![Les paysages contrastés des Quatuors de George Onslow par le Quatuor Ruggieri john constable malvern hall warwickshire](http://media.paperblog.fr/i/582/5822473/paysages-contrastes-quatuors-george-onslow-qu-L-uvpHzY.jpeg)
John Constable (East Bergholt, 1776-Londres, 1837),
Malvern Hall, Warwickshire, 1809
Huile sur toile, 51,4 x 76,8 cm, Londres, Tate Gallery
(cliché © Tate)
La question de déterminer si George Onslow était simplement un amateur doué que sa fortune personnelle – rappelons qu’il était
issu d’une prestigieuse famille aristocratique, anglaise par son père, française par sa mère – autorisait à créer la musique qui lui plaisait en se souciant comme d’une guigne de son succès,
puisqu’il n’avait nul besoin des revenus qu’il aurait pu en tirer pour vivre, ou s’il est un compositeur de premier plan injustement tombé dans l’oubli demeure, aujourd’hui encore, d’actualité.
Si les jugements portés sur sa production lyrique (un opéra, deux drames lyriques, un opéra comique) sont en général sévères et expliquent sans doute qu’elle soit toujours inédite, si ses
quatre symphonies, qui attendent toujours un enregistrement qui leur rendrait mieux justice que celui, stylistiquement inabouti, de Johannes Goritzki (2 CD, CPO), manifestent une inspiration
assez inégale, Onslow est indiscutablement une, sinon la figure majeure de la musique de chambre en France dans la première moitié du XIXe
siècle.
Des trois proposés dans le disque du Quatuor Ruggieri, c’est certainement le Quatuor en ré mineur op. 10 n°2
(c.1811-1813) qui avoue le plus immédiatement sa dette envers Haydn avec son premier mouvement plutôt tendu, compact, et obstinément monothématique dans lequel passe même un souvenir de celui
du Quatuor en ré mineur Hob. III :76 (« Les Quintes »), son vigoureux Menuet fondé sur un timbre populaire, celui de la chanson Viva leus Ouvergnats !
(Vive les Auvergnats !), enchâssé avec beaucoup d’intelligence dans une musique savamment élaborée, son Andante à variations, forme dont Haydn exploita à de nombreuses
reprises les possibilités, dans lequel alternent une atmosphère sereine et des passages nettement plus virtuoses où, suivant le modèle du quatuor concertant très en faveur auprès du public
parisien, les différents pupitres dialoguent comme dans une conversation et sont chacun à leur tour mis en valeur, et son Allegretto final qui retrouve l’énergie du mouvement initial
mais avec des traits d’humour qui adoucissent notablement son caractère sérieux. Composé durant les mêmes années, le Quatuor en fa mineur op. 9 n°3 s’ouvre sur un
Moderato nettement plus nuancé et d’une plus grande richesse d’expression que son prédécesseur, qui fera dresser l’oreille aux familiers des œuvres des frères Jadin, le
Quatuor op. 1 n°3 de Hyacinthe (1776-1800) et surtout le Quatuor n°2, exactement contemporain de celui d’Onslow et injustement méconnu en dépit de sa beauté, de
Louis-Emmanuel (1768-1853), deux œuvres écrites dans cette même tonalité mélancolique de fa mineur.
Composé de musiciens issus de l’orchestre Les Talens Lyriques (trois y sont chefs de pupitre), le Quatuor Ruggieri
(photographie ci-dessous) signe ici un disque aussi ambitieux que réussi. En tout premier lieu, il faut souligner la solidité des capacités techniques des quatre comparses qui leur permet
d’aborder les partitions avec une belle assurance en se concentrant uniquement sur l’expression musicale. Faisant preuve d’une extrême précision dans la mise en place, dans le rendu des nuances
et des dialogues, les interprètes livrent des trois œuvres une lecture où la fluidité le dispute à la transparence, sans jamais que cette exigence de lisibilité, au demeurant parfaitement
relayée par une prise de son de grande classe d’Alessandra Galleron, s’opère au détriment de la matière sonore, qui possède ce qu’il faut de présence, de chaleur et de couleurs pour séduire
complètement.
Quatuor Ruggieri
Gilone Gaubert-Jacques, violon, Charlotte Grattard, violon, Delphine Grimbert, alto, Emmanuel Jacques, violoncelle
1 CD [durée totale : 69’43”] agOgique AGO006. Incontournable Passée des arts. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Quatuor en fa mineur op. 9 n°3 :
[I] Moderato
2. Quatuor en mi bémol majeur op. 21 n°3 :
[IV] Finale. Allegro scherzo, quasi Allegretto
Illustrations complémentaires :
Pierre Louis Henri Grévedon (Paris, 1776-1860), George Onslow, 1830. Lithographie, 32 x 24 cm, Paris, Bibliothèque Nationale de France
Achille-Etna Michallon (Paris, 1796-1822), Une cascade au Mont-Dore, 1818. Huile sur toile, 41,3 x 56,2 cm, New-York, Metropolitan Museum
La photographie du Quatuor Ruggieri est de Florence Grandidier, utilisée avec autorisation.
Suggestion d’écoute complémentaire :
En 1994, le Quatuor Mosaïques gravait un disque qui révélait au grand public l’incroyable beauté de trois quatuors dus au trop précocement disparu Hyacinthe Jadin et à son frère ainé Louis-Emmanuel. Toutes les bonnes fées semblaient s’être réunies autour de cet enregistrement réalisé sur quatre instruments d’un maître-luthier parisien de la seconde moitié du XVIIIe siècle, Nicolas Bertrand, dans leur pur état d’origine qui révélait un monde jusqu’alors complètement inconnu, fait d’une écriture parfaitement maîtrisée et de frémissements sensibles toujours émouvants, parfois poignants et traversés de lueurs tragiques, servis par des artistes unis par une magnifique complicité et dotés de moyens techniques superlatifs. Un enregistrement à connaître absolument et à chérir.
Quatuor Mosaïques
1 CD Valois/Auvidis V 4738. Incontournable Passée des arts. Ce disque (réédition, pochette différente) peut être acheté en suivant ce lien et un extrait de chaque plage peut en être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
Jadin: Quatuors | Compositeurs Divers par Quatuor Mosaïques