faire une recharge l’après-midi de 4 à 5 heures.
Electriclove : c’était la grande sieste !
Xavier : c’était rarement une vraie sieste, parce que on était quand même là pour rencontrer des gens, et quand on débarque chez quelqu’un et qu’on se branche, forcément on fait un peu connaissance. Des fois, ils nous font un peu visiter le quartier s’ils ont quelque chose de particulier chez eux : si c’est une ferme, ce qu’ils font pousser, les vaches qu’ils ont, les bisons qu’ils ont ! Pas mal de découvertes…
Electriclove : ils étaient curieux qu’une voiture puisse marcher à l’électricité ?
Xavier : oui, très curieux. Il faut se remettre dans le contexte. Même en France, une voiture électrique, on n’en voit pas tous les jours, même si on en voit de plus en plus. Là, on était dans des villages, dans de petites villes. Les gens n’avaient pas l’habitude de voir des étrangers. Mettez-vous à la place du Thaïlandais dans son village de 1000 habitants. Tout d’un coup, il y a deux occidentaux qui débarquent, alors qu’il n’y a jamais aucun touriste, et qui commencent à s’agiter dans tous les sens, pour essayer de trouver une prise. Et puis après, quand ils comprennent que c’est un tour du monde, une voiture électrique suscite la curiosité et beaucoup d’enthousiasme. C’est grâce à ça en partie que tous ces gens nous ont aidés, je pense.
Electriclove : est-ce que le fait que la voiture est silencieuse est un vrai confort pour un grand voyage ?
Xavier : oui. La voiture électrique a plusieurs contraintes, mais il y a une chose dont on est absolument convaincus : c’est extrêmement confortable à conduire. Il y a le silence, et un couple très élevé, caractéristique des moteurs électriques. C’est plutôt plus nerveux qu’une voiture à essence.
En savoir plus :
2 questions à Michel Couture, Directeur de la mobilité électrique chez EDF
Electriclove : qu’est-ce qu’il y a de nouveau dans la voiture électrique ?
Michel Couture : ce qui est nouveau dans notre offre, ce que nous avons un certain nombre de propositions qui sont là pour débloquer le fait que certains de nos clients aujourd’hui ne passent pas à l’électrique. Notamment, nous avons une offre de location moyenne durée à destination des professionnels et des collectivités territoriales pour faire en sorte qu’ils puissent basculer dans le véhicule électrique sans s’engager. Nous prenons en charge l’investissement, nous louons le véhicule, et comme le coût de l’usage du véhicule électrique est beaucoup plus faible que celui d’un véhicule thermique, ça lui permet de bénéficier de tous les avantages du véhicule électrique sans supporter la charge totale. Et au bout de 11 ou 12 mois, il peut très facilement prolonger sa location, ou acheter le véhicule.
Electriclove : à quand la voiture électrique pour 50 % de la population ?
Michel Couture : Une voiture tout électrique pour la moitié de la population, ce n’est pas du tout tout de suite, parce qu’il faudra que les batteries aient beaucoup évolué. Aujourd’hui, les cibles du véhicule électrique, ce sont des véhicules qui ont en général des trajets relativement courts dans la journée : 60 à 100 km maximum. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 80 % des véhicules font moins de 60 km par jour. Et plus d’un tiers des véhicules ne fait jamais plus de 150 km par jour. Donc la cible est énorme. Déjà, si tous ces véhicules sont un jour à l’électricité, ce sera un grand progrès.