Rentrée littéraire 2012 : “Les immortelles” de Makenzy Orcel ou le somptueux naufrage des corps enlacés

Par Alyette15 @Alyette1

« Les clients, rien que des fils de putes qui augmentent le prix  encore et encore s’il le faut pour te posséder…Pour avoir tout… Qui pensent qu’avec leur argent ils peuvent même arriver à saisir l’immense infini qu’est le cœur d’une femme »

1ère de couverture “Les immortelles” de Makenzy Orcel aux Editions Zulma

Dans son jardin d’Eden, l’homme blanc cultive les Immortelles, ces plantes d’ornement très résistantes. Dans la langue poétique du jeune auteur Haïtien, Makenzy Orcel, “Les Immortelles” à la croupe écarlate poussent en liberté sur les pavés de Port au Prince. Un Port au Prince féroce et tatoué de misère soumis au séisme dévastateur.

Peu après le tremblement de terre, un écrivain se rend au bordel. Il faut bien, encore, que la chair exulte. En échange de quelques mots couchés sur le papier, une prostituée, “Une Immortelle”, raconte à l’écrivain. La putain dit l’histoire des putains de Port au Prince, les oubliées de la terre qui se brise. Elle dit sans larmes le destin beau et tragique d’une petite. La petite, Shakira, comme la chanteuse de R&B. La petite, une mordue de lecture, celle des récits de Jacques Stephen Alexis, le grand auteur Haïtien entré en résistance contre la dictature de Papa Doc. Shakira, trop belle pour la lie de la Grand-Rue, voyage parmi les mots et les sexes turgescents introduits dans sa bouche menue forment des rimes convoitées. Elle en oublie d’usiner les corps, la petite, toute émue par l’intérêt que lui porte un un professeur de littérature. Mais, la Grand-Rue n’est pas un roman. La prostituée raconte. Elle sait le désir des hommes qui germe comme une  herbe folle en dépit du chaos. Le désir plus tenace que l’apocalypse.  Battant le pavé, toujours et encore, les putains de Port à Prince laissent à Dieu sa miséricorde.

Avec ce premier roman d’une terrible beauté, Makenzy Orcel nous fait entrer dans le purgatoire Haïtien, un purgatoire fait de chair aussi vivace qu’en décomposition. Hyperbole stylisée et poétique d’un monde coupé en deux, ce récit donne la parole à celles qui se taisent et que la morale réprouve. Sans apprêts, la langue sauvage et  libre de Makenzy Orcel pénètre les zones érogènes du lecteur jusqu’à la jouissance. Pas de tricheries stylistiques dans ce court livre évoquant un chant païen déclamé sous un soleil écrasant avec pour uniques témoins la charogne et les chiens. Mais pourtant,  la vie s’acharne et  c’est le poing levé que l’auteur déclare sa flamme impudique à ce monde “où nous venons pour mourir”. Pour que perdure la folie de  vivre, reste  les voyages, ceux de Shakira-la petite « Pour moi, il existe deux grands voyages. La lecture et le somptueux naufrage des corps enlacés ». 

Astrid MANFREDI, le 02/10/2012

Informations pratiques :
Auteur : Makenzy Orcel
Editeur : Editions Zulma
Nombre de pages : 134
Prix France : 16,50 euros