La ville de Paris avait acquis par voie de préemption un hôtel, désirant réaliser une opération d'aménagement public nécessitant la fermeture de l'établissement, la ville avait alors demandé au juge de l'expropriation de statuer sur le droit au relogement d'un occupant d'une chambre de l'hôtel et sur son indemnité d'éviction, soutenant que cette indemnité devrait être réduite à néant au cas où l'occupant serait dépourvu de titre de séjour sur le territoire français.
La premiere question posée à la Haute Juridiction était relative à la compétence du juge de l'expropriation.
La ville de Paris soutenait qu'en affirmant qu'il lui appartenait d'apprécier la situation de M. X. au regard des règles relatives au séjour des étrangers sur le terriroire français, alors que cette question ne pouvait être tranchée que par le juge du fond, le juge de l'expropriation s'était arrogé un pouvoir qui ne lui appartenait pas, en violation de l'article L.13-8 du code de l'expropriation.
Cet article du Code de l'expropriation dispose que lorsqu'il existe une contestation sérieuse sur le fond du droit ou sur la qualité des réclamants et toutes les fois qu'il s'élève des difficultés étrangères à la fixation du montant de l'indemnité, le juge règle l'indemnité indépendamment de ces contestations et difficultés et doit surseoir à statuer, les parties étant renvoyées à se pourvoir devant le juge du fond pour que ce dernier règle préalablement la question.
La Cour juge le moyen non fondé, estimant que la Cour d'Appel avait retenu à bon droit que le juge de l'expropriation était seul compétent pour statuer en application de l'article L. 14-3 du Code de l'expropriation sur le litige relatif au droit au relogement d'un occupant et à l'indemnisation pouvant lui être due à ce titre.
Cet article confie en effet de manière générale au juge de l'expropriation le jugement des contestations relatives au relogement des locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel dans le cadre d'une procédure d'expropriation.
La seconde question posée à la Haute Juridiction avait trait au droit au relogement et à l'indemnité d'éviction d'un locataire étranger en situation irrégulière sur le territoire français.
La Cour de Cassation constate que les article L. 314-1 et suivants du Code de l'urbanisme ne posent aucune condition tenant à la situation administrative des occupants étrangers.
Et énonce, en conséquence, que la Cour d'appel ayant constaté que l'hôtel constituait l'habitation principale de l'occupant évincé, et ayant souverainement retenu la bonne foi de ce dernier, pouvait en déduire qu'il bénéficiait du droit au relogement et de l'indemnité prévue par les dispostions de l'article L.314-2 du Code de l'urbanisme.
"Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que le juge de l'expropriation était seul compétent pour statuer au fond en application de l'article L. 14-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique sur le litige relatif au droit au relogement d'un occupant et à l'indemnisation pouvant lui être due à ce titre ;
Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la Ville de Paris avait acquis l'immeuble par voie de préemption le 19 mars 1993, que M. X..., locataire gérant de l'hôtel meublé exploité dans cet immeuble, y occupait une chambre depuis 1993, qu'il n'était pas contesté que ce logement constituait son habitation principale, et que les articles L. 314-1 et suivants du code de l'urbanisme ne posaient aucune condition tenant à la situation administrative des occupants étrangers, la cour d'appel, statuant en qualité de juridiction de l'expropriation, a souverainement retenu que M. X... était occupant de bonne foi et en a déduit à bon droit, sans violer l'article 6 du code civil, que celui-ci devait bénéficier du droit au relogement et de l'indemnité due à l'occupant de bonne foi en application de l'article L. 314-2 du code de l'urbanisme ;"
(Civ. 3ème, 12 septembre 2012, n° 11-18073)